Ch. 9 : Le grenier

230 20 15
                                    

Pourquoi faut-il que Monsieur soit souvent désobligeant avec moi ? Son attitude me déstabilise constamment, je crois bien faire et il me rabroue, me reprochant de prendre des initiatives. Je n'ai pas l'impression qu'il soit ainsi avec les autres domestiques. Il est vrai que l'on m'a souvent reproché mon impatience, mon manque de tacts peut-être même ma franchise mais je m'évertue à toujours accomplir mes tâches avec beaucoup d'application. Je sais par ma mère qu'il est bien difficile de diriger une demeure pareille et je compte faire tout mon possible pour aider Monsieur le comte mais il va falloir pour cela qu'il me fasse confiance ...

Le grenier, qui sert de débarras depuis de nombreuses années, renferme des trésors, du mobilier, des babioles, des malles pleines de linges mais surtout beaucoup de poussière et de toiles d'araignée. Les dégâts sont minimes, quelques fuites ici et là mais après la réparation du toit plus rien n'y paraîtra. Armée d'un seau et de quelques chiffons, je m'agenouille pour éponger la flaque la plus importante.

- On dirait bien que pour une fois vous m'obéissez ! lâche Monsieur le comte dans mon dos.

Je m'empresse de me relever pour le découvrir adossé au chambranle d'une fenêtre, dans sa chemise grande ouverte sur son torse luisant, les muscles de son ventre saillants. L'image est saisissante et la vue me submerge d'une émotion indescriptible. Son regard perçant pèse sur moi comme une promesse non dissimulée, je ne parviens pas à cacher mon trouble et mes joues rosissent sous ses airs de mâle dominant. Il se rapproche de moi, trop près, beaucoup trop près pour que mes idées restent lucides. Il saisi mon menton m'obligeant ainsi à détacher mes yeux de ses lèvres, je déglutis sans comprendre pourquoi je m'émeus ainsi, pourtant un nœud se forme au creux de mon ventre, une douleur lancinante s'immisce dans le creux de mes reins. Il s'appuie d'une main sur le bois miteux d'une poutre derrière moi, tandis que l'autre se pose sur ma hanche pour réduire l'espace qui nous sépare.

- Comment ce fait-il que vous me fassiez cette effet T/P ? murmure-t-il. Qui êtes-vous ?

- Je ne suis que moi Monsieur ? me risquais-je.

- Pourquoi suis-je constamment sur le qui vive quand vous êtes dans les parages ? J'essaie d'ignorer ce trouble mais je n'y parviens pas. J'ai sans cesse le besoin de vous savoir en sécurité et surtout ...

Il laisse sa phrase en suspend, ses yeux accrochés à mes lèvres il fond sur moi pour s'en emparer. J'accueille son baiser volontier, mes mains s'accrochant au pans de la chemise, je gémis sous le joug de son assaut, me délectant de sa bouche sur la mienne. Sa main toujours agrippée à ma hanche, il réduit à néant les derniers centimètres entre nous. Son corps contre le mien fait naître une nouvelle sensation dans le bas de mon ventre, un tumulte qui chamboule mon être et mon âme. Un râle lui échappe, ses doigts glissent sur ma gorge, ils s'enroulent m'obligeant à relever davantage la tête et ainsi intensifier notre échange, nos langues se cherchent, se caressent, elles jouent, elles se mêlent dans une danse acharnée. Je me hisse sur la pointe des pieds pour presser ma poitrine contre la sienne et ses bras m'enveloppent pour ne me laisser aucune chance de lui échapper. J'aimerais que ce moment dure une éternité quand ...

- Jungkook ? T'es là-haut ? entonne une voix familière au rez de chaussé.

Ses bras me quittent précipitamment, il essuie machinalement ses lèvres d'un revers de main n'osant poser les yeux sur moi.

- J'arrive ! répond-il à Taehyung. Vous devriez terminer ce que vous faisiez et descendre ensuite, lâche-t-il sans un regard pour moi.

Mes doigts frôlent cette partie de moi marquée au fer rouge par son baiser, mes lèvres encore gonflées par son acharnement je ne réalise qu'à l'instant ce que nous venons d'échanger. Il n'est pas possible que cela se soit produit ! Cela ne se peut pas, ne se doit pas ! Je nous l'interdit ! Jamais nous n'aurions du échanger ce baiser, jamais je n'aurais du laisser Monsieur le comte s'emparer de moi ainsi, jamais ... me maugréais-je trop tard.

Je passe le reste de cette journée à éviter Monsieur, vacant à des occupations en intérieur. Je profite que tout le monde soit dehors pour m'éclipser sans que personne ne sache où je me trouve. Je récure une gamelle alors que Madame Chang se trouve avec les autres dans la cour où chacun profite des rayons du soleil.

- Je me trompe ou vous vous cachez ? demande le docteur Taehyung en passant son adorable minois par l'entrebâillement de la porte.

- Je ne vois pas à quoi vous faites allusion docteur ?

- Est-ce que Jungkook aurait encore fait des siennes ? Vous aurait-il réprimandé ou contrarié ? insiste-t-il.

- Rien de tout cela Monsieur. Je vous assure, le rassurais-je.

Ça moue m'indique qu'il n'est pas convaincu de ma réponse. Je lui propose de goûter l'assaisonnement du ragoût que Madame Chang a fait mijoté pour ce soir. Il se laisse facilement convaincre et lippe la cuillère en bois que je lui tends. Ses yeux se ferment, il semble apprécier et lorsqu'il les rouvre il me suggère de ne pas toucher à son goût mais plutôt à sa texture.

- Pensez-vous que je dois épaissir la sauce ?

Il me tend le pot contenant la farine qui se trouve sur le plan de travail, je m'en saisi et plonge une petite louche pour en parsemer dans la gamelle quand alors Taehyung me le prend des mains pour m'en asperger. Le visage couvert de farine, je reste bouche bée, observant le jeune homme se tordre de rire. A mon tour, je ne peux réfreiner l'envie hilare qui me prend et j'accompagne le docteur dans sa folie. Notre frénésie ne passe pas inaperçue et rapidement Madame Chang déboule dans la cuisine pour nous réprimander tous les deux.

- Mon Dieu ! Mais que vous a-t-il pris à tous les deux ? demande-t-elle l'air énervé.

- Pardonnez-nous Madame Chang. Tout ceci est de ma faute. T/P semblait si triste que je n'ai pas trouvé mieux pour lui changer les idées.

Ces paroles me vont droit au cœur, j'accroche mon regard au sien pour, silencieusement, le remercier. Notre connexion est interrompue par la cuisinière, elle même émue par les paroles réconfortante du médecin. Elle nous prie de quitter les lieux pour descendre au puits nous débarbouiller.

- Laissez-moi vous aider T/P, propose Taehyung en imprégnant un mouchoir de l'eau fraîche pour retirer la farine collée à mon visage.

Je le laisse faire, il est si doux et attentionné avec moi. Quand je repense à ce qui s'est produit tout à l'heure avec Monsieur le comte, je ne peux m'empêcher de rougir, la gène m'envahissant je détache mes yeux de celui qui se trouve devant moi.

- Puis-je vous poser une question ? hasard-il.

- Je dois y retourner, l'avertis-je consciente qu'il va devenir indiscret.

Il me retient par la main, insistant pour que je me rasseye à ses côtés.

- Je ne sais pas exactement ce qui se passe entre Jungkook et vous. Ce qui est certain c'est qu'il vous dévore littéralement du regard. Et depuis la mort de Camille, c'est la première fois qu'il s'inquiète autant pour quelqu'un. Alors si vous avez, un tant soi peu d'affection pour lui, soyez patiente.

- Monsieur le comte est mon employeur. Rien d'autre ! affirmais-je en le quittant.

Monsieur Le ComteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant