Chapitre 17 - Voyage à trois

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Grâce aux chevaux, ils regagnèrent Zélénith bien plus rapidement qu'ils n'avaient trouvé la maison Domont à l'allée. La connaissance de Lysange sur la forêt et son habitude à y évoluer les aidèrent également beaucoup à gagner du temps sur leur trajet.
Les guidant, la jeune femme leur fit traverser les bois en empruntant, d'après elle, le chemin le plus court qui, Gaëlan le releva, les fit soigneusement contourner le sanctuaire elfique et son vindicatif gardien, dont il leur semblait pourtant percevoir la présence à leur suite, ce qui paraissait indiquer qu'elle en connaissait l'emplacement malgré ses affirmations. L'autre avantage à voyager avec Lysange était qu'elle savait évoluer en forêt, contrairement à Nigel ou Gaëlan. Grâce à elle, tous leurs campements furent dressés en quelques minutes et bien plus confortables que les précédents. Établir les feux sans risque et y préparer un repas sommaire parut tellement plus simple pour elle.
En revanche, la jeune femme s'avéra être une compagne de voyage bien moins appréciable sur d'autres points. Si ses compétences les aidèrent grandement à progresser plus efficacement, sa présence ne contribua guère à améliorer l'ambiance, pourtant initialement plutôt bonne, au sein de leur petit groupe. Gaëlan découvrit très rapidement que Lysange n'était pas une personne loquace et qu'elle ne partageait aucunement la légèreté de Nigel. Au contraire, elle se révéla renfermée et distante, comme enfermée derrière de solides barrières et impossible de déterminer qui les avait dressées et pour quelles raisons. Durant tout le trajet, elle n'ouvrit la bouche que quelques fois, surtout pour donner des directives lors de leurs tours de garde ou pour lancer une ou deux remarques moqueuses, majoritairement adressées à Nigel, qui ne s'en formalisa guère et s'en amusa même, souriant largement. Cette dynamique devait donc être normale entre les deux Déchus.
Gaëlan tenta bien d'entamer la conversation à plusieurs reprises avec la jeune femme, pour apprendre à la connaître ou tout simplement chercher à rendre le chemin moins long, mais il comprit bien vite qu'il valait mieux ne pas insister auprès d'elle, même pour un sujet ordinaire. Le pire fut lorsque le jeune noble tenta de l'interroger sur les origines de sa nature partiellement elfique, curieux puisqu'il savait que Nigel avait subi une transformation avant de devenir Sang de Vampire. Face à sa question, Lysange se renferma et se durcit totalement en ordonnant froidement à Gaëlan se s'occuper de ses affaires pour ensuite demeurer mutique les jours suivants, encore plus que les précédents.
En quête d'explications sur cette attitude, Gaëlan interrogea Nigel d'un regard, n'osant pas parler de Lysange alors qu'elle était à portée d'oreilles, mais le jeune homme ne put qu'hausser les épaules, aussi ignorant que son amant. Aucun de ses anciens camarades n'avait jamais été particulièrement loquace au sujet de son passé et de comment il en était arrivé à intégrer les Déchus et Lysange encore moins.
Quel que soit le sujet, elle n'était pas bavarde.
Heureusement, la jeune femme sortit de son silence distant à l'approche de Zélénith, pour évoquer les prochaines étapes de leurs recherches en quête de leurs anciens compagnons. Pour commencer, ils devaient quitter Lithyneth et emprunter un navire était le seul moyen de le faire.
Les commentaires de Lysange n'épargnèrent pas Nigel lorsqu'elle apprit de quel stratagème ils avaient usé pour s'embarquer sans divulguer l'identité de Sang de Vampire et comment il avait finalement échoué. Gaëlan n'y échappa pas non plus lorsque Lysange lui lança qu'elle avait cru qu'il était plus intelligent que cela mais que le fait qu'il avait soutenu ce plan semblait indiquer le contraire. Le jeune homme ne sut pas comment prendre cette remarque mais Nigel y réagit beaucoup moins bien qu'à celles le concernant. On ne touchait pas à celui qu'il aimait.
Lysange avait une idée bien différente pour réussir à traverser l'océan ainsi qu'un plan pour retrouver plus efficacement le reste de leur famille, même si on demeurait loin d'un réel stratagème comme on construisait Abélianne. Pour elle, le meilleur moyen de localiser leurs anciens camarades était de passer par un autre de leurs compagnons : Ysandre, Sang d'Ange dit le Pieu. D'après Lysange, le jeune homme, lui, aurait été capable de repérer chacun d'entre eux et de les guider vers eux, d'une manière bien plus simple et efficace qu'en explorant chaque recoin de Thamarèthe en se laissant guider par le hasard.
