Chapitre 18

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    7 heures. Mon alarme hurle. Je balance mon portable à l'autre bout de la pièce.

7 heures 05. Ma deuxième alarme me fait sursauter.

7 heures 09. Mon cousin Marc va finir par briser la porte à force de cogner dessus.

7 heures 13. Je rêve qu'on me tire par les pieds. Bon sang ! On me tire vraiment par les pieds !

8 heures 11. Je suis la dernière à apparaître sur le parking de la villa, accueillie bien évidemment, par des applaudissements. Même les ados sont à l'heure. Là, j'ai honte. Je les honore d'une splendide révérence. Autant être ridicule avec panache.

Nous marchons depuis plus de trois heures. L'expression « la montagne, ça nous gagne » n'a aucun sens quand vous escaladez, grimpez, glissez sur les caillons et que vos pieds vous supplient de les abandonner en chemin. Je pensais à une tout autre expression à ce moment-là : « la montagne, ça vous saigne ».  La "grosse Bertha" est dans le même état que mes dessous de bras... dégoulinante. Ce n'est que justice. D'autant plus qu'elle ne me rend pas la rando facile en m'empêchant de coordonner correctement mes bras et mes jambes. Marc nous a assurés que ce parcours était un des plus faciles. De toute évidence, il nous a tous pris pour des athlètes de haut niveau.

— Microbe ! Avance ! me crie mon frère. Ce n'est pas possible comme tu es lente ! Une vraie tortue sous Lexomil. Tu manques d'exercice ma vieille !

Je lui enverrais bien une réplique toute choisie, mais je suis trop concentrée à regarder mes pieds et m'assurer qu'aucun escargot ne me double. Je suis effectivement bonne dernière. Plus nous avançons dans la matinée et plus la chaleur nous plombe.

Nous arrivons près d'une rivière. Un cri de victoire retentit dans le groupe. À l'unisson, nous demandons une pause. Les sacs à dos sont jetés au sol, les chaussures de marche sont éjectées de nos pieds meurtris comme des boulets de canon. Nous dévorons nos sandwichs comme si nous n'avions pas mangé depuis des jours. Certains ont décidé de se baigner. Il y a un peu de courant mais l'appel de l'eau est trop tentant.

Un concour s'organise pour qui arrivera le premier sur la rive opposée. Mon frère, Tony et Marc foncent comme si leurs vies en dépendaient, trop contents de mettre en avant leurs capacités de mâle en rut. Ceux qui ne cherchent pas la compétition prennent le temps en s'aspergeant d'eau.

— Aidez-moi ! Je ne peux plus m'arrêter ! Romain... !

Nageant de toutes ses forces, Julie se débat dans l'eau, emportée par le courant. Romain, qui avait déjà rejoint l'autre rive, la regarde s'éloigner sans réagir, ses deux acolytes à ses cotés.

Je me redresse prise de panique. Pourquoi personne ne court à son secours ? Je fais quelques pas, prête à intervenir quand mon frère hurle les mains en porte-voix.

— Ma chérie ! Tu as pied. Il n'y a qu'un mètre d'eau. Redresse-toi... Maintenant !

Julie s'exécute, reste immobile quelques secondes et enfouit son visage dans ses mains rouge de honte. Elle revient vers moi, raide comme un piquet, pendant que les commentaires allaient bon train. Elle me frôle et me dit essoufflée.

— Aucun commentaire.

— Je ne me permettrais même pas.

Une fois qu'elle m'a dépassée, j'éclate à mon tour.

Nous reprenons notre excursion, tous requinqués. Je croise les doigts espérant mieux m'en sortir. J'ai emporté avec moi  mon "coup de fouet". Madame Mouffoir m'avait fait part de leur efficacité mais à prendre seulement en cas d'extrême urgence. Je ne sais pas ce qu'elle entendait en parlant d'urgence. Mais après une heure de marche, je sens effectivement la différence. J'ai même réussi à dépasser les ados. Carrément génial ce truc-là !

Une année...le reste d'une vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant