Le Souffle du loup

Chapitre 23 - Partie 2

Kieran

Le lendemain, nous reçûmes un appel de Shane confirmant la prise en charge de Sanna par le groupe Nemeton. Le boss fixa une réunion de débriefing pour le surlendemain. Autrement dit, il nous laissait un jour de repos à notre arrivée prévue le lendemain.

Le voyage de retour nous parut long à cause de la fatigue accumulée ces derniers temps, notamment par le stress engendré depuis le premier appel d'Amarok. La nécessité nous avait fait avancer, mais aujourd'hui, puisque tout était terminé, la pression retombait, laissant une sensation de vide abyssal nous envahir.

Aucun sentiment négatif qu'une journée avec Sitjaq ne pourrait effacer.

Lorsque nous arrivâmes à Seattle et que nous déposâmes les véhicules au QG, aucun de nous ne traîna dans les locaux ; il était presque minuit. Sitjaq vint dormir à la maison puisque Blake ne voulait pas être seule.

Au moment de me coucher avec mon compagnon, je me passai à rebours le fil des événements dans ma tête afin de prendre pleinement conscience que tout était terminé. Vraiment tout, car je savais qu'après-demain, Shane me prendrait à part pour m'annoncer mon licenciement et qu'à peine sorti du bâtiment, il me faudrait trouver un autre travail. La seule chose qu'il me resterait de mon passage chez les Stratton serait Sitjaq, l'homme dans les bras duquel je me blottis ce soir avec plus d'empressement que jamais. Enveloppé dans la chaleur de sa présence, j'en oubliais tout ce qui m'inquiétait.

Sitjaq passa ses doigts dans mes cheveux.

— Peu importe ce qui arrivera ces jours-ci, je serai là, chuchota-t-il comme si mes pensées lui étaient apparues évidentes.

Je n'avais définitivement aucune défense quand il me disait ce genre de choses. Touché, je me redressai afin de pouvoir l'embrasser à pleine bouche.

On tambourina à la porte de ma chambre. Le vacarme nous réveilla en sursaut, Sitjaq et moi. Les rayons lumineux qui s'infiltraient entre les volets nous annoncèrent que le soleil était levé depuis un moment.

— Vous êtes décents ? cria Blake derrière le battant.

Après vérification et remise en place de la couverture, je confirmai. Le vantail livra passage à une Blake rayonnante tenant dans ses mains un plateau. Un petit déjeuner au lit ? C'était un grand oui ! Je m'installai donc comme il fallait, imité par mon compagnon, prêt à accueillir mon repas quand je vis ma petite sœur l'apporter à Sitjaq. Je devais faire une sacrée tête car celui-ci se moqua de moi.

— C'est quoi c'te lèche ? râlai-je.

— Les invités d'abord, t'as oublié ? me retourna-t-elle.

— C'est moi qui ai ramassé tes poils pendant cinq ans !

Elle me tira la langue tout en allant chercher un second plateau posé sur un meuble du couloir.

— C'est trop bien de pouvoir cuisiner soi-même ! s'enthousiasma-t-elle en le posant à cheval sur moi.

— Dis que je cuisine mal, tant que t'y es.

— Tu sais très bien ce que je veux dire.

Au-delà de l'odeur des œufs, du bacon et du pain grillé, ce fut l'odeur de mon gel douche qui me titilla les narines.

— Tu m'as piqué mes affaires ?

— Il n'y avait que ça, se défendit-elle. Puis j'avais besoin d'une douche après mon footing de ce matin. Ma remise en forme a commencé !

— Tu penses reprendre le hockey ? s'enquit Sitjaq.

— Ce sera difficile, mais rien ne m'empêche de faire du forcing pour rejoindre le staff. On va l'annoncer quand, mon retour ? Avec le briefing de Warren sur le trajet de retour, je suis prête !

— On devrait en parler à Shane avant son départ, proposa Sitjaq. Il a l'habitude de ce genre de situations.

— En parlant de ça, pourquoi il nous a aidés, Kieran, Sanna et moi ? Sa famille nous chasse depuis des siècles.

— Au début de leur histoire, les Stratton chassaient indifféremment tous les Surnaturels. Avec le temps et l'expérience, ils ont compris que trop empiéter sur un monde qui n'était pas le leur était dangereux, alors ils se sont contentés de ne chasser que les Surnaturels qui menaçaient directement les humains.

— Il y a une différence entre ne pas nous chasser et nous aider, notai-je entre deux bouchées.

— Je ne sais pas bien ce qu'il s'est passé, exactement. Depuis le décès du père de Shane fin deux mille douze, ça a commencé à changer quand Adam, l'aîné, a pris la place du patriarche. Et le changement a l'air encore plus marqué avec Shane.

— Le fait qu'il est ami avec des vampires ne pourrait pas faire partie de la cause ? émit Blake.

Sitjaq haussa les épaules en signe d'ignorance. Ce qui se passait dans le noyau dur de la famille Stratton n'en sortait pas.

— Qu'est-ce que vous savez sur Sorata et Eagle ? enchaîna-t-elle.

Cette fois, ce fut à moi d'avouer mon ignorance. Je n'avais pas accès, en tant que second, à assez d'informations, au contraire de mon chef d'équipe. Il ne put cependant rien nous dire à part qu'ils étaient français et travaillaient comme mercenaires depuis presque quinze ans.

À l'évocation de leur nationalité, Blake et moi échangeâmes un regard complice : peut-être tenions-nous là l'occasion de mettre notre lutin Rala dans un avion pour la France ! Comme pour confirmer l'idée, ma sœur nous abandonna pour aller faire un tour au bar de Teddy.

Finalement, tout rentrerait peut-être dans l'ordre pour tout le monde.

Quant à mon sort personnel, je le connaîtrai le lendemain.