Chapitre 14

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"Tout le monde à table !"

Nous rejoignons tous Simone et Gordon pour nous mettre à table. Je m'installe au milieu, Simone au bout de la table en face de son mari, Georg se place à ma droite, Tom à ma gauche, Gustave en face de moi et Bill à côté de lui.

Les garçons se servent seuls et je regarde Simone pour lui demander si je peux faire de même.

Elle me sourit à pleines dents avant de faire un signe de tête en direction du plat. Je me sers une assiette pas trop grande pour en laisser aux autres et me rassois, pour manger tranquillement.

"Tu prends que ça ?" s'indigne Tom.

"Eh bien oui, j'en laisse pour les autres."

"Mais non ! Sers-toi enfin !" réplique Simone en prenant mon assiette et en y mettant encore plus de quantité.

"Ah, bah... merci alors." Dit je gênée.

"On ne va pas... te laisser... mourir de faim !" dit Tom en train de s'étouffer tellement il mange vite.

Je grimace, me décale un peu, pour éviter de me prendre des postillons et commence à manger.

"Tom, mange correctement ! Vous ne me le nourrissez pas ou quoi ?"

"Si maman. Mais tu le connais. Il ne sait pas manger, c'est un crado !" Taquine son frère, qui ne tarde pas à se prendre un morceau de pain dans la figure.

Le repas se passe bien si on oublie la nourriture qui vole, les insultes, les coups donnés aux pieds des chaises et les 3 verres qui ont fini renversés à cause de leurs bêtises.

C'est sportif d'être entourée de gars, je plains vraiment leurs parents !

"Alors Alina."

Je m'arrête de manger et relève le regard vers la femme souriante assise en diagonale de moi.

"Parle-nous de toi."

Erk, quelle question horrible.

"Euh... eh bien, je m'appelle Alina... j'ai 17 ans et hum, je suis élève au lycée."

"Ça, on le savait déjà."

Je lance un mauvais regard au blond à mes côtés avant de reprendre.

"Je n'en sais rien. Je vis avec ma mère ? Je suis fan de SIA, je déteste les cours, les araignées et les alcooliques, et j'aime bien chanter."

Du moins, j'aimais chanter.

"Tu chantes ?"

Je hoche la tête et les gars me regardent avec des étoiles dans les yeux.

"Une voix de fille ! C'est ce qui nous manque !"

"Quoi ?"

"Tu as raison ! Ta voix est peut-être aiguë, mais pas assez féminine."

"Hé, t'es sérieux !"

"Vous avez raison, une fille ce serait génial !"

"Non mais-"

"Ça apporterait quelque chose de fou ! Ça ferait un carton et ça attirerait plus de fans, surtout des garçons."

Qu'est-ce qui se passe ici ?

"Les gars, je-"

"Oui, c'est une bonne idée !"

Ils se tapent tous dans la main sous le regard blasé des adultes. Avant qu'ils ne se rassoient, je me lève rapidement et monte à l'étage me réfugie dans la salle de bain.

Je rêve ou quoi ? Ils ne me demandent même pas mon avis ! Et si je n'en avais pas envie, hein ? Eh bien, je n'en ai pas envie ! Je n'ai pas chantée depuis devant quelqu'un... depuis longtemps en fait. Je ne suis pas prête. J'ai déjà prévu de sécher tous les cours de musique, alors chanter dans un groupe, non merci !

Et puis ça ne fonctionnera jamais. Ils pourraient peut-être gagner quelques fans masculins, mais ils en perdront forcément du côté féminin. Je le sais, j'ai été comme ça, alors... quand mon groupe préféré a intégré une fille dans le groupe, j'étais si jalouse que j'ai arrêté d'écouter. Réaction stupide et démesurée ? Complètement. J'étais encore enfant à l'époque, donc on peut dire qu'il y a prescription.

Je refuse catégoriquement même de penser à les rejoindre. C'est non et ça ne changera pas. Je ne chanterais plus jamais, sauf dans ma chambre avec la musique à fond. Pas si elle n'est pas là pour m'écouter.

Mes yeux commencent à piquer et ma gorge se serre.

Quoi que je fasse, mes pensées se tournent vers elle. Je m'énerve contre ma mère qui n'arrive pas à passer au-dessus, mais au fond, moi non plus.

Je n'arrive pas à oublier cette nuit-là. Ce que j'ai perdu. Ce que j'ai vu et entendu. Les cris stridents qui atteignaient mes oreilles.

Je les entends encore... et je les entendrai toujours.

Mes oreilles commencent à bourdonner et je lâche un premier sanglot en les couvrant de mes mains pour les écraser.

J'aimerais tout effacer. Me cogner la tête contre le mur jusqu'à oublier mon propre nom.

Faire exploser chaque neurone qui se souvient de ça.

Des coups timides se font entendre et la porte s'ouvre. J'ouvre les yeux pour apercevoir Simone, le visage triste, s'approcher et me prendre dans ses bras, sans un mot.

Je me laisse aller contre elle, appréciant la chaleur réconfortante de son étreinte. Celle d'une mère.

Elle caresse doucement mes cheveux, toujours en silence, me permettant de pleurer encore. Je m'accroche à son t-shirt avant de me calmer. Mes sanglots cessent et la pièce redevient silencieuse.

Nous restons ainsi pendant de longues minutes avant qu'elle n'embrasse le haut de ma tête et que je me relève.

Je me sèche le visage lamentablement et n'ose pas la regarder.

Sympa comme première impression.

"Tu veux en parler ?"

Merci putain, elle n'a même pas demandé « ça va ? ». J'ai horreur de ça. Si je pleure, c'est que non !

"Non merci..."

Elle me sourit, relève mon visage et remet mes cheveux en place.

"Prends ton temps. On est en bas."

J'essaie de lui rendre son sourire, mais cela ressemble plus à une grimace et la regarde partir.

Une fois seule, j'examine mon reflet dans le miroir et me passe de l'eau sur le visage pour enlever le maquillage qui entoure mes yeux.

Je prends une inspiration et prends tout mon temps pour descendre.

Arrivée en bas, je les vois assis sur le canapé, en train de parler tranquillement.

Quand j'arrive à côté d'eux pour m'assoir sur le canapé, la conversation cesse et tous me regardent.

"On est désolés."

"Ouais, on aurait dû te demander avant tout."

"On ne voulait pas te stresser."

"Non, ce n'est pas ça, c'est juste..." je soupire et souris sincèrement pour détendre l'atmosphère. "Ce n'est rien. Ce n'est pas grave."

Ils font tous une expression soulagée et reprennent leurs conversations, sauf le bassiste à côté de moi qui me regarde étrangement avant de détourner son regard.

Je scrute discrètement son profil pour mémoriser son visage. Ses longs cheveux attachés en arrière avec une pince laissent son cou découvert, me permettant d'apercevoir sa pomme d'Adam qui bouge lorsqu'il rit, ce qui me fait légèrement rougir. Son nez droit, ses yeux aussi brillants que des émeraudes, sa fine bouche qui s'ouvre en un grand sourire dévoilant des dents éclatantes.

Ouais, il est vraiment beau.

Laisse-moi t'aider.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant