7 juillet.
Les choses sérieuses commencent enfin.
J'ai bien l'intention d'en profiter. Je suis surexcitée. Autant que peut l'être un chiot pendant sa première balade en dehors de son périmètre autorisé. Je sais ce que mon grand-père dirait. « Il ne faut pas essayer d'ajouter des années à sa vie, mais de la vie à ses années » et j'ai bien l'intention de lui faire honneur. Il aurait bien sûr formulé son dicton différemment, en remplaçant années par mois. Question d'adaptation.
Je m'efforce d'effacer les derniers mois... les idées noires... la fatalité... cette saloperie de temps qui n'en finit pas de défiler. Bon ! Le seul point négatif ; me trimbaler « la grosse Bertha ». Si je prends mon traitement correctement et que je m'octroie des temps de repos, tout devrait parfaitement bien se passer. J'ai les choses bien en main.
Destination Cauterets dans les Hautes-Pyrénées. Six cents kilomètres, sous le soleil pour nous accompagner.
Mes parents passent me chercher. Mon frère les suit de près. Ma belle-sœur me fait un signe de la main à travers le pare-brise le temps que mon père charge mes valises. Vic part directement de chez elle. Elle veut profiter d'une escale à Bordeaux pour voir son frère. Le reste de la famille nous rejoint directement là-bas.
Dès que je monte dans la voiture, je change d'état d'esprit. Je ne suis plus celle des derniers mois. Je ne veux pas être la Kris mourante. Je serai une tout autre personne pendant ce séjour. Même la Kristelle d'avant la maladie, je n'en veux pas. Pas de barrières, pas d'interdits, pas de limites. Enfin dans la mesure du possible. Je suis bien consciente qu'il faudra m'adapter avec ce corps déjà bien fatigué.
Je veux pouvoir vivre pleinement et ABSOLUMENT. Chaque minute, chaque détail, chaque émotion, chaque moment volé. Je veux laisser mon empreinte dans chaque parcelle de chacun d'eux. Je veux qu'ils se souviennent de moi comme on se souvient de la beauté d'un paysage, le rire insouciant d'un enfant, comme un champ de coquelicots un jour d'été généreusement ensoleillé.
J'allais devoir user de beaucoup de subtilité. Cette nouvelle Kris allait les surprendre pour ensuite les rendre soupçonneux. J'ai préparé ma liste d'arguments. Je leur ferai mes yeux de biche. J'ai pris des cours avec « Bambi ».
Hier au soir, j'ai tapé sur ma barre de recherche « que faire avant de mourir ». Je suis tombée sur un nombre impressionnant de blogs créés par des personnes qui vivent la même merde que moi. J'y ai vu de tout. Certains ont dressé des listes considérables de vœux à réaliser. Rien qu'en les lisant, j'en avais le tournis. Trop oppressant... trop stressant... déprimant. Il y avait aussi ce gars qui courait tout le territoire pour réparer ses mauvaises actions de jeunesse. Il avait posté une vidéo plutôt drôle de lui, en train de se prendre la raclée du siècle par une femme d'une quarantaine d'années qui était, semble-t-il, une ex petite amie au lycée. Visiblement, elle ne l'avait pas oublié. D'autres passaient leur temps, scotchés sur leur écran d'ordinateur et écrivaient leurs dernières pensées. Leurs exutoires si vous voulez mon avis. Pour ça, il me faudrait plus d'une année.
J'avais décidé de ne rien m'imposer. Je prendrais ce qu'il viendrait au jour le jour. Tête baissée, je fonce. Je veux être un cycliste professionnel. Chaque kilomètre parcouru sera une victoire. Mon maillot jaune est prêt, avec comme inscription dans le dos ; « vis ce jour comme s'il était le dernier ». J'ai bien l'intention de franchir la ligne d'arrivée en première position. Je me contenterai même de la seconde place. C'est excitant et terrifiant à la fois.
Fanny doit au même moment lire dans mes pensées. Ses messages ne laisse aucun doute.
Fanny : « Tu es sur la route championne ? Prête pour la grande aventure ? »
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Une année...le reste d'une vie
ChickLitKristelle voit son monde s'écrouler. Sans son autorisation, une tumeur s'est infiltrée dans son cerveau. Le verdict est sans appel. Il ne lui reste qu'une année à vivre. Sa première intention face à ce cataclysme est de ne rien divulguer à son ento...