Chapitre 21

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Kieran

Finalement, nous étions parvenus à trouver le sommeil en dépit des événements survenus au début de la nuit. Le réveil tôt le matin fut malgré tout compliqué. Mes blessures me lançaient à chaque mouvement et rendaient pénible le simple fait de m'adosser au fauteuil de la camionnette malgré la protection offerte par les bandages. La journée de voyage s'annonçait comme un calvaire.

Blake avait poussé son hurlement matinal et avait reçu une réponse provenant du nord-est. Toute la journée, elle guetta les indications. Chaque fois qu'elle en entendait une, nous nous arrêtions le temps que le second hurlement se fasse entendre, puis nous repartions dans la direction indiquée qui nous amena, dix heures plus tard, dans la réserve du parc national Nááts'ihch'oh, jusqu'à la vallée verdoyante de Tungsten, avec une piste d'atterrissage non loin. Si on avait su dès le début où aller, on aurait pu venir en avion, gagner beaucoup de temps et nous éviter pas mal de peine, mais rien n'était jamais aussi simple.

Arrivés en fin d'après-midi, nous avions assez de temps d'ici le coucher du soleil pour nous aventurer plus au sud dans la vallée. Le chemin se fit à pied puisqu'aucune route ne permettait l'avancée des véhicules. Les affaires de mon sac avaient été éparpillées dans ceux de mes coéquipiers afin de répartir le poids que je ne pouvais pas porter.

Nous marchâmes trois heures durant sur des sentiers forestiers étroits, dans les traces de Blake que je surveillais de près afin qu'elle ne me lâche pas comme la veille. Pour l'instant, elle semblait aller bien. Tout en évitant une branche à hauteur de visage, je songeais au fait qu'Amarok avait fait l'effort de quitter l'Arctique, sans doute pour avoir à attendre moins longtemps notre venue. Bonne idée de sa part, car en voiture le voyage aurait duré beaucoup plus longtemps que trois jours.

Le terrain difficile ne nous permit pas de parcourir autant de kilomètres que nous l'aurions voulu, aussi le coucher du soleil nous laissa à peine le temps de trouver un coin dégagé pour y passer la nuit sous la surveillance continue de sentinelles. Personne n'avait envie de se retrouver une nouvelle fois face à un wendigo ou à un ijiraq.

Un feu fut allumé pour chasser la froidure de la nuit. Ici, la température frôlait le zéro degré. Une nuit pénible s'annonçait malgré l'épaisseur de nos couches de vêtements. Nous partageâmes un repas frugal avant de disparaître sous nos tentes afin de rattraper nos heures de sommeil en retard. Au chaud dans les bras de Sitjaq, Blake couchée contre mon dos, je ne mis pas longtemps à m'endormir.


Un hurlement épais nous réveilla. Je vis Blake se redresser d'un coup, attentive au message d'Amarok que je ne parvins pas à comprendre. La perte de ma nature animale ne devait pas être loin d'être totale. Ma sœur sortit de la tente, Sitjaq et moi la suivîmes. Il faisait encore nuit et toujours aussi froid. Lucie, de garde près du feu, se leva en nous apercevant.

— Qu'est-ce qui se passe ?

— T'as pas entendu ? m'étonnai-je.

— Non.

Je me tournai vers Sitjaq.

— Et toi ?

— C'était Amarok.

— Pourquoi je n'ai rien entendu ? demanda Lucie.

Sanna nous rejoignit à cet instant, le visage plus que jamais marqué par l'appréhension car elle savait comme nous que le moment était venu d'affronter l'Esprit-dieu.

Lucie nous ordonna de ne pas bouger le temps d'aller réveiller Shane. Elle revint avec lui, alors nous lui expliquâmes qu'Amarok semblait n'inviter que certains d'entre nous à le rejoindre. Shane pivota vers la tente de Kangee quand celui-ci en sortit. Lui aussi était convié.

Le Souffle du loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant