Le Sang des Déchus - Tome 1 : Sang de Mercenaires [Terminé]

Chapitre 32 - Fête de village

Se trouvant à Taïfyne, ils n'avaient aucun passage à rejoindre dans le royaume, qui, à cause des tensions avec Névinda, ne s'était pas vu offrir de passage par son souverain, contrairement à tous les autres.
Ils auraient pu effectuer le même trajet qu'à l'aller pour rallier Evelymme et son passage mais l'idée de traverser à nouveau les marais de Nohamm les poussa à se tourner vers un autre itinéraire. Si ils oubliaient donc le passage d'Evelymme, le plus proche de leur position se situait à Bourg-sur-Broliadd, de l'autre côté de la frontière avec Névinda, au pied du Massif des Eaux Secrètes, non loin du fleuve Yleval et à l'orée de la Forêt de Broliadd, qui avait donné son nom au village.
Le chemin les faisait traverser la Forêt d'Agaledh vers le sud-est en direction de la frontière. Le temps économisé en s'épargnant une progression difficile dans la vase ainsi que des combats ou des blessures face aux sangsues démesurées compensait les quelques jours supplémentaires que leur prendrait le voyage jusqu'à Bourg-sur-Broliadd. Sans compter qu'ils dormiraient probablement mieux sous le couvert des arbres que dans les marécages et l'humidité or, pour sauver Manolis, il leur faudrait être au maximum de leurs capacités, ce qui passait par suffisamment de repos.
En effet, malgré les tours de garde, le sommeil fut bien meilleur dans la forêt, où ils se révélèrent également moins tendus que par l'atmosphère des marais. Les seuls incidents notables durant le trajet furent lorsqu'ils croisèrent des animaux, notamment des biches, que Lysange chassa de manière à économiser leurs vivres.
Ils évitèrent soigneusement le sujet de Torrie, mais les sentiments liés à son refus de les suivre demeuraient présents, encore plus forts chez Abélianne. Le seul qui s'en moquait presque était évidemment Gaëlan, puisqu'il ne connaissait pas la jeune femme.
Pour s'empêcher d'y songer ou de l'évoquer, ils se concentrèrent sur l'élaboration du plan pour secourir Manolis, qui, jusqu'alors, ne progressait guère puisque il y avait encore de trop nombreux inconnus pour que leur stratégie soit fiable et complète.
Après plusieurs jours de marche, ils franchirent la frontière. Bourg-sur-Broliadd ne se trouvait plus très loin.
Ils atteignirent le village en début de soirée alors que la lumière du jour déclinait.
Les maisons de bois hautes et étroites semblaient avoir été jetées autour de la petite place pavée centrale sans le moindre ordre. Le peu d'espace laissé par cet agencement chaotique était occupé parles rues, des fontaines, des puits ou de petits potagers. Les poutres et les colombages ressortaient des façades, peints en rouge, en vert ou en bleu.
De la mousse vert foncé poussait entre les pavés usés des rues avec la proximité avec la forêt.
Des lianes de lierres remontaient sur les murs de certains des bâtiments, notamment sur la grande auberge. La situation à proximité de la frontière garantissait de nombreux passages de voyageurs, du moins, avant l'apparition des tensions entre Névinda et Taïfyne, survenues dès l'accès de Trystan de Lauvel au trône de Taïfyne.
Malgré cette désertion des routes des environs, les affaires ne semblaient pas mal se porter à en juger par toutes les tables circulaires dressées sur la place où se situait l'auberge devant celle-ci. De petites lanternes de papier jaune les éclairaient.
Il fallut quelques minutes d'observation supplémentaires au groupe des Déchus pour comprendre que cette installation ne signifiait pas que les affaires de l'auberge étaient florissantes. Le village entier semblait être en fête. Des guirlandes de lierres et de fleurs tressées ou de lampions colorés pendaient entre les bâtiments au-dessus de la place. Les lumières ainsi teintées projetaient des taches sur le sol et les murs, oscillant parfois lorsque les guirlandes se balançaient doucement dans le vent.
Des étals de nourriture dégageaient des odeurs appétissantes mais également écœurantes à cause de leur mélange. Certains villageois se préparaient à faire des démonstrations de jonglerie sans sembler pour autant particulièrement habiles. Trois musiciens accordaient leurs instruments au centre de la place. Il y avait même quelques jeux, comme une pêche aux pommes pour les enfants ou comme un concours de jeux d'adresse ou de force pour les adultes.
De hautes torches ou des lanternes éclairaient les lieux, permettant de se moquer de l'approche de la nuit.
De toute évidence, une fête se préparait et elle s'annonçait des plus joyeuses.
Les dents serrées, Lysange s'apprêta à traverser le village le plus rapidement possible, peu à l'aise avec ce genre de manifestations sociales. Sa culpabilité l'empêchait de se mêler aux autres car elle estimait qu'elle ne méritait pas de se lier, exception faite des Déchus.
Ysandre la retint cependant en annonçant :