Ce matin, ma cancérologue est passée me voir. Docteur Mouffoir Florence. Jeune, souriante, dynamique et petite. Tellement petite ! Certainement le reflet de mon humeur du jour, cette impression que tout rétrécit autour de moi. Ma vie, mon avenir, mes projets... mais pas cette fichue tumeur.
Elle m'explique plus en détail ce qu'est un glioblastome. Je l'écoute religieusement, mais une partie de ses explications a retenu tout particulièrement mon attention. Le glioblastome est le cancer primitif du cerveau le plus fréquent chez l'adulte et également le plus agressif. Difficiles à soigner, les glioblastomes sont associés à une dégradation fonctionnelle et intellectuelle rapide lors de leur progression.
Je l'interromps d'un geste de la main.
— En fait, si je comprends bien, cette tumeur est la pire qu'il soit.
— Je ne vais pas vous mentir. Ça va être un combat difficile et frustrant.
— Quelles sont les options ?
— La radiothérapie et la chimiothérapie que nous allons mettre en place rapidement dans le but de réduire la masse tumorale et permettre ainsi, ce que j'espère, une neurochirurgie. Dans un premier temps, nous commencerons un protocole de rayon en raison de cinq séances par semaine et le Temodal qui est une chimiothérapie par voie orale.
Le silence s'installe entre nous. Elle me laisse certainement le temps d'assimiler doucement ce qui m'attend. J'avale difficilement et continue.
— Avez-vous eu de bons résultats avec ce protocole sur un stade aussi avancé ?
— Chez certains de nos patients, nous avons pu observer que leur tumeur avait perdu un peu en volume et leur permettre de gagner quelques mois.
Quelques mois ? Elle ne voulait quand même pas dire que...
— Quelques mois avant...
— Avant d'arriver au bout des soins.
Joliment tourné ! Être plus direct aurait été sans aucun doute un peu trop brutal.
— Et c'est prévu pour quand dans mon cas ?
— 1 an, 1 an et demi tout au plus.
Je m'effondre complètement désespérée. Elle me laisse encore du temps et reste immobile. Elle risque de se changer en statue de pierre car il m'est impossible de m'arrêter.
C'est un vrai cauchemar ! Si quelqu'un pouvait me réveiller...
Je ne fume pas... ne bois presque pas. Juste occasionnellement. Ne me drogue pas... mange sainement et quand je trouve un peu de temps j'effectue quelques exercices. Bon ! C'est vrai ! Le sport, je l'avais laissé un peu tomber. Je n'en avais plus le courage depuis ces malaises et cette fatigue quasi permanente.
Je vais fêter mes 36 ans dans quelques mois ! 36 ans ! J'ai encore toute une vie devant moi. Tout à espérer, à envisager, à construire. Tellement de choses à découvrir. Voyager, partager, aimer, me marier, être mère. Rien n'avait de sens. Tout ne pouvait pas s'arrêter comme ça ! Si ?
Une fois mon souffle et mes esprits revenus, je reprends cet échange macabre.
— Et si j'étais venue plus tôt ? Dès le tout premier malaise ? Est-ce que...
— Nous ne connaissons pas l'évolution de votre tumeur. Venir plus tôt n'aurait sans doute rien changé. Vos symptômes pouvaient laisser à penser bien autre chose. Chaque patient atteint de cette tumeur vit les symptômes différemment. Les traitements vont être difficiles à appréhender mais notre service oncologie est absolument remarquable. Vous allez bénéficier d'un accompagnement qui se veut proche de nos malades... sans vouloir me vanter, dit-elle suivit d'un clin d'œil.
Non mais je rêve !
Hey cocotte ! Tu n'es pas en train de vendre un package pour un séjour de rêve d'une semaine aux Bahamas, dans un hôtel somptueux avec piscine, jacuzzi à vingt mètres de la plage !
— Avez-vous prévenu votre famille ? Vos amis ? J'ai pu voir sur votre dossier que vous étiez célibataire.
— Non. Je n'ai prévenu personne. Effectivement je n'ai pas de compagnon. Et je m'en félicite vu les circonstances.
Elle s'enfonce dans son siège, contrariée. Encore une qui s'imagine que j'allais me ramener avec une armée. C'est une obsession chez eux !
— Ils savent au moins que vous aviez des examens à passer ? m'interroge-t-elle en croisant les bras.
Mon esprit me ramène à mes huit ans, où, honteuse, j'annonçais à mon institutrice que j'avais oublié mon livre de mathématiques.
Je regarde vers la fenêtre et secoue la tête doucement.
— Madame Valet. Que les choses soient bien claires entre nous. Il est impératif que vous soyez épaulée pendant votre traitement. Je suis convaincue que l'entourage tient un rôle déterminant auprès de nos malades.
— Et vous pensez que j'obtiendrai un sursis de dix ans ou encore mieux de vingt ans grâce à ça ? je m'insurge.
Une bombe de lâchée. Même moi je ne l'avais pas vu venir.
J'essaie de m'excuser mais les mots ne sortent pas. J'arrive tout juste à la regarder dans les yeux en espérant qu'elle puisse y lire un malheureux pardon.
— Je peux comprendre votre réaction... Cependant, pouvez-vous au moins y réfléchir ? Nous avons tous besoin de quelqu'un à qui se raccrocher quand c'est nécessaire.
— Mais aussi choisir de ne faire souffrir personne.
Elle grimace, visiblement ennuyée.
— Nous reparlerons de cet aspect.
Elle pose sa main sur ma jambe et se lève.
— Vous allez pouvoir rentrer chez vous demain. Votre cicatrice ne présente aucune infection. L'infirmière vous donnera tous les détails pour votre protocole de soin qui commencera dans moins d'une semaine. Le temps de vous laisser vous remettre tranquillement de l'intervention et reprendre des forces. En attendant, je vous laisse mes coordonnées. Je suis joignable à n'importe quelle heure. Abusez-en sans retenue.
Elle s'éloigne de mon lit et s'arrête près de la porte.
— Et n'oubliez pas de réfléchir à ce que je vous ai dit à propos de l'importance de mettre votre entourage rapidement au courant.
Elle me fait un discret petit signe de la main avant de disparaître.
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Une année...le reste d'une vie
ChickLitKristelle voit son monde s'écrouler. Sans son autorisation, une tumeur s'est infiltrée dans son cerveau. Le verdict est sans appel. Il ne lui reste qu'une année à vivre. Sa première intention face à ce cataclysme est de ne rien divulguer à son ento...