Le Sang des Déchus - Tome 1 : Sang de Mercenaires [Terminé]

Chapitre 16 - Le fouet de Lysange

Gaëlan peinait à soutenir le rythme des grandes enjambées furieuses de Nigel à travers les arbres et, alors que Shinlya était censée les guider vers Affile, il était en tête de leur petit groupe, la capuche rabattue sur son visage.
Après des jours à rechercher le moindre indice qui les aurait conduits sur la piste de ses anciens camarades, il parvenait enfin à retrouver Lysange, avec beaucoup de chance, mais il ne pouvait pas croire que ça se terminait comme ça. Tous ces efforts fournis l'avaient été en vain mais le pire était qu'il souffrait de la sensation que sa sœur lui avait tourné le dos, qu'elle l'avait abandonné et trahi. Il avait pensé, certainement un peu naïvement, que tous ses anciens camarades auraient partagé son avis et qu'il n'aurait pas eu à argumenter pour les convaincre de venir en aide à Manolis, que tous l'auraient suivi. Il croyait que, dans ce monde qui les rejetait à cause de leur différence, ils pourraient toujours compter les uns sur les autres. La désillusion se révélait violente et douloureuse. Peut-être était-il trop sentimental.
A la suite de Nigel, Gaëlan savait que, malgré ce que son amant manifestait avec cette attitude, ce n'était nullement de la colère qu'il éprouvait. Connaissant l'attachement profond qui le liait aux anciens membres des Déchus, le jeune noble se doutait qu'il se sentait surtout seul et blessé, également apeuré de constater qu'il était peut-être le seul à se considérer comme appartenant à la même famille qu'il aurait formé avec ses compagnons.
Attrapant Shinlya par la main pour ne pas risquer de la distancer encore davantage, Gaëlan accéléra le pas pour rattraper Nigel. Le forçant à freiner, il le saisit par la manche. Stoppant, Sang de Vampire se tourna vers le jeune noble, soudainement hors de ses pensées. Avec un sourire doux, Gaëlan glissa les doigts dans ceux de son amant. Ça ne suffirait probablement pas à l'apaiser totalement mais il ne pouvait faire davantage pourtant, cela sembla fonctionner.
Serrant sa main autour de celle de Gaëlan, Nigel lui rendit son sourire tendre et il reprit sa marche plus posément cependant, pas pour très longtemps.
Ses sons qui intriguèrent Nigel le firent ralentir et froncer les sourcils. Cela lui évoquait de lourdes démarches mais, avec le couvert des arbres, il peinait à en localiser la provenance. Par ailleurs, il s'agissait probablement du déplacement d'un animal sauvage.
Soudainement, plusieurs branchages s'écartèrent et ils se retrouvèrent face à trois cavaliers montés sur des bêtes musculeuses aux crins coupés courts guidés par un homme à pied qui marchait en tête. A cause de la taille de leur monture, Gaëlan et Nigel ne pouvaient pas distinguer ce qu'il y avait derrière eux et d'où ils venaient mais il n'y avait que la forêt dans les environs.
Tous quatre n'inspiraient pas confiance à Nigel et Gaëlan, avec leurs vêtements usés et sales, les quelques cicatrices qu'ils arboraient, leur visage dur et patibulaires et leurs armes : poignards, gourdin et épée bâtarde. Ils n'auraient pas réussi à davantage ressembler au stéréotype des brigands de grands chemins en le voulant.
Également inquiétée par leur apparence peu engageant, Shinlya se dissimula de moitié derrière Gaëlan en s'agrippant à sa redingote alors que le jeune homme posait la main sur le pommeau de sa rapière, prêt au combat, tout comme Nigel, qui se contracta.
Face à eux, les quatre hommes parurent tout aussi surpris de subitement découvrir d'autres présences humaines au cœur de la forêt mais ils se reprirent rapidement et les étudièrent de regards froids, en s'attardant plus particulièrement sur Shinlya que Gaëlan entoura d'un bras protecteur.
L'un des hommes à cheval, celui armé d'une épée bâtarde, possiblement le meneur, demanda d'un ton qui ne semblait pas tolérer d'opposition :

« Vous êtes d'ici ?

– Qu'est-ce que ça peut faire ? Rétorqua Nigel, désinvolte.

– Vous savez peut-être où on peut trouver un sanctuaire elfique dans le coin, poursuivit le meneur. Y a une grosse demande pour ce genre de choses depuis quelques temps. Si vous nous aidez, vous pourrez tranquillement continuer votre chemin, on pourrait même partager un peu avec vous si on est d'humeur.