Face à l'incertitude de Nigel et Gaëlan, Lysange argumenta que Ysandre les avait tous trouvés une première fois, lorsqu'ils avaient formé les Déchus, et qu'il aurait certainement pu recommencer aujourd'hui cependant, avant cela, il leur fallait mettre la main sur Ysandre et, pour ce faire, ils n'avaient que les rumeurs, les informations volatiles et les pistes probablement déjà exploitées par tous les chasseurs de primes de Thamarèthe. Leur avantage sur eux était qu'ils connaissaient leurs compagnons et que des incidents que d'autres auraient jugé isolés auraient eu une signification pour eux.
L'idée de Lysange était donc de se renseigner au maximum sur les actualités des différents territoires en quête de quelque chose qui leur aurait évoqué Ysandre.
Après avoir exposé son plan à Nigel et Gaëlan, qui l'approuvèrent, le premier car il était incapable d'en élaborer un autre et le deuxième car il lui paraissait judicieux et qu'il n'osait pas vraiment s'opposer à Lysange, la jeune femme garda le silence jusqu'à leur entrée à Zélénith.
A cause de l'étroitesse des rues de la ville portuaire, ils furent obligés de descendre de leur monture, qu'ils tirèrent par leur longe à leur suite. La première chose à faire en entrant à Zélénith était de vendre ces chevaux. De toute manière, ils n'auraient pas pu les prendre avec eux sur le navire et l'argent que ça leur rapporterait ne pourrait que leur être utile durant leurs recherches.
Malgré l'insistance de Lysange pour s'en occuper, Gaëlan se chargea seul de cette vente, son apparence de jeune noble honnête et propre sur lui inspirant confiance aux acheteurs, mais la jeune femme craignait qu'il ne semble justement trop gentil, à la limite de la naïveté d'après ses propres dires, et que certains cherchent donc à en profiter. De son côté, elle n'aurait jamais laissé quelqu'un tenter de l'arnaquer. Malgré son beau visage délicat, elle n'était pas douce.
Pendant que Gaëlan vendait les chevaux, avec quelques difficultés puisqu'il avait commencé à s'attacher à ces bêtes durant ce trajet, Lysange s'efforçait de réorganiser leurs sacs en y rangeant ce que contenaient les sacoches des chevaux, préférant ne pas se surcharger avec, alors que Nigel somnolait, assis contre un mur. Se tournant vers lui, qui ronflait doucement, elle réajusta sa capuche pour s'assurer qu'elle demeurait bien rabattue sur son visage de manière à ce que ses traits restent parfaitement dissimulés et que le soleil ne l'affecte pas. De son côté, Lysange n'avait pas besoin de fournir beaucoup d'efforts pour camoufler ses caractéristiques non-humaines qui la désignaient comme l'une des Déchus. Grâce aux descriptions peu précises qui circulaient d'eux dans tout Thamarèthe, elle se contentait de dissimuler les longueurs effilées de ses oreilles allongées sous les mèches serrées de ses cheveux sombres réunies en chignon ébouriffé à l'arrière de son crâne.
Après plusieurs longues minutes, Lysange commença à s'impatienter. D'un coup de coude qu'elle voulut faire passer pour un mouvement maladroit, elle réveilla Nigel, qui se redressa dans un léger sursaut, légèrement déboussolé en se demandant ce qu'il se passait, avant de se reprendre, espérant que ses idioties habituelles l'auraient un peu distraite pendant cette attente. Avec Nigel, tout paraissait si simple et sans grande gravité et, lorsque Ysandre se joignait à lui, leur légèreté semblait capable d'alléger même ses maux. Certainement était-ce cela, la famille.
Gaëlan les rejoignit avant que Nigel ne prononce un mot, une belle bourse passée à la ceinture et une liasse de papiers coincée sous le bras.
Lançant la bourse à Nigel, qui prit un grand plaisir à compter les pièces qu'elle contenait, le jeune homme s'assit contre le mur à côté des deux autres et déplia les premiers feuillets de sa liasse, qu'il posa sur ses genoux, en indiquant :

Le Sang des Déchus - Tome 1 : Sang de Mercenaires [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant