Chapitre 03 : Errements - partie 2

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     " Bon ! Commençons le programme de la journée, m'exclamai-je. J'ai étudié un circuit cette nuit et n'y voyez aucun égoïsme, mais il commence par chez moi.

— C'est vrai ça ! tu habites à moins de deux cents mètres d'ici et tu n'as pas eu envie de te rendre à ton domicile hier ? Intervint Fred.

— Je pense que j'ai eu peur de m'y rendre sans vous avoir pour supporter la douleur de ce que je pourrais découvrir sur place.

Syvanna s'approcha de moi et me pris la main. Son regard pénétra dans le mien.

"Nous serons tous là pour te consoler. Et nous allons nous soutenir les uns les autres ! Allons-y !

Nous approchions de chez moi. Nous contournions une montagne de pierres et de bardage qui devait être l'immeuble en vis-à-vis. Celui que je voyais tous les matins en regardant par ma fenêtre du cinquième étage. J'eu la surprise de découvrir que mon immeuble ne s'était pas complètement effondré comme la plupart des tours de la ville. L'immeuble qui nous masquait avait surement fait office de bouclier face à l'onde de choc. Mon bâtiment était crevé sur toute la façade. Nous pouvions voir l'intérieur des appartements dévastés comme un chirurgien sur un squelette. Sans son manteau extérieur, j'éprouvai beaucoup de difficulté à repérer ma chambre. J'étais obligé de compter les cases sur la hauteur (pour les étages) et sur la largeur (pour l'appartement) pour enfin observer ce qui restait de ma chambre. Personne. Il n'y avait bien sûr personne chez moi à l'heure de la catastrophe. Mes parents étaient au travail. Qu'est-ce que j'espérai ? Que ma mère soit soudainement revenue de son travail pour un arrêt maladie ? Non, ma mère ne posait jamais de jour de congé imprévu ni d'arrêt maladie. Elle préférait faire son job à moitié morte aux remarques éventuelles que pourrait lui faire son patron.

" Désolé !

— Pourquoi ? Demanda Vanessa.

— Désolé de vous avoir traîné jusqu'ici ! je savais pertinemment qu'il n'y aurait personne chez moi.

— Tu n'as pas à être désolé ! tu as juste eu de l'espoir !

Soudain un miaulement aigu attira notre attention. Une petite tête poilue surplombée de deux oreilles triangulaires dépassait de l'encadrement de la porte de ma chambre. Son museau piochait dans le vide à la recherche d'un moyen pour descendre du cinquième étage.

"Mushuu ! Hurlai-je. C'est mon chat.

— Oh ! il a l'air mignon. Mais il est coincé là-haut.

— Je vais le chercher !

— Et tu vas utiliser tes pouvoirs de Spider-Man pour grimper là-haut ? ironisa Karl.

— Par la corniche là ! et puis je ne peux pas le laisser ! m'énervai-je.

— Mais tu ne vas pas te tuer pour un chat !

— Tais-toi ou...

Un grondement gras de la structure de l'immeuble parvint à nos oreilles et à nos pieds par sa vibration. Ce bruit inquiétant coupa net la dispute. Comme le grouillement d'un estomac affamé, un second se propagea et je cru voir le bâtiment ciller.

" Qu'est ce qui se passe ? S'inquiéta Cindy.

— Ton immeuble bouge Micaël, fit remarquer Romain.

— J'ai bien peur que...

— Il va s'écrouler ! hurla Karl.

— Il faut s'éloigner et se mettre à l'abri ! cria Chris.

Le groupe paniqué commença à se disperser et à prendre de la distance avec la tour branlante.

Seul, je restais les yeux rivés sur mon petit compagnon de poils qui miaulait de peur, agitant sa patte dans le vide comme pour agripper mon bras à distance. Tout le monde avait pleuré jusqu'à présent depuis le cataclysme sauf moi. La mort de million d'humains, de ma famille probablement n'avaient pas mouillé mes joues de mes larmes. Mais ce petit lien encore vivace qui me raccrochait à ma vie d'avant fit craquer le réservoir de ma tristesse en un geyser de liquide oculaire. Mes jambes flanchèrent pour percuter le sol grondant sur les genoux. Quel ridicule moment de ma vie ! Sombrer dans le désespoir à cause d'un vulgaire animal.

Fred brisa ma torpeur et me tira du sol par le col.

— C'est fini Micaël ! Faut se planquer ! Regarde nos amis derrière ! tu nous as tous sauvé ! Ils te doivent la vie et tu ne pourras pas le faire pour tout le monde ! Viens te protéger avec moi.

J'acquiesçai d'un signe tremblant de la tête.

Soudain, un bloc de béton s'écrasa à quelques mètres de nous. Cela précipita notre fuite et l'écroulement du bâtiment.

Le dernier étage sombra sur le niveau inférieur et celui-ci encore sur le niveau inférieur et la chute s'accéléra masquée par une tempête de poussières de gravats, de plâtre et de béton.

Nous courions à perdre haleine poursuivis par cette avalanche de poudre grise. Une main surgit derrière une grande carcasse de camion et nous indiqua l'endroit salvateur pour nous protéger des éclats de projection. Nous plongeâmes derrière le container de la remorque pratiquement sur les genoux de Romain. Je fermai les yeux, agrippé à mes amis. Le métal de la dépouille du transporteur était mitraillé par les milliers de petits gravas concassés par le choc de la destruction. Puis le bruit sourd s'éloigna de nous laissant échapper de multiples échos. J'ouvris les yeux et distinguai à peine le bout de mes mains. L'atmosphère était recouverte d'un épais brouillard gris, une couche de poussière nous recouvrai, s'insinuait dans nos orifices ce qui rendait la respiration très difficile. Un silence profond congestionna l'environnement comme la sensation d'une importante tombé de neige au sein de la montagne. Romain masqua sa bouche avec ses mains pour ne pas avaler de la poussière et cria :

" Est-ce que tout le monde va bien ?"

Chaque membre du groupe répondit et selon la provenance des voix nous nous apercevions que nous nous étions séparés en trois groupes. Tout le monde était présent à l'appel.

Nous attendîmes quelques minutes pour sortir de notre cachette et nous réunir, le temps que le voile opaque se disperse un peu.

Une fois tous ensemble, nous nous éloignâmes le plus rapidement possible de la zone encombrée. Nous nous arrêtâmes et prîmes le temps les uns les autres de s'épousseter.

" Je suis désolé Micaël, compatit Syvanna.

Le ruisseau de mes larmes s'était transformé en deux traînées boueuses maquillant mes joues de noir. Elle passa sa main délicate sur mon visage pour nettoyer la preuve de ma tristesse. Mais cette tentative, tout agréable fut-elle, se transforma en un étalement de suie sur la totalité de mes joues, tel un commando camouflé en mission dans la jungle.

" Mince, je n'arrive pas bien à enlever... désespéra Syvanna.

Je pris sa main.

— Ce n'est pas grave ! Je nettoierai ça à la prochaine flaque d'eau que l'on croisera. Ce n'est pas ça qui manquent maintenant.

Tous nos compagnons étaient tournés vers nous. J'en profitai pour leur adresser une parole collective.

" Je suis vraiment désolé de vous avoir tous mis en danger par ma bêtise. Et je tiens...

Fabrice me coupa en passant son bras autours de mon coup. Et en silence il m'étreignit. Mes amis formèrent une file d'attente et l'un après l'autre répétèrent ce geste de compassion. Et ce sont de nouvelles larmes finalement qui lavèrent un peu mes joues sales.

Nous arpentions du Nord au Sud les ruines de notre ville. Les habitations de Fabrice et Fred n'étaient plus que champs de pierres et de poussières. Aucuns de mes deux amis n'avaient osés s'approcher trop prêt du désastre de peur de trouver des preuves charnelles de la disparition de leurs proches. Ils préféraient le doute, source d'un minimum d'espoir.

Arrivés sur la principale avenue de Mantes qui la traversait d'ouest en est, nous devions y marcher pendant plus d'un kilomètre pour rejoindre le centre-ville.

Chaos³Où les histoires vivent. Découvrez maintenant