Sensitive Love V : Remontée

34. Lien Eternel

ALISON

Je lui ai tout dit. Absolument tout. Tout ce qu'il y avait à savoir sur moi, sur ma vie, mes secrets. Tout. Je n'ai pas essayé de cacher quoi que ce soit, allant même à lui raconter mon « mariage » avec Takeshi. Et pendant que je lui expliquais ma vie, il s'est contenté de m'écouter. Il n'a rien dit, aucune expression sur son visage. Il est resté de marbre, ce qui m'a permis d'aller jusqu'au bout.

Je ne me suis pas retenue. J'ai effacé ma peur et y suis allée tête baissée. J'avais besoin de ça. J'avais besoin d'être honnête avec lui. S'il y a une personne sur Terre avec qui j'ai besoin de cette sincérité, c'est lui. Parce qu'il est la seule personne à qui j'ai véritablement envie de raconter mon histoire, la seule qui pourrait comprendre.

Je ne lui déballe pas en espérant qu'il m'accepte ni même qu'il veuille que nous continuions à nous voir malgré tout. Je lui avoue tout ça parce que je veux qu'il sache. Je veux l'éloigner de mes secrets et me mettre à nu auprès de lui. Je veux qu'il voie celle que j'étais, celle que je suis et celle que je pourrais être.

Je veux qu'il me voie moi. Et personne d'autre.

Je finis par lui raconter ma dernière chute, celle que je n'ai pas pu supporter. Mon overdose a été l'élément déclencheur. Avec toute la cocaïne et les médocs que j'ai ingurgités, les docteurs ont eu du mal à croire que j'aie pu m'en sortir. Ils avaient peu espoir lorsque Takeshi m'a amenée.

Mon cas, loin d'être le pire qu'ils aient vu, étaient loin d'être le meilleur non plus. Je ne me souviens pas exactement ce qui s'est passé dans ma tête ce jour-là. Je me souviens avoir appelé Takeshi. J'avais peur, c'est vrai. Plus qu'une simple crainte, c'était une terreur qui a fait vibrer chacun de mes organes. J'étais incapable de respirer. Incapable de bouger. Incapable d'effectuer le moindre son.

Ce dont je me rappelle, ce sont ces quelques dernières secondes avant d'être engloutie. Ce moment-là était brutal. Je n'ai pas vu ma vie défiler. Je n'ai pas vu de lumière, ni même de noirceur. Je n'ai rien vu. Du vide. Du néant. Je me suis confrontée à cette absence totale qui me coulait peu à peu.

C'est lors de ces dernières secondes que la panique m'a vraiment prise. J'avais déjà peur, mais à cet instant-là, j'étais sous le choc. J'étais effrayée, terrifiée, terrorisée à un point que je n'aurais jamais pu imaginer. J'ignore où je serais allée si mon corps avait succombé. Je ne sais même pas si j'aurais même été quelque part. Je n'avais jamais vraiment estimé ma vie jusqu'à cet instant bien précis.

Pour moi, tout n'était qu'un jeu. Je me droguais pour aller mieux, pour m'en sortir, pour juste m'amuser. Et je pensais avoir le contrôle. Je pensais que j'étais capable de tout gérer. Jusqu'à la dernière seconde, j'en étais persuadée.

Ce n'est que sur le lit d'hôpital que la réalisation m'a touché. C'est là que, pour la toute première fois, je prenais conscience de mon être. Me retrouver là-bas, ça a été mon signal d'alarme. C'est à partir du moment où j'ai ouvert les yeux que j'ai commencé à tout remettre en question : je suis en vie, c'est vrai, mais combien de fois je vais devoir me détruire pour le réaliser ?

La douleur et la tristesse m'ont brouillé la vision. Depuis la mort de mes parents, plus rien ne va. Et je n'aurais pas dû laisser mes propres sentiments s'alourdir en moi. Je n'aurais pas dû tout vouloir garder en moi au point de ne plus pouvoir le contenir. J'aurais dû demander de l'aide lorsque j'en avais l'occasion, juste en parler avec quelqu'un.

Si je ne m'étais pas renfermée, tout aurait pu être différent. Tellement aurait pu l'être. J'aurais pu remonter la pente au lieu de m'enfoncer davantage. J'aurais pu regagner le bonheur, au lieu de chercher dans le malheur. J'aurais pu trouver la paix, au lieu de me morfondre dans la douleur. Si j'avais fait tout ça, si j'avais été moins lâche, si j'avais trouvé un moyen d'y parvenir.