Chapitre 17

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      Vic arrive comme prévu, les bras chargés de cadeaux. De spécialités bordelaises aux jeux de société, mais surtout sa bonne humeur et son grain de folie. Ma meilleure amie, mon binôme est là. Un volcan pouvait bien entrer en éruption, un tsunami tout dévasté, je m'en contrefichais. Elle est magnifique dans sa robe gitane et ses cheveux de feu relevés en chignon. Tout le monde l'accueille avec entrain. Vic est particulièrement appréciée dans ma famille. Sa personnalité solaire en est pour beaucoup. Malgré l'effusion de joie que provoque Vic, mon attention est attirée par autre chose. L'attitude inhabituelle d'un membre de mon clan me laisse perplexe. En retrait, la tête basse, les mains dans les poches... J'ai même l'impression que ses cordes vocales font un piquet de grève car pendant de longues, très longues minutes, pas un mot ne sort de sa bouche. Fait rare chez Marc.

Nous passons le reste de la journée à profiter de ce que nous offre la villa entre baignades, détente sur les transats, parties de volley, pétanque. Nous avions, tous, décidé de nous accorder une journée de repos et d'explorer les environs dès demain.

Anna m'inquiète. Elle s'isole toujours, les écouteurs vissés dans les oreilles. Parfois, elle s'éloigne, sans doute pour téléphoner à son petit ami. Les jumeaux ont fait plusieurs tentatives pour l'intégrer. Elle reste indifférente. Louis ne l'approche pas. Parfois, je le surprends la regarder. Sa timidité semble le bloquer. Il faut dire que ma nièce n'y met pas du sien non plus. Je ne serais pas étonnée qu'elle dorme encore avec moi cette nuit. En même temps, je ne vais pas m'en plaindre. Ces moments privilégiés me permettent de profiter d'elle, sans éveiller les soupçons.

Ma belle-sœur, installée près de moi depuis une vingtaine de minutes, ne tourne plus les pages de son livre. Elle aussi, contemple tristement sa fille. Je me penche vers elle.

— Moi aussi elle me fait de la peine.

— Hein ? Quoi ?

— Je vois bien comment tu regardes Anna.

Elle me dévisage, pique un fard.

— Ah ! Ça ? Non mais tu sais les ados...

Pourquoi ai-je l'impression qu'un malaise installe ? Elle se lève comme si elle avait le feu aux fesses.

— J'ai une de ces soifs moi ! Tu veux que je te ramène quelque chose ?

J'acquiesce d'un mouvement de la tête et la voilà qui disparaît comme un gâteau au milieu d'affamés. Je la suis du regard avec un mélange de surprise et d'étonnement. C'était quoi ça ? Tout à coup, Hercule Poirot prend possession de mon corps. Il y a quelque chose à gratter là-dessous.

Sidonie prend la place de Julie dans le transat. Elle aussi a un air tristounet. Je ne la connais pas beaucoup. Tout ce que je sais, c'est que mon oncle en est totalement amoureux. L'attention et les multiples gestes tendres qu'il a à son égard ne trompent pas. Je n'ai eu que quelques occasions d'échanger avec elle durant ces trois dernières années. De simples banalités. Je pense qu'inconsciemment je me suis rangée de l'avis de ma mère. Tout moi ça ! Ne jamais approfondir... laisser couler les choses. J'ai toujours été discrète et peu curieuse avec mon entourage. Du coup, je suis pleine de remords. La pauvre femme ! Elle ne mérite pas ça. La nouvelle Kris va y remédier et dès à présent.

— Ça va Sidonie ?

Elle tord la bouche, me faisant comprendre que quelque chose la contrariait.

— Je peux faire quelque chose ?

Elle me regarde avec un petit sourire et me dit dans un souffle.

— Comment comprendre ta mère et m'en faire une alliée... ça, ça m'aiderait.

Je la sens complètement désespérée et là, sincèrement, je ne vois pas quoi lui dire. Elle continue.

— J'ai tout essayé. Vraiment tout. La gentillesse, l'écoute, la générosité, la compassion... tout ! Ton oncle me supplie d'être patiente mais je ne suis pas d'accord. Pas que je veuille forcer les choses... mais plus il passera du temps et plus ça sera difficile. À l'instant, je lui ai proposé de l'aider pour le repas du soir. Elle a prétexté n'avoir besoin que de Julie.

Elle arrête soudain et me dévisage.

— Mon Dieu ! Je viens de réaliser que je te mets dans une situation extrêmement embarrassante. Excuse-moi.

— Non ne t'inquiète pas.

— Je n'aurais peut-être pas dû venir.

— Bien sûr que si ! Écoute... Nous avons trois semaines pour que les choses changent et j'ai quelques petites idées.

Son visage s'illumine. J'ai intérêt d'assurer.

Quand arrive la fin dela journée, nous décidons tous d'une activité pour le lendemain. À l'unanimité,nous choisissons une balade en montagne. Marc et Vic sont complètement emballéset proposent de se rendre à l'office du tourisme dès la première heure. Ilspourront ainsi récupérer des itinéraires de parcours banalisés. J'angoisse unpeu car je ne suis pas sûre de pouvoir suivre la cadence. Mes oncles et mesparents nous proposent de partir entre jeunes. Ils garderont le bébé. Je lesenvierais presque. Cependant, la soif d'aventure prend le dessus. Je veux vivrechaque seconde de ces vacances, ce qui implique de prendre des risques. Je faisles gros yeux à la "grosse Bertha" pour qu'elle me laisse champlibre et que je savoure cette excursion. Nous décidons donc de nous coucher tôtce soir pour être au mieux de notre forme pour demain. Je ne me fais pas prieret m'autorise un petit somnifère pour mettre toutes les chances de mon côté.


Une année...le reste d'une vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant