Chapitre 31 - Torrie

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Heureusement pour eux, ils quittèrent les marais de Nohamm peu après leur désagréable rencontre avec les sangsues géantes, avançant enligne droite vers l'est.
Peu à peu, les étendues marécageuses et boueuses cédèrent la place à des plaines humides aux herbes hautes ou stagnaient quelques bancs de brume claire, qui serpentaient entre les nombreux lacs de la région. Certains avaient été domestiqués sous forme de rizières découpées en petites terrasses consolidées avec de larges pierres blanchâtres. Quelques fermes isolées s'y nichaient, où ils jugèrent trop risqué de demander l'abri pour la nuit, même si, ici, chacun s'occupait de sa terre et de sa famille sans se soucier de celles des autres. Il n'y avait pas vraiment de route mais certains endroits s'avéraient plus praticables, avec des herbes moins hautes et la terre tassée, traduisant des passages répétés, ceux des charrettes qu'ils aperçurent dans le lointain qui transportaient probablement la production des fermes en se dirigeant vers l'intérieur du royaume.
Dès que leur environnement devint moins hostile que les marécages, ils prirent davantage le temps de se pencher sur la blessure de Nigel. La morsure était profonde, atteignant les veines, mais elle ne présentait pas de signe d'infection, son métabolisme presque vampirique y contribuait sans aucun doute, pourtant, les muscles de la jambe du jeune homme n'avaient cessé de faiblir, à tel point qu'il peinait à s'appuyer dessus et que Gaëlan dut le soutenir durant leur marche.
D'après les réflexions de Gaëlan, Abélianne et Ysandre, cette espèce particulière de sangsues devait certainement sécréter un venin qui ramollissait les chairs, ce qui leur permettait ensuite de les consommer.
Par chance, seul Nigel souffrait de cette contamination et son métabolisme de vampire parvenait à le combattre, l'éliminer et à en guérir complètement, aidé par plusieurs gorgées de sang, qu'il prit sur le poignet d'Ysandre alors que Gaëlan se proposait. Le jeune homme s'en sentit peiné et vit en cette préférence la confirmation de ses doutes. Nigel s'éloignait, il se détournait de lui au profit de ses camarades, avec qui il partageait finalement bien plus qu'avec lui.
S'efforçant de repousser toutes ces angoisses, Gaëlan s'obligea à se dire que le plus important restait que Nigel soit parfaitement remis et bien portant en atteignant Bourg-Humide.
Le modeste village, niché au cœur de la région des Lacs d'Iluosog, sur la berge d'un d'entre eux, était le seul à des kilomètres à la ronde. Les quelques habitants, à la réputation de travailleurs durs et bourrus au regard méfiant sur les étrangers, un caractère dû aux conditions de vie difficile de leur environnement, vivaient principalement de la pêche ou de la culture du riz. On travaillait soit sur le lac, soit dans les rizières.
Les bâtiments, dont certains étaient montés sur pilotis directement au-dessus des eaux, étaient bas et longs, constitués d'assemblages de roseaux séchés. Avec l'environnement très humide, les hautes plantes formaient par endroits de véritables forêts et représentaient le principal matériau de construction des environs. Les toits en pente, qui descendaient parfois jusqu'au sol en créant de petites zones abritées, étaient recouverts d'une fine couche de boue et de mousse bleutée légèrement luminescente parcourue de minuscules fleurs blanches.
Les rues de terre plus boueuse que battue serpentaient entre les constructions, entre les cordes à linge et celles où séchaient des filets de poissons. Quelques points d'eau ou potagers ponctuaient le village ça et là.
Les mêmes nappes de brouillard que dans la plaine entourant les lacs stagnaient au-dessus du sol. Pour lutter contre cette humidité, des braseros allumés étaient disséminés dans le village. Des habitants s'y réchauffaient en buvant dans des tasses et en conversant et des enfants jouaient autour, tous vêtus d'épais lainages, plus chauds qu'esthétiques.
Le port était à l'image du reste du bourg : modeste malgré la forte activité qui y régnait, fait de pontons de bois moussu et gonflé par l'humidité. Les planches devaient certainement être régulièrement remplacées. De nombreuses barques se trouvaient sur le lac, depuis lequel montait la légère odeur de vase qui flottait dans l'ensemble du village. Les pêcheurs remontaient leurs prises, soit pour leur consommations personnelles soit pour les vendre dans le reste du royaume. Certains hommes lançaient leur filet dans les eaux directement depuis les pontons et cette pêche ne s'avérait pas moins fructueuse.
Camouflant à nouveau leurs traits non-humains comme ils le pouvaient, les membres du groupe observèrent cet endroit si particulier, coupé du monde et ne ressemblant à aucun autre dans Thamarèthe, qu'ils allaient devoir fouiller. Dès leur arrivée dans le village, il y avait quelques minutes, Ysandre avait confirmé que Torrie s'y trouvait, toute proche.
La journée approchait de son milieu et Bourg-Humide fourmillait d'activités, notamment sur le port. Malgré la taille réduite du village, y localiser quelqu'un de précis risquait de se révéler plus difficile que ce qu'on aurait pu penser. Sans compter que la méfiance des locaux envers les étrangers ne les aidait pas et que tous les villageois les repérèrent immédiatement comme n'appartenant pas à leur bourg.
Ils comprirent rapidement que personne ne répondrait à leurs questions dans la petite taverne trônant au centre de la petite place principale, décorée de sangsues géantes empaillées, où on refusa même de les servir alors que des murmures, où revenait tout particulièrement le terme ''étrangers'' parcouraient la salle.
N'ayant guère d'autres choix, ils ressortirent pour se lancer dans une exploration minutieuse du village, en espérant qu'on ne les en chasserait pas avant qu'ils aient trouvé Torrie.
Evidemment, Ysandre n'avait pas la capacité de donner la localisation de la jeune femme au mètre près, pas même dans quelle rue ou quel bâtiment elle se trouvait, alors ils ne pouvaient qu'arpenter les rues. Heureusement, Bourg-Humide n'était guère étendu et un tour était rapidement fait. Ils se demandaient d'ailleurs comment Torrie avait réussi à se mêler à une communauté aussi restreinte et fermée et à y passer inaperçu mais, après tout, la jeune femme ne permettait jamais à rien de la freiner.
Ysandre continuant à guider leur groupe, même si il n'avait aucun endroit précis où l'amener, ils se rendirent sur les quais. D'après Abélianne, il était plus logique de débuter leurs recherches dans le village par le lieu où l'activité était le plus élevée.
Se glissant parmi les pêcheurs qui vociféraient à grands gestes, ils s'efforcèrent d'examiner les visages autour d'eux sans sembler trop suspects malgré leur statut d'étranger et les traits de certains camouflés sous des capuches, tout en veillant à ce qu'aucun de ces vifs mouvements n'arrachent leurs vêtements.
Soudainement, Abélianne se raidit et porta le regard à quelques mètres en saisissant Gaëlan, devant elle, par la manche pour le retenir. Il lui semblait avoir reconnu un timbre qui s'était élevé en râlant. La voix était plus grave qu'elle n'aurait dû mais la jeune femme sentait qu'il s'agissait d'elle. Sa peau en était hérissée de frissons.
Prenant la tête du groupe en passant devant Ysandre, Abélianne remonta le quai à grandes enjambées, tenant sa longue tunique d'une main, jusqu'à un ponton aussi dévoré par la mousse et l'humidité que le reste du port, légèrement à l'écart. Quelques personnes s'y trouvaient, occupées à remonter un lourd filet chargé de prises, uniquement des hommes d'après leur tenue et leur allure pourtant, Abélianne identifia l'une de ces silhouettes. Il fallut un peu plusde temps à ses camarades mais ils la reconnurent à leur tour, excepté évidemment Gaëlan.
Réagissant immédiatement sans réellement prendre le temps d'étudier la situation ou d'y réfléchir, Nigel lâcha un sonore :

Le Sang des Déchus - Tome 1 : Sang de Mercenaires [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant