Chapitre 2

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     5 heures.

Ce maudit réveil me vrille les tympans.

J'ai merveilleusement bien dormi. Je prends ça comme un signe positif. Tout va très bien se passer. Il ne peut en être autrement.

Ils vont faire leur fichue biopsie et m'expliqueront ensuite leur erreur. C'était juste une grosseur bénigne. Ils vont m'en débarrasser en un rien de temps. Je les entends déjà, prenant leurs voix assurées : « Rien de plus facile madame Valet ».

Dès mon plus jeune âge, mon enthousiasme et ma joie de vivre sont indéfectibles. En tout cas, je m'y emploie espérant dissimuler un manque évident de confiance en moi. Enfant, mon père m'appelait constamment son « petit rayon de soleil ». Il le fait encore aujourd'hui. Adolescente, je lui avais demandé d'être moins démonstratif. Il n'a pas tout de suite compris. J'avais pourtant essayé de lui faire entendre que crier sur le parking du collège « bonne journée mon petit rayon de soleil » ne collait pas avec l'image décontractée et assurée que j'affichais auprès de mes amis. Ayant eu un garçon en premier, il affectionnait tout particulièrement ces moments tendres et complices père-fille. Lui protecteur et affectueux. Moi, grande fan inconditionnelle. Pourtant, sa petite devenue une jeune fille commençait à lui échapper et réclamait progressivement son indépendance. Je me suis vite rendu compte du chagrin que je lui infligeais. Donc, dès que l'occasion se présentait, je lui proposais une activité à partager ensemble. Et je dois admettre, qu'en dépit de ma demande d'émancipation, je n'étais définitivement pas prête à me séparer de lui. D'ailleurs, je ne pense pas l'être un jour.

6 h 40.

Questionnaire d'usage.

— Votre nom et votre prénom s'il vous plaît.

— Valet Kristelle. Avec un K

— Votre date de naissance ?

— Le 22 juillet 1982. Excusez-moi ? je l'interromps.

— Oui ?

— Pourquoi me redemander tout ça puisque j'ai rempli le dossier hier avec une secrétaire ?

— Nous avons besoin d'être sûrs de votre identité Madame. Nous devons nous assurer avoir affaire à la bonne personne.

Sa réponse me laisse perplexe.

— Parce qu'il vous est déjà arrivé qu'une personne vienne subir une intervention chirurgicale à la place d'une autre ?

Elle sert son dossier sur sa poitrine, les yeux totalement écarquillés. Je peux comprendre que ma question semble absurde mais elle avouera aussi que son interrogatoire l'est tout autant.

Et voilà... Elle reste figée devant moi complètement décontenancée. J'ai comme l'impression que cette situation est une première pour elle. Elle a l'air d'un lapin pris dans les phares d'une voiture. Elle repart cependant vers la porte de ma chambre en me disant qu'elle reviendra avec de la Bétadine. Elle m'explique qu'il faudra me l'appliquer sur tout le corps au moment de ma douche. Je lui réponds d'un simple battement de cils. Une fois la porte fermée, j'explose d'un rire sonore. J'imagine déjà sa prochaine pause avec ses collègues : "plutôt bizarre cette patiente".

Peu de temps après, une aide-soignante passe pour me raser une partie du crâne. Obligatoire pour l'opération. Je ne m'y attendais pas. Pourtant logique en y repensant. Je serre les dents et j'essaie de faire le vide pendant qu'elle s'approche avec son matériel. Elle le fait avec des gestes calculés et doux mais chaque passage du rasoir me transperce le cœur. Elle a dû sentir mon malaise puisqu'elle m'explique qu'ayant déjà les cheveux courts, ils ne demanderont pas longtemps à retrouver la même longueur. Facile à dire. Cacher ce cratère ne serait pas son problème les semaines à venir.

Une année...le reste d'une vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant