Le Sang des Déchus - Tome 1 : Sang de Mercenaires [Terminé]

Chapitre 22 - Demande d'embarcation

Après leur passage pas totalement inutile à Bassarèth, Nigel, Lysange et Gaëlan effectuèrent le même trajet que précédemment dans le sens inverse dans la même journée, après avoir abandonné Darell inconscient dans le coin d'une ruelle, préférant ne pas passer la nuit dans la ville ravagée par la maladie.
Une fois la frontière franchie et à Tahorette, il leur suffit une nouvelle fois de payer pour emprunter le passage qui les fit réapparaitre à Zanthyri, la ville la plus proche de la pointe d'Arzhogg, une avancée rocheuse qui dominait les flots de l'océan d'Emohok de plusieurs dizaines de mètres, à l'extrême nord-ouest de Reynlesky. Le meilleur moyen de l'atteindre était de s'embarquer dans un navire qui aurait pu les approcher de la falaise. L'examiner depuis les flots leur aurait plus aisément permis de repérer la grotte où était censée se terrer cette étrange créature ailée dont Darell avait parlé à Lysange, plus qu'en se tenant à son sommet.
Par chance, Zanthyri comportait un port, ce qui leur faciliterait la tâche.
La ville n'avait pas changé depuis la dernière visite de Nigel et Gaëlan, trop récente au goût du jeune noble, qui supportait de moins en moins bien la noirceur du monde qui se dévoilait à lui depuis qu'il avait choisi d'accompagner Nigel.
Durant les quelques jours de marche qui séparaient Bassarèth de Tahorette, Gaëlan resta agrippé à Nigel en quête de réconfort et peut-être également en une manière inconsciente de s'assurer que quelque chose le retenait, qu'il ne pouvait pas faire demi-tour et tout abandonner, mais cette vie n'était pas la sienne. L'angoisse le tourmentait, autant celle de ce qu'il allait encore survenir que celle de perdre Nigel.
Il ne parvenait plus à regarder Lysange et il évitait autant que possible le contact visuel avec la jeune femme. Même si il n'avait pas assisté directement au pire de la torture, il entendait encore les hurlements de Darell, qui n'avaient pas fait cillé Lysange, et, dès que son regard se posait dessus, il revoyait les mains de la jeune femme couvertes de sang.
L'atmosphère délétère de Zanthyri ne l'aidait pas à se sentir mieux. Heureusement, ils n'avaient pas à repasser par Kaleth.
Le port de Zanthyri n'était pas directement rattaché à la ville mais se situait sur la côte de l'océan, à quelques kilomètres et, même après leur apparition directement dans le cœur de la capitale, ils eurent à marcher pour rejoindre les quais de pierres usées, camouflés depuis la route vers Zanthyri par des bâtiments qui se dressaient au bord de l'océan, surtout des commerces à destination des marins, auberges, tavernes, maisons closes, ou bien poissonneries ou échoppes d'accastillage, cependant, ce port n'était pas le plus actif de Thamarèthe et, comparés à ceux qu'ils avaient déjà visités, il aurait presque pu paraître calme en ce début de soirée.
Quelques pêcheurs terminaient de nettoyer leur embarcation ou de vendre la pêche du jour, des prostitués proposaient leurs services et les tavernes s'animaient lentement, couvrant le bruit des vagues.
Visiblement, de nombreux habitants de Reynelsky venaient tenter de trouver de quoi survivre face à la pauvreté qui dévorait le royaume sur le port, notamment en pêchant, mais certains semblaient préférer se servir dans les affaires des autres ou dans les caisses de marchandises. Gaëlan gardait les mains serrées sur son sac pour prévenir d'éventuels voles. Ses quais proposaient également de nombreux services de prêteurs sur gages ou d'usuriers. La lutte pour espérer s'en sortir un ou deux jours de plus semblait identique qu'au centre de Zanthyri ou à Kaleth.
Malgré la proximité avec l'océan, on ne captait que peu l'odeur de l'iode, écrasée par celles de poissons, d'algues, de sueur, d'huile, d'alcool et de nourriture qui commençait à cuire dans les échoppes alentours.
Ne perdant pas de temps, toujours aussi préoccupé par tout ce qu'il aurait pu arriver à Manolis pendant qu'ils cherchaient leurs anciens camarades, le petit groupe de trois se lança immédiatement en quête d'un équipage qui aurait pu les conduire au pied de la pointe d'Arzhogg, malgré la nuit qui progressait. D'après Nigel, un marin qui s'enivrait était un marin plus simple à convaincre, quelle que soit la demande formulée.
Se glissant parmi la foule de plus en plus agitée, ils arpentèrent les quais en examinant les visages autour d'eux ainsi que les navires amarrés en quête d'un équipage qui leur aurait convenu. Lysange repoussa quelques mains baladeuses qui s'approchaient un peu trop près de son corps en tordant des poignets ou assénant des coups de coude sans même se retourner ni le moindre changement sur son visage impassible.
Cette masse de gens excité oppressait Gaëlan et le jeune homme préférait se concentrer sur les navires, bien plus calmes que les différents établissements autour d'eux.
Soudainement, il stoppa, freinant Nigel au bras de qui il s'agrippait. Les derniers événements, ses angoisses, sa peur de la suite et de perdre son amant repoussaient ces craintes qu'on soupçonne l'étendue de leur relation et son souci des apparences et il se serrait toujours contre Nigel.
Remarquant leur arrête soudain, Lysange se retourna vers eux en leur demandant d'un regard ce qu'il se passait, ne prononçant pas un mot. Répondant, Gaëlan pointa l'un des navires, sur lequel quelques silhouettes effectuaient certaines tâches avant de descendre à terre, les sourcils froncés, en indiquant :