Chapitre 15 - La maison Domont

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La fillette au physique typique de Lithyneth, agenouillée sur la mousse parmi les épines de pins, un panier en osier empli de baies à ses côtés, se raidit dans un sursaut lorsque Gaëlan et Nigel surgirent soudainement d'entre les troncs. Ses yeux noirs paniqués les détaillèrent puis observèrent les alentours à la recherche du meilleur chemin pour fuir.
Tentant de la calmer, Gaëlan tendit doucement la main vers elle, paume ouverte, en lui adressant un sourire qu'il souhaitait rassurant. Face à son air doux et à son expression rassurante, l'enfant se détendit et osa même timidement rendre son sourire à Gaëlan, au grand soulagement de ce dernier qui ne voulait pas traumatiser une fillette.
Pendant qu'elle continuait à les dévisager plus posément que précédemment, Gaëlan réfléchissait à comment l'aborder pour lui demander ce qu'elle faisait ainsi seule au milieu de la forêt dense. De toute évidence, elle n'était pas égarée à en juger par son panier à moitié rempli de baies et elle paraissait trop bien portante malgré ses vêtements rapiécés pour vivre au cœur des bois. Ses cheveux tressés étaient propres, tout comme son visage, et elle ne semblait pas souffrir de quelconque carence. Tout laissait supposer qu'elle avait un endroit correct où vivre et certainement quelqu'un pour prendre soin d'elle pourtant, Gaëlan ne croyait pas qu'ils s'étaient autant rapprochés d'Affile, ville la plus proche. Au contraire, la cité se situait encore à encore un ou deux jours de marche d'après les évaluations du jeune homme, alors d'où venait cette enfant ?
Nigel n'aurait pas pu être d'un grand secours à son amant pour ses interrogations car la seule qu'il se posait actuellement était comment se comporter face à un enfant, qu'il considérait davantage comme une étrange créature inconnue que comme un véritable individu. Ses blessures le préoccupaient également davantage que cette rencontre car elles tardaient à se refermer.
Ouvrant la bouche, Gaëlan s'apprêta à questionner la fillette d'un ton doux pour ne pas risquer de l'effrayer mais elle le prit de vitesse en les interrogeant d'une voix fluette marquée d'un fort accent de Lithyneth, ce qui n'avait rien de surprenant :

« Vous vous êtes perdus ?

– Je pense que l'on peut dire ça, en un certain sens. Répondit Gaëlan sans savoir comment expliquer la situation, surtout à une jeune enfant.

– Vous saignez ? Releva la petite en fixant Nigel.

– Euh...je me suis fait mal sur des branches. Prétendit le jeune homme.

– Venez, mon père pourra vous soigner. »

Proposa la fillette avec un sourire sans plus paraître effrayée ou incertaine.
Nigel et Gaëlan échangèrent un regard, hésitant, toujours déstabilisés par la présence de cette enfant au milieu de la forêt sauvage. Dans des haussements d'épaules, ils acceptèrent finalement et acquiescèrent, préférant accompagner une fillette dans la forêt, qu'elle paraissait étrangement bien connaître, plutôt que de risquer de recroiser à nouveau l'elfe belliqueux.
Les priant d'attendre un instant, la petite tira un morceau de tissu effiloché de sous les baies de son panier pour le nouer dans les branchages du buisson dont elle cueillait les fruits avant d'être interrompue par l'arrivée soudaine de Nigel et Gaëlan, certainement pour le retrouver plus aisément lorsqu'elle reviendrait finir sa cueillette.
La soulageant en une manière de la remercier pour son aide, Gaëlan se chargea du panier à sa place puis ils lui emboitèrent le pas à travers les troncs.
La fillette se révéla particulièrement agile parmi les arbres serrés, ce qui indiquait probablement qu'elle avait coutume d'évoluer dans cet environnement, contrairement à Nigel et Gaëlan, qui continuaient à s'empêtrer dans des branches basses ou à perdre l'équilibre sur des racines et des roches affleurant du sol. Sans compter que la vigilance baissait avec la fatigue que Nigel commençait à éprouver à cause de la perte de sang, encore peu importante, due à ses blessures. Gaëlan s'efforçait de le soutenir pour faciliter sa marche mais, avec la haute taille de son amant, tous deux titubaient plus qu'ils ne progressaient. A côté de l'agilité stupéfiante de la fillette, ils se sentaient bien ridicules.
Jetant régulièrement des regards par-dessus son épaule pour s'assurer qu'ils la suivaient toujours, elle se retenait de rire en les voyant tenter d'avancer parmi les arbres avec tant de difficultés.
Elle s'orientait sans paraître hésiter, sûre du chemin à parcourir, comme si elle se déplaçait dans son jardin. De toute évidence, elle habitait dans les environs. Peut-être Gaëlan s'était-il trompé et que Affile se trouvait bien plus près de leur position qu'il ne le pensait. Après tout, tout se ressemblait tellement au cœur de la forêt, il était difficile de s'y retrouver et ce n'était absolument pas le genre de décors dont Gaëlan avait coutume.
Peu à peu, le sol se fit plus rocheux, ce qui paraissait confirmer qu'ils approchaient d'Affile et les arbres se firent plus clairsemés cependant, même en écoutant attentivement, ni Nigel ni Gaëlan ne captaient le moindre son typique des villes, seulement ceux de la forêt.
Soudainement, les branchages et les troncs s'écartèrent, révélant leur destination, qui ne s'avéra pas être Affile. Gaëlan n'était peut-être finalement pas si mauvais pour s'orienter au cœur des bois.
Au milieu d'une petite clairière qui ne semblait pas naturelle sommairement entretenue, se dressait un manoir de trois étages, sans compter les combles, aux tuiles couvertes de mousse. Certains volets étaient partiellement décrochés et des fissures parcouraient les pierres mais impossible de savoir si elles étaient du fait des affres du temps et des intempéries ou des lianes aux tiges parcourues de lignes rougeâtres aux petites feuilles vert foncé qui s'accrochaient à la façade.
Malgré ce manque d'entretien, probablement dû à l'emplacement compliqué de l'édifice et à la taille de celui-ci, l'endroit semblait agréable et chaleureux, une impression renforcée par les dessins colorés et maladroits réalisés à la craie ou à la peinture de main enfantine sur les murs ou même sur les portes et les volets de bois. Des constructions faites à partir de matériaux de la forêt, notamment des cabanes, appuyaient la présence d'enfants dans les alentours.
Se dirigeant tranquillement vers la porte, la fillette prit le temps de ramasser quelques-unes des branches mortes jonchant le sol qui se présentaient sur son chemin, certainement pour alimenter une cheminée.
Invitant Gaëlan et Nigel à la suivre, elle poussa la porte et ils entrèrent derrière elle.
Ils débouchèrent dans une vaste pièce commune aux allures de salon croisé avec une salle de jeux légèrement désordonnée précédée par un petit vestibule où s'entassaient de nombreuses chaussures, d'enfants pour la très grande majorité. Des jouets taillés dans le bois plus ou moins anciens ainsi que des livres usés aux pages parfois manquantes trainaient sans ordre dans la pièce. Comme à l'extérieur, les murs étaient couverts de peintures juvéniles imprécises.
Quel était cet endroit ? Le premier mot qui venait à l'esprit de Nigel et Gaëlan pour le qualifier était orphelinat mais qu'aurait fait un orphelinat perdu au fond des bois de Lithyneth ? Il ne leur semblait même pas qu'il était répertorié sur un quelconque document ? Jamais ils n'avaient entendu parler d'un tel lieu.
Aussi à l'aise qui si elle avait été chez elle, la fillette se déchaussa, laissant ses bottes parmi les autres, puis elle clama qu'elle était rentrée et avait ramené des gens qui avaient besoin d'aide. Cette annonce devait être suffisamment exceptionnelle pour que quelqu'un se précipite immédiatement auprès d'eux.
Un homme surgit d'une pièce contiguë, l'air inquiet. Gaëlan ouvrit la bouche pour le saluer, courtois, mais l'homme ne lui en accorda pas l'occasion. Referma les bras autour de la fillette, il la ramena contre lui en l'éloignant de Nigel et Gaëlan avec un certain empressement.
Certainement était-il le père dont la petite leur avait parlé à en juger par son attitude protectrice. Son âge était difficile à déterminer à cause de la barbe parfaitement taillée qui dévorait ses joues et son menton mais ses yeux verts étaient particulièrement vifs, surtout alors qu'ils examinaient Nigel et Gaëlan. Ses cheveux courts oscillaient entre le blond et le blanc, comme sa barbe. Son physique n'était absolument pas celui d'un habitant de Lithyneth, contrairement à la fillette, avec qui il n'entretenait pas la moindre ressemblance.
Tout comme la petite, il portait des vêtements usés et rapiécés par endroits, notamment au niveau des coudes et des genoux, qui étaient cousus de pièces de cuir ovales.
Sans lâcher la fillette, il détailla Nigel et Gaëlan, en s'arrêtant plus particulièrement sur l'œil rouge partiellement dévoilé par les mèches claires du premier, qui n'avait plus songé à remettre sa capuche après leur confrontation avec l'elfe, protégé du soleil par le couvert des arbres.
Les sourcils froncés, il se relâcha, remarquant également les allures de noble de Gaëlan.
D'un ton surpris, non pas marqué de l'accent de Lithyneth mais de celui de Thamyre, le même que celui de Gaëlan, il constata :

Le Sang des Déchus - Tome 1 : Sang de Mercenaires [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant