CHAPITRE C

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 - Point de vue Tyler -

J'observe la patinoire depuis mon siège, les coudes posés sur mes genoux. Si on me demandait quel est l'endroit où je préfère être, je répondrais sûrement sur la glace. L'air frais, l'odeur, le bruit des lames glissant sur la glace ont toujours été quelque chose de réconfortant. Je me souviens de la première fois que j'ai mis un pied dans une patinoire, j'avais environ 11 ans, peut-être un peu plus. Mon frère était encore petit, il dormait paisiblement, tandis que l'odeur de l'alcool et du tabac était prédominante dans le salon. C'était une situation récurrente que je ne supportais plus. Bien trop souvent, je me retrouvais face à ma mère inconsciente, gisant sur le sol, ou, dans les meilleurs des cas, affalée sur le canapé. Dans ces cas-là, soit je montais dans ma chambre, soit comme cette fois-ci, je quittais la maison discrètement pour prendre l'air. Sauf que je n'avais pas prévu qu'il se mette à pleuvoir, alors, pour m'abriter, j'étais rentré dans le seul lieu encore ouvert aux alentours. Une personne était sur la glace, tandis qu'une autre lui donnait des indications et des conseils pour améliorer sa technique. J'étais subjugué par les mouvements qu'il effectuait, l'aisance avec laquelle il maniait sa crosse pour contrôler le palet. Je suis reparti quelques minutes plus tard avant qu'ils ne remarquent ma présence, mais les jours qui ont suivi, je n'ai pu m'empêcher de revenir, à chaque fois sans qu'ils le remarquent. Mais un soir, la tentation était trop forte, je voulais découvrir la sensation de la glace sous mes pieds, alors je profitai de leur moment de pause pour tenter ma chance. Alors que j'allais poser mon pied sur la glace, une poigne m'avait tiré en arrière pour m'empêcher de le faire. J'ai baissé instinctivement les yeux, ce qui l'a obligé à se mettre accroupi pour que je puisse le voir. Je m'attendais à ce que les traits de son visage soient déformés par la colère, comme ma mère lorsque je faisais une bêtise, mais à la place, un léger sourire ornait ses lèvres.

- Je me demandais combien de temps tu resterais caché avant de nous rejoindre.

Alors ils savaient depuis le début que j'étais présent ?

- Mais par contre, si tu veux aller sur la glace, c'est avec des patins, il affirme en désignant ceux qu'il a aux pieds.

Mon regard faisait des aller-retours entre ses pieds et les miens, mais j'avais fini par annoncer que je n'en avais pas. Après m'avoir demandé ma pointure, il était allé me chercher une paire ainsi qu'un casque pour protéger ma tête en cas de chute. L'autre personne, qui était son fils, nous avait rejoints et ils m'avaient tous les deux aidé à faire mes premiers pas sur la glace. Ce que j'avais apprécié, c'est qu'ils ne posaient pas trop de questions, mis à part pour me demander où était ma mère. Je leur avais répondu « avec le whisky », ce qui, je pense, les avait incités à ne pas poser plus de questions. C'est ainsi que j'avais commencé le hockey, en les rejoignant plusieurs soirs dans la semaine.

Aujourd'hui était un jour où j'avais besoin de me retrouver seul avec mes pensées et la glace. Trop de choses m'empêchent de penser correctement ces derniers jours, j'ai même mis de côté la recherche d'identité de l'inconnue. Elle ne m'a pas donné de nouvelles et je n'ai pas cherché à en avoir ou à lui en donner. Ce qui me préoccupe plus que je ne le devrais, c'est l'absence d'Emily. Cela fait quelques jours qu'elle n'est pas venue et je ne peux m'empêcher de penser qu'il a pu lui arriver quelque chose sans que personne ne le sache ou ne s'en préoccupe. Pour accentuer la chose, le nouveau est également absent. Est-ce qu'il est arrivé quelque chose de grave à l'un des deux, ce qui expliquerait l'absence de l'autre ? Ou est-ce qu'au contraire, ils sont tous les deux absents parce qu'ils avaient mieux à faire ? Je ne sais même pas pourquoi je me pose toutes ces questions, je devrais plutôt me concentrer sur les stratégies à mettre en place pour les matchs à venir. Plusieurs vont s'enchainer dans les semaines à venir, et ils devraient être ma seule préoccupation.

Une pression sur mon épaule me fait légèrement sursauter, je ne l'avais pas entendu arriver. Je souris légèrement à Mike, mon coach, mais également la personne à m'avoir mis une crosse dans les mains.

- Ça faisait longtemps que je ne t'avais pas surpris à regarder dans le vide depuis les gradins, tu veux en parler ?

Je secoue négativement la tête et me tourne à nouveau vers la glace. Qu'est ce que je pourrais lui dire de toute façon ?

- Je me rappelle encore du premier jour où tu as mis un pied sur la glace, en seulement quelques séances tu étais à l'aise sur tes patins, je savais que tu serais fait pour ça. Tu avais tellement de détermination dans le regard, tu voulais réussir, tu voulais aller au bout des choses et rien ne pouvait t'arrêter. Alors peu importe ce qu'il se passe, n'oublie pas qu'il y a toujours une part de cet enfant au fond de toi qui n'abandonnera pas avant d'obtenir ce qu'il veut.

Après une dernière pression sur mon épaule, il me laisse seul pour que je puisse retrouver mes pensées et intégrer ses paroles. Sur un coup de tête, je me lève et quitte la patinoire pour rejoindre ma moto. Le seul moyen de savoir si elle va bien, c'est d'aller chez elle. Je ne sais pas si c'est la bonne chose à faire, mais peu importe, elle m'intrigue et je veux savoir si elle va bien et personne ne m'en empêchera. Heureusement que son frère est mon co-capitaine, sinon mon idée aurait été un échec. J'arrive devant chez elle plus rapidement que je ne l'aurais pensé. Je sonne plusieurs fois, mais même après avoir réitéré mon geste, personne n'ouvre la porte. Personne ne pouvait m'empêcher de découvrir si elle allait bien, sauf son absence. 

ACTION OU VÉRITÉ ? || TERMINÉEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant