Le Souffle du loup

Chapitre 20 - Partie 2

Dans un geste désespéré, Sanna lui balança le pistolet dans la tête. L'arme heurta de plein fouet le nez que notre adversaire avait visiblement sensible puisqu'il y porta une main en grognant. L'attaque suivante fila vers nous mais fut avortée par la morsure de Blake à la cheville de la bête. Ma coéquipière profita de la diversion pour attraper un tronc massif qu'aucun humain n'aurait pu soulever et frapper le monstre avec. La dernière offensive fut de trop. La créature balaya ses deux assaillantes d'un ample mouvement du bras, envoyant Blake au pied d'un arbre et Sanna en plein sur moi. Nous reculâmes d'un même mouvement quand le prédateur s'approcha. Sanna me tira en arrière afin de nous éloigner plus vite lorsque nous butâmes contre un affleurement.

Nous n'avions plus d'échappatoire. J'en oubliai le sang poisseux qui réchauffait mon dos : ne resta que la terrifiante vision d'une gueule percée de dents acérées.

Soudain résonna un sifflement, dont les échos se perdirent dans les arbres. Le wendigo se redressa tout en pivotant vers la source du bruit. Je vis une ombre sauter sur lui. Il y eut une détonation, puis le monstre bascula en arrière quand Shane le percuta à la tête. La masse s'écroula sur le sol, et l'héritier s'y réceptionna en une roulade avant de se redresser dans la foulée. Une seule balle dans l'œil avait suffi à terrasser le géant.

Hébété, j'observai le rocher en haut de l'affleurement, à plus de dix mètres du sol, où Shane avait pris son élan et où se tenait encore Elizabeth. Un autre que lui se serait tué, et ça aurait été son cas s'il n'avait pas amorti sa chute grâce au corps du croque-mitaine.

Ce type n'était définitivement pas humain !

Je ne m'en plaignais pas, grâce à ça j'étais toujours en vie, ainsi que Sanna et...

Merde, Blake !

Je me redressai malgré la souffrance qui me brûlait le dos pour retrouver ma sœur. Elle reprenait ses esprits avec peine. Warren nous rejoignit afin de l'ausculter. Puisque tout allait bien chez elle, il se focalisa sur mes blessures ; l'entendre jurer n'annonçait rien de bon.

— Boss, faut qu'on rentre, je dois suturer.

Shane n'esquissa aucun mouvement. Il fixait Sanna, alors tout le monde fit de même. Mal à l'aise, elle baissa la tête en se dirigeant dans ma direction. Elle posa un genou à terre.

— Je vais te porter.

Je me laissai faire lorsqu'elle me mit en travers de ses épaules de sorte à me tenir d'une main par le bras et de l'autre par la jambe. Cette technique héritée des Navy SEALs nous permettait à chacun, femme y compris, de pouvoir porter n'importe lequel de nos coéquipiers tant qu'il était conscient. Et je devais avouer que la position était étrange et moralement désagréable ; à de très rares exceptions, personne n'aimait être porté, qu'on ait l'usage de ses jambes ou non. Je ravalai donc ma fierté car de toute façon, regagner le refuge seul m'aurait été impossible.

Dès que Sanna fut prête, Shane ordonna le départ, et je vis avec soulagement Sitjaq marcher à côté de Blake dont le pas hésitant trahissait sa faiblesse. Elle gardait la tête basse et ne dut même pas remarquer l'écart qui se creusa entre nous. Charlie resta en arrière avec Sitjaq afin de surveiller les alentours. Toujours être deux, c'était la règle de base chez les Stratton. Elle nous avait sauvé la vie plus d'une fois.

Nous regagnâmes la cabane, groggys, trempés, et affamés. Je fus laissé dans le dortoir des hommes aux bons soins de Warren tandis que tous mes coéquipiers allèrent se changer et manger un bout. Je les imaginais en train de se détendre sous une bonne douche chaude pendant que, allongé sur le ventre, je serrais poings et mâchoires chaque fois que l'aiguille transperçait ma peau, car mon dos n'était plus du tout anesthésié par la douleur. J'aurais aimé être un homme, un vrai, un dur qui ne sourcille même pas, mais il fallait être honnête : ça faisait super mal.