Chapitre 24 : Il faut sauver le soldat Mic. - partie 2

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     Le noir. J'entendais. Je ressentais.

J'étais installé confortablement sur une banquette, à l'extérieur. Je sentais ces odeurs particulières de la Seine.

« Houhouuu ! T'avais raison, la petite cuve est pleine, s'extasia Fred.

— Ne t'emballe pas débilos, est ce qu'elle saura piloter ce bahut flottant ? Et est ce qu'il ne va pas couler au bout de cinq mètres ? modéra Vanessa.

— Mon père m'a fait passer le permis bateau fluvial. Je l'ai déjà barré à plusieurs reprises, rassura Marina.

— OK capitaine. Maintenant démarre les moteurs. Trois mois sans fonctionner, plus le choc avec l'autre péniche, ce n'est pas dit qu'on puisse décoller.

— Le temps d'arrêt ne m'inquiète pas, ces moteurs sont faits pour ça. Mais tu as raison, j'espère que la percussion ne les a pas endommagés. Mais là aussi, je suis assez confiante car c'est la proue qui a tapé et les moteurs sont installés en position arrière.

— Bon bah vas-y ! démarre.

— Je pense que nous devrions attendre le coucher du soleil et naviguer de nuit pour éviter qu'on soit la cible d'un nouveau bombardement.

Un court silence s'en suivit, marquant la contrariété de Vanessa.

« Pas con, admit-elle. Fred, vérifie que Fil de Fer respire encore.

— Ah au fait, si ça vous intéresse, les batteries sont toujours là aussi. Ils ont eu la flemme ou l'incapacité de les transporter. Elles pèsent sept cents kilo chacune. Et elles sont primordiales pour la navigation.

— Ok, c'est bon, on a compris que tu t'y connaissais capitaine.

La conversation à base de piques et de remarques se prolongea comme une berceuse à mes oreilles. J'étais épuisé. Je m'endormis, perclus de douleurs, mais apaisé, surement aidé par la morphine.

...

Le grondement des moteurs au démarrage me réveilla. La carlingue vibrait, revivait. Les odeurs de carburant parfumèrent l'atmosphère. Mes trois amis acclamèrent ce succès.

J'entendais, je ressentais et je voyais enfin. J'avais récupéré assez d'énergie pour pouvoir rouvrir les yeux. La nuit était tombée. L'éclairage n'était pas activé pour rester le plus discret possible. Seule la lumière de quelques diodes et instruments de navigation, découpait les silhouettes de mes amis. Ils exprimaient leur contentement en gesticulant gaiement, en dansant, en s'enlaçant. Cette scène me rendit extrêmement heureux. Des larmes de joie, de décompression, d'épuisement ravalèrent mes joues. J'ouvris la bouche pour participer à cette célébration, mais aucun son n'en sortit. Je n'avais pas encore la force de parler. Fred remarqua tout de même mon mouvement de tête.

« Eh ! mais qui est de retour parmi nous ?

— Mic ! s'exclama Vanessa. Enfoiré, t'es vraiment un putain de survivant !

Mes amis m'entourèrent à mon chevet. Pas de mot, mais mon sourire à la façon Joker les rassura.

« Une balle, deux coups de couteau, tu es un warrior mec, complimenta Fred.

— Bienvenu à bord, Micaël, enchaina Marina. Tu es sur la péniche de mes parents et je vous ramène à Mantes la Jolie.

— Trop cool, non ? s'excita Fred, à mon attention.

— Frédéric, tu peux aller décrocher les amarres, s'il te plait, demanda Marina. Moi, je vais à la barre.

— Et moi, je fais quoi ?

— Toi, Vanessa... Va à la proue, observe la surface de l'eau et prévient-moi si tu vois une épave affleurante.

— Putain, ça va être galère de nuit et sans éclairage.

— On a un peu de chance, le ciel est dégagé et la lune est presque pleine. Ça devrait suffire pour nous diriger et observer.

— Ce n'est pas un spot de 10000W n'ont plus, ta lune !

Vanessa s'exécuta et partit à la proue en ronchonnant (comme souvent). Marina s'installa à la barre à quelques mètres de moi. Fred largua les amarres non sans difficulté. Ces épais cordages devaient peser une tonne. Fred fit signe qu'il avait fini. Marina compta les points d'amarrage et vérifia qu'il n'en avait pas oublié. Enfin, elle tourna la barre au maximum et baissa légèrement la manette des gaz. Le navire s'ébranla et glissa lentement sur les flots. L'acier de la coque couina mais semblait tenir bon.

— Frédéric, peux-tu descendre à la cale, au niveau de la proue et vérifier que nous n'avons pas de voie d'eau ?

— A vos ordres, capitaine !

Fred était comme un enfant, jouant au moussaillon sur un bateau pirate. Comment faisait-il pour prendre autant de distance avec les événements tragiques récents. La mort de notre meilleur pote ; Fab. Je refermai les yeux. J'étais si fatiguer. Les souvenirs de nos jeux d'adolescent apaisèrent mon esprit et me plongèrent dans un profond sommeil.

Le noir. Le silence.    

Chaos³Où les histoires vivent. Découvrez maintenant