Ch. 20 : La maîtresse

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Les mots résonnent en moi comme une tempête ravageant les côtes sauvages de nos terres. Elle emporte tout sur son passage, raison, amour propre, spiritualité et même mes facultés de pensées sont enrayées, dévastées, totalement anéanties. Blottie dans ses bras, incapable de réagir, partagée entre l'envie de m'enfuir et celle de lui avouer mon amour, je déglutie péniblement, j'enfouie mon visage dans le col de sa chemise. Je m'octroie ce temps de répit, supposant que je ne sache quoi lui répondre, de la même manière que l'on se donne un temps de réflexion. La mienne, ma concentration s'applique à justement ne pas réfléchir, j'en suis incapable, l'esprit embué par ses quelques mots prononcés dans mon cou. Un adage qui me tourmente, qui me brûle, me dévore de l'intérieur, me consume le cœur. Je voudrais lui dire oui mais j'en suis incapable, les sons ne franchissent pas mes lèvres, ils se terrent dans les tréfonds de mon âme, ils se cachent, se dérobent, les lâches ! Alors sans un geste, je reste ainsi dans la chaleur de son corps contre le mien, son parfum enivrant, entêtant mes sens, déboutant mes instincts, je ne me lasse pas, je subis la caresse, je l'aime simplement ...

Il se défait de notre étreinte, fixe son regard au mien, ses yeux me cherchent, ils attendent une réponse qui ne vient pas. Il me veut mais à quel prix ? A quel sacrifice est-il prêt ? Je m'étais promis de ne pas entacher le chemin de son bonheur, que suis-je en droit d'exiger de cet homme ? Rien, je n'ai aucun droit sur lui et pourtant il me propose à moi d'être sa maîtresse, de partager sa couche, de s'offrir à moi. Comment pourrais-je me résoudre à ignorer sa requête, moi qui l'aime tant ...

- Oui, soufflais-je à demi mot.

Je lui réponds comme on prononce ses vœux de mariage, dans un bonheur qui soulève le cœur et embue les yeux de larmes chaudes. Je le regarde pour la première fois depuis que cette question lui a échappé, il porte sur moi un œil bienveillant et chaleureux. Rien dans son attitude ne dévoile ses réelles intentions, juste un sourire qui se dessine sur ses lèvres roses et qui fait apparaître cette fossette adorable sur sa joue. J'ose approcher ma main de cette dernière, il dépose sa tête dans ma paume m'autorisant à le toucher, le caresser, les doigts de ma main libre viennent effleurer ses cheveux, écartant les mèches barrant son front. J'inspecte délibérément son visage pour m'imprégner de cette image parfaite saisi par le moment que nous partageons. Mon cœur bat à tout rompre, l'amour que je lui porte est indéfectible, inconditionnel et sans fin, jamais je ne pourrais cesser d'admirer cet homme énigmatique mais comment articuler la suite de notre histoire. Comment suis-je sensée me comporter ? Quel va être mon rôle ? Comment une gouvernante peut-elle aussi être la maîtresse de son ... maître ? Cette dernière interrogation est un paradoxe à elle seule ... Les plaisirs de l'amour me sont inconnus, comment satisfaire un homme qui jusqu'alors n'a fait que collectionner les conquêtes ? Comment peut-il vouloir ne se contenter que de moi ?

- J'ai comme l'impression que beaucoup de questions se bousculent ici, dit-il en indiquant ma tête.

- Monsieur le comte, comment pouvez-vous faire de votre gouvernante votre maîtresse ?

- Chaque chose en son temps ... souffle-t-il. Premièrement, j'aimerai que vous cessiez de m'appeler ainsi !

- Et comment dois-je nommer Monsieur ?

Son sourire s'élargit et un rire nasal lui échappe avant de me répondre.

- Jungkook, c'est de cette manière que je vous demande de vous adresser à moi et deuxièmement vous êtes relevée de vos fonctions de gouvernante.

Choquée de cette nouvelle, je me redresse brutalement le défiant du regard. Comment peut-il s'imaginer que je puisse devenir une de ces poupées de cire que l'on cache dans un petit hôtel particulier et que l'on visite quand l'envie vous prend. Une fois encore, mon attitude l'amuse et il se relève pour me faire face.

Monsieur Le ComteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant