Chapitre 18 - Abordage [1/2]

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Alors qu'il pensait que le pire durant ce voyage vers Tahoèkk aurait été la longueur du trajet et l'attente qu'il fallait chercher à occuper, Gaëlan découvrit rapidement qu'il s'était fourvoyé. L'obscurité perpétuelle qui régnait dans la cale, l'inconfort des planches et des rondins de bois derrière eux qui les empêchaient de dormir correctement, le rationnement strict des vivres pour être certains d'en avoir suffisamment, étaient tant d'éléments qui venaient rendre ce voyage pénible mais le pire se révéla être l'ennui. A part écouter le son des vagues contre la coque, il n'y avait guère d'occupation, surtout dans une obscurité aussi épaisse que celle de la cale.
Le problème avec l'ennui était que chacun supportait cet ennui différemment. Lysange demeurait silencieuse, comme à son habitude, à guetter les sons qui animaient le navire au-dessus d'eux. Gaëlan se perdait dans ses pensées et dans une certaine nostalgie pour l'époque où il vivait encore à Eluville avec Nigel car, certainement très égoïstement, même si l'état mental de son amant ne cesser de se dégrader à cette période, elle lui semblait plus simple puisqu'il n'avait pas encore pleinement conscience de l'écart qu'il existait entre leurs deux univers. Quant à Nigel, il était celui qui supportait le moins bien cet ennui. Pour lui qui éprouvait des difficultés à demeurer en place sans rien faire, ce voyage à fond de cale dans une étroite cachette relevait de la véritable torture. Il soupirait, râlait, se plaignait, s'agitait à longueur d'heures à tel point qu'il devenait lui-même insupportable. Lysange rompit son silence à plusieurs reprises pour lui intimer de la fermer, même Gaëlan devait avouer qu'il commençait à être irrité par l'attitude de son amant.
Dire qu'ils n'avaient pas encore effectué la moitié du trajet. Tahoèkk semblait si loin.
En cette journée encore, bien que leur compte du temps soit brouillé par l'obscurité permanente de la cale et qu'ils ne pouvaient être certains qu'il faisait jour ou nuit, Lysange perdait patience face à Nigel qui parlait comme un oiseau qui pépierait sans cesse. Tentant de s'occuper et également de faire se concentrer ses compagnons sur quelque chose de concret avant que Lysange ne se décide à étrangler Nigel pour le faire taire comme elle le réclamait depuis quelques jours, Gaëlan tâtonna pour sortir de quoi composer un repas un peu au hasard d'un de leurs sacs.
La nourriture qu'il tendit à Nigel s'écrasa contre la joue de ce dernier, le jeune homme ne visant pas correctement à cause de l'obscurité. Une fois qu'il eût la bouche pleine, Nigel se tut et l'ambiance dans leur cachette s'apaisa, se faisant moins électrique.
Soulagé, Gaëlan s'enroula dans sa couverture et se blottit aussi confortablement que possible contre la pile de rondins qui les dissimulaient en étouffant un bâillement. Le problème à ignorer l'heure exacte était que trouver un bon rythme de sommeil s'avérait difficile. Sans compter que les planches de bois n'offraient pas un matelas confortable propice au repos. Gaëlan était épuisé, lui qui aurait souhaité profiter de ce voyage en navire pour se reposer un peu et se remettre des derniers événements.
Cette fois non plus il n'aurait guère eu l'occasion de dormir un peu car, alors qu'il somnolait, bercé par le mouvement des vagues, on le tira de son demi-sommeil en le secouant par l'épaule d'un geste empressé. Se réveillant, il se redressa, quelque peu déstabilisé, mais une main se plaqua sur sa bouche avant qu'il ne formule une interrogation. Ne reconnaissant pas la texture de cette peau, il identifia la paume de Lysange.
Malgré l'obscurité ambiante, le jeune homme perçut que ses deux compagnons étaient tendus, sur leurs gardes.
Que s'était-il passé durant son trop court sommeil ?
Retirant doucement sa main de sa bouche à présent qu'il avait compris qu'il devait conserver le silence, Lysange lui tapota l'oreille, lui conseillant d'écouter sans prononcer un mot. Obéissant, Gaëlan se concentra sur son ouïe.
Après quelques secondes, il capta des sons qui changeaient des bruits coutumiers du navire, auxquels ils s'étaient habitués au cours des derniers jours. Il s'agissait toujours de courses, de cris et d'appels mais ils semblaient différents des précédents, comme dictés par l'urgence et la panique. Une tempête aurait-elle été en approche ? Le mouvement relativement calme des vagues contredisait cette hypothèse.
Un léger grincement indiqua qu'on venait d'ouvrir la trappe de la cale et des pas descendirent l'échelle qui y menait. Quelqu'un venait de pénétrer dans leur cachette.
Accompagnant sa parole d'un geste en désignant la pile de rondins dont ils distinguaient vaguement la silhouette dans l'obscurité, Lysange intima à ses compagnons dans un murmure :

Le Sang des Déchus - Tome 1 : Sang de Mercenaires [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant