Chapitre 11 : Faux départ - partie 1

11 4 2
                                    

CHAP. 11 : Faux départ

     Le ciel était resté désespérément vide, uniquement partagé par des nuées d'oiseaux. Des gangs de volatiles charognards assuraient le nettoyage et l'élimination des cadavres. La nuit suivante, Karl et Romain s'était postés sur le toit du bar house club pour observer le champ lacté. Romain avait réalisé qu'il avait retrouvé dans les décombres de son appartement, le bien le plus précieux auquel il pouvait tenir dans ce chaos ; sa paire de lunettes. Il avait raccordé les deux branches avec une cordelette passant derrière son cou pour éviter toute chute désastreuse. Quelques heures plus tôt, Karl avait confié à son compagnon nocturne, l'observation d'un engin volant à très grande vitesse aperçu lors de la soirée après leur première expédition. Cela avait attisé la curiosité de Romain et il lui avait proposé de réexaminer le ciel pendant quelques heures. Malgré mes railleries, ils restèrent perchés une partie de la nuit. Cette veillée ne fut pas concluante.

La deuxième nuit fut un cauchemar absolu. Tous mes amis étaient assoupis dans leur duvets, tandis que je tenais un quart de surveillance avec Fab. Nous entendîmes un crépitement montant crescendo. Ce bruit semblait brasser les graviers de l'allée du club. Dans cette nuit particulièrement bien éclairée par une lune presque pleine, nous aperçûmes une étendue noir grouillante progressant tel un tsunami. La masse pleine à distance, se détailla en approchant. Elle était composée de milliers de petits individus.

« Des rats ! hurlai-je.

— T'es sérieux, demanda Fab se levant, horrifié.

— Levez-vous là-dedans ! On va être envahi par une horde de rats !

Je fis irruption dans le bar qui nous servait de dortoir.

— Debout ! Allez, bougez-vous ! Grimpez en hauteur, sur le bar !

Mes compagnons devenus sensibles aux moindres bruits, s'étaient expulsés instantanément de leur sac de couchage. Les filles étaient montées sur le comptoir du bar, Karl sur un tabouret. Edouard, Romain, Moïse et Fred avaient sauté sur une table basse qui par définition n'était pas bien haute et donc pas très protectrice. Fab et moi étions sans solution. Je pris un ballet qui traînait à mes pieds et tapa le sol devant moi.

— Fab, met toi derrière moi !

La vague bruyante, fourmillante passa. Le son des milliers de petites griffes éraflant le carrelage et le béton, striait douloureusement nos tympans. Il masquait le cri de certain de mes compagnons paniqués. Ils traversèrent la pièce d'un trait comme le bouillon d'une vague. Les rats engagés sur une trajectoire inéluctable percutaient les obstacles inattendus comme mon ballet, mes tibias et les pieds des pensionnaires de la table basse. Certains se faufilaient avec agilité entre nos jambes.

La vague partit comme elle était arrivée. Je pensais que nous allions être dévorés sauvagement ne laissant que nos os sur place. Rien de tout ça, personne n'avait été blessée. A part une frayeur soudaine et nos cœurs qui palpitaient à mille à l'heure, nous nous portions, pas trop mal.

La dernière nuit fut très calme. Point d'observation des étoiles, point d'invasion de nuisibles, or les quarts de garde, tout le monde avait sommeillé à point fermé.

Nous étions arrivés au bout de nos trois jours qui concluait cette semaine. Pas un véhicule terrestre, pas un aéronef n'étaient passés à proximité. Cet état de fait déclenchait automatiquement mon plan de conquête de Paris.

Nous nous réveillâmes tous en bonne forme grâce à cette nuit tranquille. En forme physique pour tous, mais pas forcément mental pour certains d'entre nous. L'ultimatum du statuquo et de l'attente espérée des secours étaient atteints. Le petit déjeuner constitué de petites mignonnettes au chocolat emballées et d'un verre de soda, se déroula dans le silence. Je me redressai et annonçai :

— On part dans une heure !

Romain grimaça à mon annonce. Des regards pas très rassurés me submergèrent. Ceux confiants de Vanessa, Karl, Fred et Fab me rassurèrent.

— Peut-on reconsidérer cette décision et repousser la date de notre départ ? Interrogea Romain.

Je scrutai mon compagnon, circonspect.

— C'était un choix unanime.

— Oui, mais peut-être un peu trop précipité.

— Ecoute Romain, je comprends tes craintes. Nous avons déjà vécu beaucoup de choses horribles en seulement quelques jours et au même endroit. Les différents déplacements que l'on a pu faire sur un kilomètre ou deux ont été traumatisants. Je comprends que ce long voyage fasse peur.

— Oui, il me fait peur, mais pas que. Il m'a fait réfléchir.

— C'est certain, intervint Edouard. Nous avons réfléchi à la question.

— Et quelle est-elle ? demanda Vanessa.

Un silence d'observation bref s'installa.

— D'où vient l'épicentre de la déflagration à votre avis ? questionna Edouard.

— Oui, le point d'impact de toute cette merde, surenchérit Romain.

Je resituais instantanément notre lycée par rapport à notre position actuelle. Et inconsciemment je me tournai vers la provenance de la vague de destruction. L'est. Paris.

— Oui, je vois que tu as deviné. Ça venait de la capitale, en conclut Romain.

— Et donc dans un endroit qui devrait être encore plus ravagé que notre ville, on devrait y trouver plus de secours, d'aides et de réponses à ce cataclysme ?

Ils n'avaient pas tort. Cela me plongea dans une minute de réflexion.

— Ne parlons pas des risques de radioactivité importante. De plus, Paris peut être la cible de bombardements ennemis, être en proie à des émeutes énormes. Je te le dis, ce n'est pas vraiment une destination sexy pour le moment, argumenta Romain.

Les filles commencèrent à chuchoter entre elles. Les dires de Romain et Edouard mettaient à mal ma stratégie. Mes amis proches se regardèrent dubitatifs.

— Personne d'assez idiot ou suicidaire ne voudrait se jeter dans la zone de Fukushima, remarqua Edouard.

— Nous ne savons pas si c'est un accident ou une attaque nucléaire, me défendis-je.

— Et tu connais un autre moyen pour provoquer une telle puissance destructive ?

— Je ne sais pas, une catastrophe naturelle, une nouvelle... Arme.

— Putain Mic, tu lis trop de bouquins de SF.

— Je...

Je n'avais plus d'argument probant justifiant notre voyage. Romain se leva aussitôt suite à mon silence.

— Suite à cette dernière conversation, je propose que l'on revote à main levée. Pour ; rester ici, s'installer et monté un camp pour une survie durable. Contre ; et s'aventurer vers une destination inconnue et dangereuse.

Le résultat fut sans appel. Une rangée de bras se dressa en l'air. Romain et Edouard avaient même surenchéri leur vote des deux membres supérieurs. Seuls, Vanessa, Fab et Fred s'étaient abstenus. Voyant Cindy lever la main, Karl avait timidement acté la tendance majoritaire du scrutin. Romain, d'un mouvement de tête exagéré et théâtrale, fit mine de compter les voix.

— Je crois que c'est clair Micaël, le groupe a choisi ; la sécurité, la patience et l'union.

Syvanna, rebaissant sa main tremblante, s'adressa au capitaine déchu.

— Et toi Mic ? Tu restes avec nous ?

Chaos³Où les histoires vivent. Découvrez maintenant