Chapitre 33

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Je lâche un cri de rage et envoie balader une poubelle qui se trouvait là. Je fais demi-tour et reviens au croisement précédent.
Je regarde autour de moi, espérant voir une aide débarquer comme par magie.

Puissance divine, si tu existes, c'est le moment de me donner un signe, je t'en prie !

Un bruit à ma droite me fait sursauter et un chat se met à courir puis passe à côté de moi.
Ne prêtant pas attention à lui, je reste totalement con face au passage qui se dresse ici.

Je n'en crois pas mes yeux... ça a marché ?!

"Eh bien, ça alors..."

Je secoue la tête et avance prudemment mais rapidement, avant de m'arrêter et d'observer.

Je suis bien là où j'ai atterri il y a quelques jours.

De l'agitation se fait sentir dans l'air et dans les sons qui m'entourent. Des cris d'énervement étouffés atteignent mes oreilles et je décide de les suivre prudemment.

Je rase les murs et me cache derrière des poubelles quand plusieurs silhouettes se dressent devant moi.

L'une d'entre elles me retourne l'estomac au point que je dois me pencher en avant pour vomir mes tripes.
Je m'appuie contre le mur pour reprendre mes esprits et pose une main sur mon cœur.

C'est pas possible... dites-moi que je suis dans un cauchemar...

Je jette un nouveau coup d'œil à cet homme droit comme un piquet, dos à moi, et laisse échapper un sanglot discret.

Comment ce... monstre ose-t-il encore se trouver dans cette ville ?

La rage me consume peu à peu, effaçant totalement,  la peur et la douleur. Je me redresse toujours derrière la poubelle et ne fixe que lui.

J'ignore les regards interrogateurs des junkies présents sur moi.
J'ignore ceux béants des policiers de la ville.
J'ignore ceux horrifiés de Reinold.

Tout ce que je vois, c'est le monstre qui m'a enlevé la personne qui m'était la plus chère. Celle qui a détruit ma mère et fait partir mon père. Celle qui m'a anéanti pendant des années.

Je m'avance et plus j'approche, plus l'horreur de la situation me prend aux tripes. Son pistolet est sorti. Et il ne vise pas n'importe qui.

"Reinold..."

L'homme se retourne vivement vers moi et c'est maintenant a mon tour qui me retrouve avec le pistolet pointé sur moi.

"Alina !"

Je souris en voyant que c'est sur moi que l'homme est concentré, et non plus sur lui. Ses yeux descendent sur ma main droite qui tient une barre de fer que j'ai récupérée dans un coin, avant de remonter vers mon visage.

"Bordel t'es qui toi ! D'où tu sort !"

"Tu me reconnais pas ?"

Il plisse légèrement les yeux sans bouger.

"Je comprends. J'étais une enfant à l'époque, alors l'apparence change. Mais j'ai le même nez. Et toujours le même visage de petite gamine de dessin animé qui t'faisait bander quand t'étais gosse." Je cite ce que j'ai entendu ce soir-là, en rigolant de nerf.

Il semble réfléchir un instant avant de réaliser qui se tient devant lui et de sourire.

"Mais nan. J'le crois pas !"

Il rit à gorge déployée et ses acolytes le suivent sans vraiment savoir s'ils devraient le faire ou non.

"Vous n'la r'connaissez pas ? C'est une des p'tites qu'était dans la baraque y'a 12 ans ! On a flingué sa sœur !" déclare-t-il avec fierté.

"La petite blonde là ? Celle qui avait 16 ans ? Avec..." il mime une forte poitrine avec ses mains, ce qui fait rire les deux autres.

Je serre les dents et fais un pas en avant, mais suis rapidement remise à ma place par le pistolet qui se replace bien en face de moi.

"Dis-moi, toi... comment t'en es sortie d'ailleurs ? On avait vérifié toutes les pièces d'la baraque."

"Il faut croire qu'une gamine de 7 ans peut passer inaperçue dans un placard."

Il sourit de manière plus sinistre et s'approche. J'agrippe mes deux mains sur le pied-de-biche et le lève pour pouvoir réagir si nécessaire.

Même si je sais qu'en un tir je ne serai plus de ce monde...

"C'est vrai q't'as toujours l'même visage."

Allez maintenant, réagis meuf. Fais quelque chose.

"T'sais q'j'ai r'pensé à vous durant toutes ces années."

Il fait quelques pas et s'approche.

"J'me d'mandais où t'étais passée. J'voulais t'achever aussi. T'sais, au cas où tu m'reconnaisses dans la rue ou autre. Mais j't'ai jamais r'trouvée. Dommage. Mais la vie fait bien les choses visiblement, vu q't'es là d'toi-même."

J'avoue que je suis à deux doigts de me pisser dessus.

"Eh bien, vas-y. Achève le travail que t'as pas été foutu de finir il y a 12 ans."

"J't'aime bien." Sourit-il avant de se détourner et de revenir droit sur Reinold. "Mais j'ai d'autres choses à régler avant."

Soudain, une ombre surgit de nulle part pour se placer dos à dos avec moi et poser un couteau contre ma gorge.

Je recule de quelques pas en reconnaissant la carrure de Georg, puis me décale à gauche pour mieux voir.

C'est bien lui, putain !

"Lâche. Ça."

"Georg ! Quel plaisir, mon pote !"

"Je n'plaisante pas, Franz. Pose ce putain de flingue ou j'te saigne comme un porc."

Dans quelle dimension je me trouve là ?

"T'es incapable d'me tuer. À qui tu crois faire peur ?"

"Si j'ai pas le choix, je n'hésiterai pas."

Franz se met à rire et pose sa main sur celle qui tient le couteau.

"On va voir ça alors..."

Un coup de feu résonne entre les immeubles délabrés, attirant l'attention de tous.
Plus personne ne parle et tout le monde fixe son corps pour voir s'il est blessé.

Je n'ai rien.

Je relève les yeux et le temps semble s'arrêter en voyant le regard vide de Reinold.

Une tâche rouge se forme sur son uniforme au niveau de son cou et du sang sort de sa bouche. Son corps retombe mollement en arrière et s'écrase sur le bitume. Sans vie.

Je ne réalise pas vraiment ce qui se passe et j'attends de le voir se relever et arrêter cet individu malade.

Mais rien ne se passe.

Je me laisse tomber à genoux, les larmes ruisselant sur mes joues.

"Non..."

Ce n'est pas possible, putain...

"NON !"

DITES-MOI QUE C'EST UN PUTAIN DE CAUCHEMARS !

Laisse-moi t'aider.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant