38. Aller de l'Avant

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ALISON

Aaron a dû rentrer il y a trois jours et tout ce que je sens en ce moment, c'est son absence. Je savais que la distance entre nous serait dure après les changements entre nous et le peu de temps que nous avions, mais je n'imaginais pas que ça atteindrait ce niveau-là – celui de torture.

En l'amenant à l'aéroport, je n'ai pas arrêté d'essayer de trouver une façon de le faire rester, mais bien sûr qu'il n'allait pas le faire. Pas quand son avenir est son jeu. L'idée de me rendre là-bas m'est passé par la tête, mais je me suis rétractée en réalisant que ce ne serait pas une bonne idée.

Je ne veux pas précipiter les choses entre nous et être cette fille un peu trop collante qui le suit partout. On a besoin d'une discussion, lui et moi, afin de déterminer ce que nous ferons à l'avenir. Parce qu'il y a forcément un avenir pour nous et je veux seulement que nous soyons sur la même longueur d'onde. Aaron est encore bloqué là-bas une année et moi, je dois encore réfléchir à un plan d'avenir.

Il y a tellement de choses auxquelles penser, mais je n'ai pas la tête à ça pour le moment.

Aujourd'hui, j'ai autre chose en tête. C'est quelque chose qui me trotte depuis pas mal de temps, pour être honnête, et j'ai dû réfléchir à cette idée un nombre incalculable de fois avant de trouver la bonne façon de faire.

Depuis que je suis sobre, j'ai besoin de m'occuper d'une affaire encore plus importante dans ma vie, une qui me suit depuis des années et qui est à l'origine de tellement de mauvaises décisions. J'ai réalisé que je n'avais jamais eu de fin à tout ça et que je laisse la situation s'évaporer dans le passé quand je devrais plutôt l'affronter – ce n'est jamais bon pour moi de laisser quoi que ce soit dans le passé.

Mes retrouvailles avec Ruby, celles avec Aaron et Aria m'ont laissé penser qu'il y a deux personnes à qui je ne me suis pas encore adressé depuis que je vais mieux. Et, à y repenser, j'aurais sûrement dû commencer par eux. Dès le début, j'aurais dû aller les voir eux et trouver du soutien chez eux. Et même si mon séjour en Argentine a ravivé des souvenirs, ce n'est rien comparé à ce qu'ils étaient.

Je tapote mon index sur mon casque, observant le cimetière d'un œil attentif, vérifiant les différents allers et venues. Peu de gens sont là le weekend et c'est ce qui me convient le mieux. Je n'ai pas besoin d'être dérangée, particulièrement aujourd'hui.

Néanmoins, j'hésite encore. Je me demande si c'est une bonne idée. Je me demande si je suis capable d'être là. Je n'ai jamais pu assister à leur enterrement : je n'en ai jamais eu la force. Peut-être que si je l'avais, je me sentirais un peu mieux. Peut-être que ça aurait été plus facile pour moi d'accepter ce qui leur est arrivé. Peu importe ce qui en aurait été, ce que je sais surtout, c'est que je dois venir ici.

Prenant une grande inspiration, je descends alors de ma moto, range mon casque et, parée de mon courage, j'avance vers l'endroit reculé. Je n'ai aucune idée d'où se situent leurs tombes ni même ce à quoi elle ressemble. M'aventurant au milieu de toute cette mort, je parcours ainsi les différentes allées, prenant le temps de lire chaque nom et chaque épitaphe à la recherche des leurs.

C'est au bout de vingt minutes que je les vois enfin.

« En mémoire de Delia Guinevere Field, une épouse et une mère chérie dont la gentillesse et la grâce ont touché d'innombrables vies. Elle restera à jamais dans nos cœurs, nous guidant avec son esprit doux. »

« En souvenir de Nemesio Luis Field, un mari et un père dévoué dont la force et la sagesse continuent de nous inspirer. Son héritage d'amour et de rire se perpétue dans les souvenirs qui nous sont chers. »

Sensitive Love V : RemontéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant