Nous remontions la grande avenue avant de prendre à droite le boulevard de la Division Leclerc vers le sud pour traverser la ligne de chemin de fer qui démarquait les villes de Mantes la Jolie et de Mantes la Ville. Bien entendu le pont était impraticable et nous devions traverser sur les rails. Aucun risque de croiser un train. Un TER était couché et barrait entièrement les six voies qui dispatchaient les trains à une centaine de mètres de la grande gare quasi bicentenaire. Je m'attardais dix secondes au milieu des voies regardant en direction de la gare cette incroyable perspective de ces rails déployant ces tentacules vers chaque quai. Le vieux bâtiment était étrangement debout. Il avait perdu toute sa toiture et sa charpente, mais les murs de dressaient encore. Je repris ma marche et grimpai le talus donnant sur Mantes la Ville.
Une longue montée de plus de trois kilomètres nous attendait pour accéder à la ville limitrophe Magnanville où habitaient les filles.
Cette journée était encore très ensoleillée et le soleil était à son point le plus haut. Nous ne reflétions quasiment pas notre ombre sur le sol. Il devait être plus de treize heure. La température avait sérieusement grimpé et nos corps en ressentaient les effets par de la transpiration et l'apparition de rougeurs sur le visage chez certains d'entre nous.
Au stade de la mie-pente de la côte de Mantes la Ville, un liquide ruisselait sur l'avenue craquelée éclaboussant nos chaussures. Soudain une forte odeur d'hydrocarbures nous monta au nez. Avec la forte chaleur, ça n'arrangeait pas notre effort.
— Putain, ça pue ! C'est irrespirable, réagit Fred.
— Ça me fout mal au crâne ! C'est quoi cette merde ? demanda Vanessa.
— De l'essence, en conclut Fab.
— Merde... C'est pas le moment d'allumer une clope, intervint Karl.
— Ne vous inquiétez pas, on arrive à la station essence Total©. Ça vient surement de là. Ça ira mieux après, rassurai-je.
Nous dépassâmes la station transformée en étang toxique avec les pompes émergées. L'abris protégeant les clients de la pluie, s'était envolée et encastrée dans les ruines du garage en amont. L'air devenait plus respirable.
Après encore plus d'une heure de marche, nous atteignîmes notre premier objectif du jour ; le quartier pavillonnaire des filles devenu un champ de ruines.
Toutes les maisons étaient étêtées de leur toitures, une bonne moitié était éventrée, une autre complètement effondrée. Seules quelques rares exceptions avaient gardé leurs quatre murs à peu près intacts. Les mystères de la physique et de l'aérodynamisme !
— C'est un cauchemar ! s'émut Syvanna.
Voyant son corps flancher, je me précipitai pour la soutenir.
— Ça va aller, on est là.
— Ah ça pour être là, on est là, mais nos maisons ne sont plus là elles ! Eructa Vanessa.
Syvanna craqua en pleurs et refugia son visage dans le creux de mon épaule. Nous prîmes quelques minutes pour souffler et récupérer de nos efforts. L'orientation dans ce quartier dévasté était une épreuve très compliquée. Déjà qu'avant la catastrophe, toutes les maisons et les allées se ressemblaient toutes, alors maintenant c'était un vrai casse-tête chinois. Nous arpentions une rue encombrée de parpaings que Vanessa avait clairement identifiée. Elle s'arrêta soudainement et se tourna sur sa droite vers une parcelle d'une centaine de mètres carrés avec en son centre une pile de briques, de bois, de métaux, ressemblant à un mixe d'un tas de lego© avec un jeu de mikado©.
— C'est ta maison, annonça tristement Vanessa à son amie.
— Plus rien... Il n'y a plus rien debout, sanglota Syvanna.
— Tu es sûr que c'est là ? Demanda Fred.
— Oui, j'en suis sûr. Et en même temps, regarde, toutes les baraques à droite et à gauche sont complètement démolies.
Avec Fab et Karl, nous fîmes le tour du tas de gravats sans trop d'espoir de trouver des traces de vie. De l'autre côté du monticule, masqué de Syvanna, Vanessa et Fred, Karl pointa du doigt un détail dans les débris. Prêt à partager sa découverte avec ses camarades à voix haute, je l'étouffai aussitôt en lui couvrant la bouche de ma main. Je le fixai du regard et barrai mes lèvres avec mon index en signe de silence. Je m'accroupis au pied du tas et examinai la main à la peau grise qui émergeait des débris. Le reste du corps était enseveli. C'était une main de femme avec l'annulaire habillé d'une alliance. C'était surement la mère de Syvanna.
— Ne dis rien Karl, chuchotai-je. Pas besoin de prévenir Syvanna. Ça va l'anéantir de voir ça.
Karl opina de la tête. Je saisis l'annulaire et fis glisser la bague le long du doigt aussi raide qu'une branche. Nous rejoignîmes Syvanna restée dans l'allée.
— Je suis désolé, il n'y avait aucune trace de personne. J'ai juste remarqué et ramassé cette bague qui brillait au soleil.
Je déposai le bijou sur la paume de Syvanna. Elle étudia les mots gravés à l'intérieur de l'anneau. Ses yeux se noyèrent à nouveau de larmes.
— C'est l'alliance de ma mère...
Vanessa rompit son humeur distante et rigide, et enlaça sa copine pour la consoler.
— Faudrait continuer nos recherches vers la maison de Vanessa, pressa Karl pour qu'il ne vienne pas à l'idée de Syvanna de faire elle-même le tour de sa maison détruite.
— Oui, l'après-midi est déjà bien avancée, continuai-je comprenant l'expression de Karl.
Vanessa se délia de son amie et se posta face à nous. Main fermée, elle pointa son pouce au-dessus de son épaule, derrière elle.
— Pas la peine d'aller chez moi. Ma maison est à cinquante mètres de celle de Syvanna, et je la vois d'ici, elle est ratatinée comme une crêpe.
— Mais tu ne veux quand pas aller voir ? insista Fred. Au moins pour voir si tu ne peux pas récupérer un objet qui t'es cher.
— Laisse tomber, je te dis ! Je ne vais pas m'encombrer de babioles inutiles. En avant, on fait comme on a dit. On redescend et on va dans la zone commerciale trouver des vrais trucs utiles pour notre survie.
Vanessa traversa notre petit groupe et prit la tête de notre expédition dans le sens inverse de notre venue.
![](https://img.wattpad.com/cover/358062197-288-k935319.jpg)
VOUS LISEZ
Chaos³
Bilim KurguMa vie banale d'adolescent heureux se termina ce jour de chaos. La fin du monde marqua le début de ma nouvelle vie de survivant. On relativise pas mal de choses quand cela arrive, non ? Les priorités ne sont plus les mêmes, l'essentiel est ailleurs...