Chapitre 25 : Retour à la maison - partie 2

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     L'après-midi ensoleillée se déroula tranquillement. Je passais mon temps à somnoler, allongé, à subir les boutades de Vanessa, une façon pour elle de masquer son inquiétude pour moi. Mes amis se relayaient auprès de moi. Quand le soleil commença à décliner, nous nous réunîmes tous autour de ma couchette et d'une table apposée à celle-ci. Je voyais Marina pour la première fois de la journée. Elle s'enquit de ma santé. Fred me redressa grâce à des oreillers glissés sous le dos. J'avais une position à peu près assise. Vanessa sortit des rations militaires et une gourde d'eau de son sac à dos, récupérées pendant le séjour dans le bunker. Nous les mangeâmes froid comme bien souvent. Je n'avais rien mangé de consistant depuis cinq jours. Cette petite barquette d'émincés de veau représentait un met Trois Étoiles pour moi. Je léchai jusqu'à la dernière goute de sauce. Le fond de la boite reluisait, comme sortie d'usine. Je bus une bonne rasade d'eau. J'étais repu. Pourtant la quantité de la ration était minime, à peine cent grammes. Mais tous ces mois de restriction alimentaire avaient contracté nos estomacs. Nous pouvions nous contenter de peu.

« C'est bien, tu as un bon appétit, constata Vanessa. C'est que ton estomac n'a pas été touché. Tu ne crèveras pas de ça non plus.

— Merci pour ton réconfort, Vaness.

Des rires accompagnèrent cette remarque.

« Je t'ai dit de ne pas me faire rire, connasse.

— Madame Connasse d'abord, et puis tu te fais rire tout seul, mon vieux.

Ces moments de sourires et de bonne humeur nous réchauffaient le cœur et l'esprit. Et soudain, je fus pris par une culpabilité fulgurante. Fab ! Mon pote ! Comment pouvions-nous rire et plaisanter, alors que mon meilleur pote était mort. Par ma faute. Mes amis remarquèrent aussitôt mon attitude faciale changer. Une larme s'échappa de mon œil.

« Qu'est-ce que t'as Mic, s'inquiéta Fred. Tu as mal ?

— Oh que oui, j'ai mal. Physiquement, mais cela est bien peu par rapport à la douleur de mon esprit. J'ai le cœur brisé. Mais toutes ces souffrances du corps sont bien méritées face au meurtre de Fab... Je l'ai tué !

— Mais non, arrête de dire des conneries, intervint Vanessa. Ce n'est pas ta faute.

— C'est moi qui vous ais conduit dans ce merdier.

— Nous connaissions les risques. Tu nous avais prévenu, rassura Fred.

— Mais merde, moi-même je ne connaissais pas les risques. Comment aurais-je pu me douter d'une telle violence, d'une telle cruauté. Je n'aurais jamais pu imaginer que l'être humain pouvait être aussi mauvais.

— Au fond de toi, tu le savais, quand depuis le jour où Karl a enfoncé le piolet dans le torse de ce mec paumé, quand Chris a failli se faire haché menu juste pour une boite de conserve, quand Cindy a fait de la bouillie de viande avec la tête de son violeur, insista Vanessa.

— C'est donc bien ma faute. J'aurais dû écouter Romain, rester à la maison et assurer le bien-être de notre groupe.

— Je te répète que nous assumions les risques. Je n'en pouvais plus de rester là-bas. Il fallait que je bouge et tu m'en as donné l'opportunité.

— Toi oui, j'en suis sûr, mais pas Fab et Fred. Tu portes peut-être aussi une part de responsabilité dans sa mort.

Cette accusation inattendue médusa Vanessa. Un silence pesant s'installa.

« Arrête ça tout de suite Mic, intervint Fred. Fab n'était pas con, il connaissait très bien les risques encourus.

— T'en ai sûr ? A part le mec que Karl a tué en légitime défense, Fab n'a pas vu les atrocités sexuelles qu'avaient subies Cindy. La mise à mort de son violeur.

— Moi non plus, je ne l'ai pas vécu. Mais dès le premier jour, nous avons tous vu Karl essayer de tirer la moitié du corps de Mike avec sa boyasse qui dégueulait parterre, et Jérémy agonisant avec la cage thoracique enfoncée, la mère de Romain écrasée sous le plafond de son salon, les charniers de centaines de corps brulant sur la place de la collégiale.

— Ça ce n'est pas la cruauté humaine, ce sont les conséquences horribles de la catastrophe.

— Et qui te dit que tout ce chaos n'est pas de la responsabilité de la folie démoniaque d'un homme ? Ce n'est pas la pire des cruautés ça, peut-être ? Tu as le monopole de la barbarie ?

— Calmez-vous, s'il vous plait, intercéda Marina.

Plus un mot ne fut prononcé pendant plusieurs minutes dans une atmosphère de recueillement. Je perçai ce silence.

« Je suis désolé Vanessa, Fred. Rien de tout ça n'est votre faute. Ça nous dépasse complètement. Ça me dépasse totalement. Le fou, c'est peut-être moi. Tous ces évènements extraordinaires m'ont noyé dans la folie.

— Tu n'es pas fou, Micaël, me rassura Marina. Si tous les êtres que j'ai croisé depuis la catastrophe étaient fou comme toi, je retrouverais foi en l'humanité assurément. L'entre-aide, la compassion, la fraternité seraient la base de la reconstruction de notre communauté humaine.

— Amen, ponctua Vanessa.

Mes amis m'enlacèrent pour un câlin collectif.

« Pas trop fort, pas trop fort, grognai-je.

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