Chapitre. 01 : Destruction

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      Je revins à moi.

      Ma joue ensanglantée collait sur le macadam fractionné. Mes yeux s'ouvrirent difficilement sur un paysage apocalyptique. Tout n'était plus que ruine.

Je refermai mes paupières comme pour retourner dans un rêve. Mon cerveau refusait d'accepter ce qu'il avait vu. Dans l'obscurité de mon esprit, j'essayai de construire une réflexion logique. Que s'était-il passé ? Ma mémoire refusait de m'ouvrir les portes de mes derniers souvenirs. Je me retirai plus loin dans le passé.

Le premier nom qui éclaboussa ma conscience était Syvanna.

Où était-elle ?

Je me redressai et m'adossai contre une benne à ordures renversée sur le côté dégueulant quelques déchets. Je tentai de reconstituer le décor qui était autour de moi. En face il y avait le lycée, à droite le gymnase, à gauche la cantine et la bibliothèque. Moi, j'étais assis contre les poubelles du lycée sur le bord de l'allée du parking des élèves. Tous ces bâtiments n'étaient plus que gravas, amoncellements de béton et de fer. Je ressentis une sensation de vertige. Le grand lycée moderne de Mantes la Jolie construit il y a à peine un an, fierté de la région Ile de France, avait complètement disparu. Mes tympans bourdonnaient dans un silence lourd. Plus de voiture, de bus, de téléphone mobile, de radio, de rien... Juste le vent, les pierres qui roulent des décombres et mon souffle grésillant dans ma tête.

Autrefois... Non ! Tout à l'heure, il y avait plus d'un millier d'âmes qui circulait au milieu de la cour, au centre de tous les bâtiments. Un millier d'élèves et un seul me manquait ; Syvanna.

Puis d'autres noms me revinrent à l'esprit ; Fabrice mon meilleur ami, Moïse et Fred mes deux autres amis d'enfance, Tania la sœur de Syvanna et Vanessa l'ami de toujours de Syvanna. Nous avions tous à peu près seize ans et étions en pleine transformation physique, mentale et hormonale.

Syvanna.

Elle ne me portait aucune attention. Nous étions dans la même classe mais pas de la même classe socio-adolescente. Elle appartenait au groupe des filles inaccessibles, cool, très jolies et excellentes en cours. Moi et mes amis faisions partis des mecs banals. Nous n'étions pas du groupe des moches, des intellos ou des ringards, nous étions juste transparents, ni influents, ni souffre-douleurs. Nous n'étions pas membres de la cour royale des élèves cool, ni vraiment victimes de leurs sévices prépubères, des moqueries ou des violences condamnant des physiques ingrats d'adolescent. Difficile d'accéder à cette caste élitiste pour ceux qui n'étaient pas à la dernière mode et à ceux qui ne pensaient pas, comme le faisait la majorité, au consensus moyen du capitalisme adolescent, où l'apparence règne en maître.

Pourtant Syvanna était la première personne, après mes amis, que j'avais essayé de protéger. Ce sentiment refoulé d'attirance sexuelle m'avait poussé à risquer ma vie pour elle.

La première fois que je l'avais croisée dans les couloirs, elle avait détourné le regard, ou tout simplement elle regardait ailleurs. Ses pupilles noires incrustées telles des diamants dans ses yeux d'allures félines, fuyaient mon regard abruti. Je rêvais de glisser mes doigts entre ses longues tresses, de caresser sa peau mate. La courbe de ses seins avantageux et de ses reins me faisait frémir. J'étais tombé amoureux d'une forme, d'un physique comme beaucoup de jeunes mâles inexpérimentés. Le sentiment d'amour n'était pas clairement défini dans nos cerveaux soumis aux réactions chimiques provoquées par la découverte de notre corps, de celui de la femme et de leur croissance sexuelle et physique. Le caractère, la personnalité, la tendresse, le mental, la gentillesse étaient souvent gommés par nos hormones masculines qui pétillaient dans nos bas-ventres. Caractéristiques reprochées souvent à l'homme, mais la femme est soumise de la même manière à ses changements la rendant souvent cruelle aux yeux du jeune surpris par ce fait. La chute était souvent plus douloureuse, je pensais, à supporter pour le jeune garçon que pour la jeune fille. J'avais vécu cette terrible désillusion. Tout innocent que j'étais, j'avais déclaré ma flamme à la jolie fille métissée. Aussitôt dit et elle m'avait renvoyé à mes affaires. Syvanna ne souhaitait pas être vue par un sans grade au sein du royaume scolaire en compagnie de sa cour de fidèles ; mecs et filles cool, aux normes de la société de consommation. Ah ! Si j'avais pu être musclé, habillé des dernières marques à la mode, coiffé comme un acteur en vogue. Pourtant je pratiquais un sport à haut niveau, mes parents étaient financièrement aisés. Mais je préférais un bon livre à une paire de chaussures griffée. Et au fond de moi, je trouvais les coiffures branchées ridicules, même si cela plaisait aux filles.

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