Chapitre 27 - Vapeurs

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Ayant cru entendre une voix résonner dans les couloirs désertes de l'ancien sanatorium, Ysandre se retourna, la main serrée sur le manche de sa lance qui dépassait de son dos.
Voulant s'assurer de ce dont il s'agissait, il prévint ses compagnons qu'il s'éloignait un peu mais qu'il les rejoignit vite. Il croyait se souvenir que Gaëlan en avait fait de même il y avait quelques minutes mais il n'en était pas certain. Sa tête était étrangement légère et rendait ses pensées floues et imprécises, qui lui échappaient à moitié.
Dans cet état étrange et particulier, il revint sur ses pas, dans le large laboratoire plongé dans la pénombre. Avec les fenêtres couvertes de saletés, les rayons du jour peinaient à pénétrer à l'intérieur du bâtiment, qui paraissait absorber la lumière.
Ce qu'il aurait pu qualifier de sixième sens angélique, cet instinct si particulier qui se concentrait sur les autres personnes, leur âme et leurs émotions, lui indiquait clairement qu'une présence se trouvait dans la pièce, une présence qu'il n'avait pas perçue lors de son passage précédent.
Comment était-ce possible ? Quelqu'un venait-il d'apparaitre dans le laboratoire ? Ça semblait totalement improbable. A moins qu'il ne s'agisse de Gaëlan qui était également revenu dans la pièce.
Se dirigeant droit vers cette présence qu'il percevait, comme une lueur qui brillait dans l'obscurité, il avança à travers le laboratoire.
Peut-être aurait-il pu se laisser aller à penser qu'Abélianne les avait suivis, puisqu'ils venaient la chercher, mais il ne reconnaissait pas le cœur de sa camarade.
Chaque cœur, chaque âme – Ysandre hésitait toujours sur le terme le plus approprié – avait une chose unique qui le définissait et le différenciait des autres, comme une saveur qu'Ysandre avait la capacité de sentir grâce à sa nature partiellement angélique. Plus il fréquentait une personne, plus il s'accoutumait à cette saveur, qui devenait de plus en plus identifiable et reconnaissable pour lui.
Qui pouvait donc bien être cette personne si il ne s'agissait pas d'Abélianne ?
Les sourcils froncés, le jeune homme remarqua que ce cœur ne lui était pas inconnu mais ça remontait à plus loin que l'époque des Déchus. Le souvenir était bien plus lointain et ancien.
L'hypothèse qui naquit dans son esprit alors qu'il s'apercevait que ce cœur lui était familier, même si il n'avait guère eu le temps de le connaître avec ses capacités de semi-ange, et qu'il n'aurait pas dû le recroiser, ça aurait dû être impossible. Ysandre ne comprenait pas.
Le cœur battant à un rythme désordonné à lui briser une côte pour surgir de sa cage thoracique, la bouche sèche, la gorge nouée et une pierre alourdissant son estomac, le jeune homme avança vers le rideau qui lui masquait une partie de la pièce.
Ses pas lui semblèrent particulièrement difficiles à effectuer, comme si ses pieds étaient englués dans une lourde chape de plomb. Le mouvement de tendre le bras vers le rideau lui parut également dur à accomplir, comme si quelque chose le retenait en le faisant se mouver au ralenti. La texture usée, poussiéreuse, légèrement poisseuse, du rideau glissa entre ses doigts, qui en sentait tous les détails.
Avant que son courage ne le fuie et que sa raison ne le rattrape, il écarta le rideau d'un geste vif, qui manqua de l'entrainer.
Un espace semblable à ceux qu'il avait visités précédemment dans le laboratoire, avec un lit, une table et du matériel médical, se trouvait de l'autre côté cependant, une personne était allongée sur le lit. La silhouette amaigrie était parfaitement connue d'Ysandre, ce qui confirmait son sentiment d'avoir identifié cette âme.
Les yeux écarquillés, le jeune homme déglutit avec difficulté pour tenter de faire passer le nœud qui bloquait sa gorge.
Fermant les paupières avec force, il secoua la tête de gauche à droite pour tenter de chasser cette vision, car il ne pouvait s'agir que d'une hallucination, ce ne pouvait être réel. Raconter son histoire la veille à ses compagnons, évoquer les souvenirs précieux de sa sœur, les avait faits remonter à la surface de son esprit, le perturbant. Sans compter que l'atmosphère pesante et fantasmagorique de l'ancien sanatorium se prêtait à ce genre de rêveries éveillées.
Se le répétant mentalement à plusieurs reprises, Ysandre tenta de se convaincre lui-même, les poings serrés, les épaules contractées et tremblantes, durant quelques minutes puis il rouvrit les yeux, persuadé qu'il serait à nouveau seul dans le laboratoire cependant, la silhouette gisait toujours sur le lit face à lui.
Le constater effraya Ysandre et le paralysa alors que les certitudes qu'il s'était efforcé de se forger durant ces dernières minutes volaient brutalement en éclats.
Soudainement, la personne allongée tourna le visage d'un mouvement sec vers lui en le fixant d'un regard agrandi et ce fut bien les traits de Nanerle qu'Ysandre découvrit.
Dans un mélange de panique, d'incompréhension et de stupéfaction, le jeune homme recula vivement mais, dans la précipitation, il glissa et chuta en arrière.
La respiration erratique et le cœur affolé, il se retrouva figé et il ne put que regarder Nanerle.
Cette dernière se redressa sur le lit puis s'assit sur le bord en posant ses pieds sur le sol poussiéreux.
Le réflexe d'Ysandre en la voyant commencer à se lever fut de se précipiter vers elle pour la soutenir, comme selon l'habitude qu'il avait intégrée durant des années, mais ses muscles paralysés par l'émotion refusèrent de bouger.
Etrangement, Nanerle ne vacilla pas et elle tint fermement sur ses jambes comme si la maladie ne l'affaiblissait plus.
De quelques pas, elle s'approcha d'Ysandre, aux rythmes cardiaque et respiratoire toujours plus désordonnés, puis s'accroupit face à lui à sa hauteur.
Le jeune homme sentit véritablement le contact de ses paumes qu'elle posa sur ses joues, ce qui fragilisa encore davantage sa certitude qu'il ne s'agissait que d'une hallucination.Se fendant d'un de ses sourires lumineux, elle saisit l'une des mèches tressées de son frère et constata :

Le Sang des Déchus - Tome 1 : Sang de Mercenaires [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant