Chapitre 24

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Kieran

Je ne pouvais m'empêcher de secouer la jambe tant j'étais stressé. Assis à côté de Sitjaq sur des chaises près du bureau de Shane, j'attendais avec appréhension l'heure de passer à la casserole. Je ne m'étais jamais fait virer, et je détestais cette idée. J'avais beau savoir que mon travail n'en était pas la cause, ça ne changeait rien au sentiment d'échec et de rejet.

J'essuyai mes mains moites sur mon pantalon quand la porte du bureau s'ouvrit. Sitjaq et moi nous levâmes par réflexe, tendus comme jamais, avant de voir Elizabeth apparaître par l'embrasure. Elle nous invita à entrer tous les deux, ce que je trouvai étrange. Un regard à mon compagnon me confirma son scepticisme. Nous ne fîmes aucun commentaire et entrâmes. Nous prîmes chacun un siège face à l'héritier à la mine lasse.

— Vous avez des nouvelles de Sanna ? ne pus-je m'empêcher de demander.

— Un Surnaturel a déjà accepté de lui donner son âme. Elle peut à nouveau parler. La directrice de la clinique pense que ça ira relativement vite.

— Qu'est-ce qui va lui arriver, après ?

Shane s'adossa au dossier de son fauteuil en soupirant. Il était fatigué. Elizabeth posa une main sur son épaule, et ce simple geste lui permit de reprendre un peu de courage. Il s'accouda au bureau.

— D'après ce que vous m'avez dit, l'Esprit-déesse Sedna veut qu'elle protège ses sœurs. J'aimerais l'y aider, et j'aurais besoin de vous deux.

— Moi aussi ? m'étonnai-je en me pointant du doigt.

— Oui. D'abord, je vais commencer par Kuptana.

— Je suis viré aussi ?

Shane tendit la main devant lui pour lui intimer le silence.

— Laissez-moi parler, s'il vous plaît. Ce qui est arrivé ces derniers jours a mis en lumière un manque cruel d'informations précises sur les créatures de l'Arctique et leurs pouvoirs. On a besoin d'un agent pour compiler les légendes et différencier l'imaginaire du réel. Est-ce que tu t'en sentirais capable, Kuptana ? Ça impliquerait un déménagement dans le Nunavut, à Qamani'tuaq précisément.

— Pourquoi là exactement ?

— C'est la ville avec un poste de la gendarmerie royale du Canada la plus proche de l'endroit où ont été assassinées les deux femmes dont nous a parlé Sanna.

— Vous les avez retrouvées ? intervins-je.

— Ça n'a pas été dur, mais pour l'instant on parle de Kuptana. Alors, partant ?

Ni son hésitation ni son regard pour moi n'échappèrent à l'héritier. C'était loin, le Nunavut, et il y avait relativement peu de chance que je trouve un emploi dans le même village que Sitjaq. S'il acceptait, notre relation n'y résisterait pas. Il le savait, raison pour laquelle il mettait autant de temps à répondre.

— Je te laisse réfléchir un peu, reprit Shane. Kieran, tu es viré.

J'avais beau m'y être préparé, me l'annoncer comme ça me laissa hébété.

— C'était brutal, commenta Elizabeth à l'attention de son époux.

— C'est parce que j'ai très envie d'enchaîner, répliqua Shane. On ne peut pas te garder au sein des Stratton, par contre, le responsable du poste de gendarmerie de Qamani'tuaq va gentiment se faire foutre dehors pour avoir fermé les yeux sur le meurtre des deux femmes. Tu étais dans la police canadienne à l'origine, pas vrai ?

— Vous voulez que je prenne la direction du poste ? compris-je, sidéré. Vous pouvez faire ça ?

— Tu n'as pas idée de tout ce que je peux faire. Si vous acceptez tous les deux, ça vous fera déménager au même endroit, dans le logement de fonction destiné à Kuptana.

Le Souffle du loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant