Chapitre 6 : Le Corbeau

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Quand Rozenn était retournée à la maison, elle avait foncé dans sa chambre et avait ignoré les appels de sa mère. Depuis, allongée sur le lit, elle fixait le plafond comme si celui-ci allait régler tous ses problèmes. L'esprit confus, même l'un des livres entassés dans la pièce n'aurait pu la sortir de cet état.

Son père était un sorcier. Ils existaient donc, les Démarqueurs avaient raison. Et si les serviteurs du Diable habitaient cette terre, par extension, la magie aussi... 

Elle frissonna : quoi d'autre encore ? 

Elle se releva machinalement, son corps ne lui appartenait plus vraiment. Une fois devant la bassine d'eau qu'elle utilisait pour la toilette, elle s’aspergea le visage. La fraîcheur devait la réveiller, il le fallait.

Mais après plusieurs tentatives, elle était encore là, fixant son reflet. Et si au lieu de se réveiller, elle voyait toujours ses cheveux bruns négligés et son bec d'aigle, cela ne voulait dire qu'une seule chose : tout était réel, son père était vraiment un sorcier.

Elle toucha du bout des doigts la marque qu'elle avait sur la hanche gauche. Brune, dans une forme ovale presque parfaite, c'était ce type de marque que recherchaient les Démarqueurs ? Mais alors… Était-elle aussi une sorcière ? 

Rozenn rejeta ses mèches ruisselantes en arrière, puis elle secoua la tête. Ce qu'elle avait vu était en train de la rendre folle. Littéralement.

Après toutes ces années dans l'ignorance, voilà qu'elle connaissait enfin la vérité. Mais elle ne savait même pas quoi en penser. Elle ressentait tellement d'émotions contradictoires…

Ils ne lui en avaient rien dit, ils l'avaient écarté de ce secret. Ne faisait-elle donc pas partie de cette famille ? C'est vrai, tout le monde avait été au courant à part elle ! Ou bien alors, peut-être ne lui faisaient-il pas confiance ? 

Elle s'asseya sur le lit et prit sa tête entre les mains. En même temps, comment auraient-ils pu ? Sa première réaction avait été l'horreur. 

Alors que, peu importe ce qu'il était, son père restait son père. Cette découverte ne changeait rien au final. À moins que les Démarqueurs aient raison sur son compte… Mais allait-elle vraiment croire des inconnus à la place de son père ? Un homme qui, à chaque fois qu'une de ses bêtes mourait, lâchait quelques larmes en son honneur…

Rozenn se sentit soudain honteuse. Pas étonnant qu'ils ne l'aient pas mise dans la confidence quand on voyait comment elle avait réagi… Et après, elle s'attendait à ce qu'ils lui fassent confiance ? Ridicule. Elle ne la méritait pas.

~¤~

— Rozenn !

La voix de son père. Elle ne put s'empêcher de frémir malgré elle. Le moment était venu. 

Elle se leva et, pas après pas, se rapprocha de cette confrontation pour le moins inévitable. Mais cette fois, une nouvelle résolution s'était implantée dans l'esprit de la jeune fille : elle ne les décevrait pas. Certes, elle avait mal réagi au départ, mais tout ça, c'était fini. Elle allait se montrer digne de ce secret et ainsi, il lui accorderait leur confiance à l'avenir.

Rendue en bas, ils n'attendaient plus qu'elle pour commencer à dîner. La cheminée venait d'être allumée et les braises crépitaient dans l'âtre. La petite table où on pouvait à peine y poser deux assiettes avait pour une fois été dressée avec un vieux drap blanc qu'on avait disposé dessus et une bougie, placée au centre, éclairait la pièce.

Elle s'avança et déclara sans perdre de temps :

— Je sais ce que tu vas me dire, papa.

Il arqua les sourcils, étonné.

[T.1] Les Sentinelles de l'Ombre : L'Ascension De La Sorcière Où les histoires vivent. Découvrez maintenant