C'est le 14 juillet. Le dernier que je verrai. Enfin plus ou moins puisque la « grosse Bertha » a décidé que je n'en profiterais pas. Ma vue est particulièrement trouble et incertaine. Ouvrir les yeux me demande un effort surhumain. La moindre luminosité est une torture. J'allais devoir garder mes lunettes de soleil en permanence et donc endosser aujourd'hui le rôle d'une starlette. Fantastique ! Moi qui ai en horreur cette manie chez certain individu ! Tu leur parles mais tu n'as aucun moyen de t'assurer de leur écoute ou s'ils préféraient se trouver ailleurs. Je suis de ceux qui pensent que le regard a toute son importance. Les yeux sont le reflet de nos âmes.
J'adore les feux d'artifice. J'en aime chaque détail. Dès que les lumières s'éteignent pour annoncer le début du spectacle, je sens une énergie puissante parcourir mon corps. Les sensations sont délicieuses voir orgasmiques. Ce que j'aime par-dessus tout, c'est entendre les premières notes de musique qui les accompagnent. À mon sens, un feu d'artifice n'en est pas réellement un sans un accompagnement musical. Ça vous prend aux tripes... ça vous transporte. Nos yeux ne sont pas en reste. Ces mélanges de couleurs, les différents effets de lumière, de formes, d'illusions... J'aime le bruit des détonations et cette vibration qui nous inonde. L'odeur âcre de poudre qui vous monte au nez. Plus rien n'a d'importance pendant une vingtaine de minutes. Seuls nos sens sont en éveils.
Quand nous étions enfants, nos parents nous emmenaient tous les ans sur deux feux d'artifice. Celui de Nantes où nous vivons et celui d'une station balnéaire, selon le choix de destination de nos vacances. Sensible au bruit un peu trop puissant depuis mon plus jeune âge, mon père restait toujours derrière moi. Il posait ses grandes mains douces sur mes oreilles pour en atténuer le son. Je m'adossais alors contre son torse savourant le moment.
Avec Noël, le 14 juillet était le moment que je chérissais le plus car tous les deux représentaient l'unité, le partage, la solidarité et l'échange. Je suis donc déterminée à contaminer ma famille, même si je dois pour cela, puiser dans mes dernières ressources. Bien sûr, consciente de l'enjeu de cette dernière année, je compte vivre profondément chaque évènement. Je suis prête. Ça a déjà commencé avec ses vacances auprès d'eux. Auprès de cette famille si formidable et si imparfaite qu'elle soit. Alors oui ! Rien ne peut m'arrêter.
Pendant mes recherches sur le site de Cauterets, j'avais appris la préparation du 14 juillet, accompagné d'un grand repas sur la place de l'esplanade des œufs. Je réserve donc pour nous tous. Quand je fais part de mon initiative à ma famille, un tôlé d'applaudissements ne se fait pas attendre. Ça n'a pas le même effet quand je leur propose de nous y rendre avec un moyen de transport original.
— Attends Microbe ! Tu veux dire quoi par « original » ? Non parce que... Ne compte pas sur moi pour faire le guignol !
— Rien qui ne mettra ta dignité en péril frangin.
La villa regorge de photos d'époque. Une avait attiré mon attention. On y voyait une famille d'à peu près quinze personnes se rendre à la fête nationale en calèche. Cette photo datait de 1821. Mon idée avait germé de cette découverte. Le tout, à présent, était de trouver ce qu'il nous fallait. J'avais tout de même un problème. J'avais en horreur les chevaux. Je ne leur voulais pas de mal ! Je les trouvais majestueux... seulement, ils me terrifiaient.
— Nous allons nous y rendre en calèche comme le faisaient les habitants autrefois.
Méfiant, tout le monde me dévisage comme si je leur révélais l'apparition d'une deuxième lune dans notre système solaire.
— Et tu comptes nous dégotter ça où ? s'exclame Charles le pragmatique. Sans compter qu'il faut certaines compétences pour s'en servir.
— Moi je trouve l'idée super sympa et très romantique ! s'écrie Mina en se blottissant contre Tony.
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Une année...le reste d'une vie
ChickLitKristelle voit son monde s'écrouler. Sans son autorisation, une tumeur s'est infiltrée dans son cerveau. Le verdict est sans appel. Il ne lui reste qu'une année à vivre. Sa première intention face à ce cataclysme est de ne rien divulguer à son ento...