Chapitre 29 - Abélianne

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La créature sombre face à eux stoppa à la voix d'Ysandre, qui résonna dans les rues en ruines de Kosathire avant de se faire engloutir parla brume.
Nigel et Lysange posèrent des regards surpris sur leur compagnon ailé, n'ayant pas reconnu la marque d'une activité d'Abélianne mais ils savaient qu'ils pouvaient se fier à Ysandre pour identifier des connaissances.
Quant à Gaëlan, il fixait l'apparition qui se découvrait en une silhouette sombre dans le brouillard, peinant à croire que cette chose qui se laissait deviner dans la brume puisse être la camarade de Nigel, Ysandre et Lysange, l'une des Déchus. Les portraits sur les avis de recherches des anciens mercenaires n'avaient jamais été de très bonne qualité ni très détaillés, se concentrant sur les caractéristiques non-humaines des Déchus, mais, si l'un d'entre eux avait été un être monstrueux de plusieurs mètres, ils l'auraient néanmoins précisé.
La créature demeurait immobile face à eux mais ils ne pouvaient dire si elle les fixait ou non. Elle n'était qu'une masse noire où n'apparaissait aucun œil.
Ne semblant toujours que peu effrayé pour toute cette situation, Ysandre appela à nouveau le diminutif d'Abélianne puis avança vers la créature sans se soucier de celle-ci. Gaëlan voulut le retenir mais Sang d'Ange lui assura qu'il n'y avait aucun danger avec son habituel sourire lumineux. Lui accordant confiance malgré leurs incertitudes et leurs craintes, ils emboitèrent le pas à Ysandre.
La brume ne masquant plus leur vue, ils découvrirent avec stupéfaction, sauf Ysandre qui s'en doutait déjà, que l'apparition cauchemardesque n'était qu'une silhouette, une ombre gigantesque sans aucun corps pour la projeter.
Cette fois, Lysange et Nigel relevèrent bien la présence d'Abélianne dans cette apparition.
L'ombre,toujours aussi immobile ne réagit pas lorsqu'ils la traversèrent. Tout devint sombre autour d'eux durant quelques secondes lorsqu'ils la franchirent puis elle s'évanouit subitement, les soulageant car,même si ils avaient compris grâce à Ysandre qu'elle ne représentait aucun danger pour eux, sa masse pesante les angoissait instinctivement.
A nouveau seuls dans la brume, ils regardèrent autour d'eux en appelant Abélianne, qui ne se montrait pas pourtant, il leur semblait percevoir un regard sur eux. Certainement les observait-on à distance en se camouflant dans le brouillard ambiant.
Tirant sur la manche de Nigel, Gaëlan attira l'attention de ce dernier pour lui désigner une forme se tenant à quelques mètres d'eux, à l'entrée d'un haut bâtiment. Cette fois, elle paraissait réellement tangible, contrairement à l'ombre. Elle se fondait dans la brume et seuls ses vêtements sombres ressortaient.
Pensant la reconnaître et suivant les indications précédentes d'Ysandre, Nigel agita le bras pour lui adresser de larges signes de salut, peu prudent ou réservé, ce qui permit aux deux autres de localiser cette nouvelle silhouette.
Cette dernière les invita à la suivre d'un geste avant de s'engouffrer dans le bâtiment. Leur méfiance semblant évaporée, certainement car ils savaient parfaitement qu'il s'agissait d'Abélianne, les trois Déchus lui emboitèrent le pas mais pas Gaëlan, plus méfiant.Cette petite mise en scène lui évoquait un peu trop les précédentes qui les avaient effrayés plus loin dans la ville.
Se fiant néanmoins à ses compagnons et n'allant certainement pas restés seul au milieu de la rue en ruine et de la brume, il les suivit, également poussé par Nigel qui l'entraina à sa suite.
Le bâtiment dans lequel ils entrèrent ressemblait à une tour ou un genre de beffroi. Il ne subsistait plus rien à l'intérieur envahi de fumée, à part les escaliers de pierre en colimaçon dans lesquels résonnaient des pas légers en une invitation à monter. Tout en espérant que les marches ne s'effriteraient pas sous leurs pieds, ils s'y engagèrent. Les bords émoussés camouflés par le brouillard menacèrent de leur rompre le cou ou une jambe. L'étroitesse des escaliers représentait également une difficulté, surtout pour Ysandre avec l'envergure de ses ailes.
Heureusement, ils arrivèrent au quatrième étage sans se blesser. Le palier était séparé du reste par une lourde peau huilée qui tombait jusqu'au sol et limitait l'entrée de la fumée. L'écartant, ils entrèrent dans une pièce relativement vivable. La brume était maintenue à l'extérieur autant que possible par d'autres peaux qui obstruaient les fenêtres ou par des tissus enfoncés dans les fissures des parois. Malgré cela, quelques fins panaches de brume blanchâtre stagnaient dans la large pièce, meublée de façon aussi confortable que possible dans les conditions spartiates offertes par la ville abandonnée.
La paillasse épaisse était soigneusement recouverte de draps usés parfaitement lissés et délimitée par de planches de bois de manière à donner une allure de lit. Un coffre se trouvait à ses pieds et quelques vêtements, probablement une tenue de nuit, étaient pliés sur le couvercle. A côté, une tenture reprisée à quelques endroits séparait la pièce en deux. L'autre côté, celui qui leur était caché, servait certainement d'espace de toilette.
Un âtre en arrondi s'ouvrait sur le mur opposé, pour l'instant éteint,avec un crochet qui pendait au-dessus des cendres en attente d'une marmite à chauffer. Il y en avait avec d'autres ustensiles de cuisine sur une table rectangulaire longeant le mur à côté de la cheminé.
Une table circulaire au vernis passé et couverte de marques se trouvait non loin, encadrée par deux chaises dépareillées, l'une à l'assise et au dossier en osier et l'autre en bois simple.
Une étagère, placée à côté d'une des fenêtres obstruées et d'un fauteuil rembourré de pailles, était chargée de quelques livres,de carnets avec une plume et des flacons d'encre, dont certains étaient vides en entamés, des morceaux de tissus, du fils et des aiguilles, de quoi coudre ou broder, des pots de terre cuite soigneusement étiquetés sur les couleurs qu'ils contenaient, de la peinture probablement, des pinceaux et des débris de bois en guise de toiles, de quoi occuper ses journées à Kosathire.
Pour terminer, un buffet aux portes vitrées remplacées par des assemblages de tissu colorés, renfermait visiblement les réserves de nourriture, modeste cellier.
Des plantes, plutôt chétives à cause de l'environnement particulier de la ville fantôme, poussaient dans des pots peints de dessins colorés posés sur les lourdes poutres de bois.
L'endroit était décoré de peintures faites sur les parois et les poutres soutenant le plafond, de motifs brodés ou d'assemblages de tissus,dont certains recouvraient le sol en guise de tapis, certainement réalisés par les soins de l'occupante des lieux.
Cette dernière les attendait, élégamment assise dans le fauteuil, où elle avait pris le temps de s'installer pendant qu'ils la rejoignaient, les jambes croisées.
Son appartenance aux Déchus ne faisait pas le moindre doute, non pas car les portraits sur les avis de recherche lui correspondaient – ça aurait été les seuls sur la série – mais car, si on oubliait les ailes d'Ysandre particulièrement remarquables, elle était certainement celle qui possédait le physique le moins humain du groupe.
Pour une femme, elle était plutôt grande du haut de son mètre soixante-douze. Cette taille paraissait renforcée par la finesse de sa silhouette, presque dépourvue de formes avec une petite poitrine,des hanches et des épaules étroites. Elle en semblait presque éthérée, comme si un souffle de vent aurait suffi à l'emporter.
Son teint était encore plus pâle que celui de Nigel, comme si elle n'avait jamais vu le soleil de toute son existence, aussi blanc que ses longs cheveux lisses tombant jusqu'à ses reins. Ils étaient coiffés avec une tresse couronnant le sommet de son crâne, dégageant son petit front étroit, et cascadaient autour son visage assez long au menton en triangle. Ses pommettes hautes et marquées,à la droite décorée d'un grain de beauté, encadraient son nez droit et plutôt long au-dessus de ses lèvres fines.
Le plus impressionnant chez elle était ses yeux étroits en amande ourlés de longs cils immaculés. C'était comme deux abymes de noirceur qui s'ouvraient dans son visage, totalement noirs et dépourvus de blanc ou d'iris, seulement une profonde obscurité insondable.
Elle portait une longue tunique au col montant noire largement fendue sur les côtés. Les deux pans lui arrivaient à mi-mollets et dévoilaient un pantalon en cuir, également noir. Un châle en crochet, noir lui aussi, enveloppait ses épaules fines et des gouttes en obsidienne pendaient à ses lobes d'oreilles.
D'un geste élégant, elle écarta une mèche de son regard de ses doigts fins. Il se dégageait d'elle une aura mystérieuse un peu effrayante mais aussi pleine de grâce et de noblesse.
A leur entrée, elle se leva d'un mouvement plein de grâce pour leur faire face et elle déclara d'une voix légèrement rauque :

Le Sang des Déchus - Tome 1 : Sang de Mercenaires [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant