Chapitre 4 : L'église du Père Philippe

24 6 2
                                    

Où pouvaient-ils bien être ? se demanda-t-elle une fois hors de l’église. Il régnait un tel brouhaha dans la foule qui sortait, pas facile de se repérer dans ces conditions... Elle se détacha alors de l'attroupement et les trouva en pleine conversation avec leurs amis respectifs. Elle leur adressa un signe de la main, mais ceux-ci, trop occupés à papoter, ne la remarquèrent pas.

Rozenn souffla d'exaspération. À ce rythme-là, ils ne seraient pas rentrer avant midi… 

Les pires étaient les amies de sa mère : commères comme elles étaient, elles ne s'arrêtaient pas avant d'avoir raconté TOUS les potins du village. Dans ces moments-là, leurs petites langues de vipère sortaient et elles critiquaient tous ceux qui n’allaient pas dans leur sens. 

Plus désolant encore : sa mère les imitait ! Si bien que parfois, quand elle l'écoutait parler avec ces mégères, elle ne la reconnaissait même plus !

Elle se mit donc à la recherche de Pierre et de Justine. Il était hors de question qu’elle reste toute seule.  Surtout pas avec Évangéline dans les parages… 

Après quelques secondes à se fondre dans la masse en quête d'un visage familier, elle retrouva - sans grande surprise - son grand frère en pleine conversation avec le Père Philippe :

— J'ai adoré votre discours, mon père. Il était plein de sagesse et tellement pertinent ! Si le monde avait davantage d'hommes de votre stature, le monde ne s'en porterait que mieux…

Des éloges. Encore et toujours des éloges... Il était effarant de voir à quel point l'éloquence du Père Philippe faisait dire n'importe quoi à son frère. Certes, il avait le droit de l'admirer pour ses capacités oratoires, mais de là à complimenter le fond… 

Elle se plaça silencieusement à ses côtés et essaya de se faire toute petite.

— Merci beaucoup, mon fils. Mais je ne fais que mon devoir, déclara-t-il d'une voix un peu trop perchée pour paraître authentique. 

Soudain, le regard du prêtre trouva celui de la jeune fille. Ses yeux sombres la jaugèrent de haut en bas. Dévisagée ainsi, elle avait le sentiment d'être une malfrat dont le seul avenir serait de se retrouver sur l'échafaud…

Il fallait dire que, contrairement à Pierre, elle ne lui avait jamais vraiment fait bonne impression. La plupart du temps, c'était en traînant les pieds qu'elle allait à l'église. Et malgré les efforts de la jeune fille pour cacher son ennui, il l'avait plusieurs fois surprise en train d'étouffer un bâillement alors qu'il faisait son sermon…

— Et toi, Rozenn, lança-t-il. Comment vas-tu ?

Et c'était réparti pour le faux intérêt qu'il lui manifestait pour paraître plus compatissant et miséricordieux auprès des cas qu'il considérait comme désespérés... Car oui, l'opinion qu'il avait de Rozenn était déjà faite : cette fille, celle qui mentait par jalousie sur un certain fils de noble, n'avait aucun avenir. C'est vrai, elle ne s'intéressait pas à ce qu'il disait et pire, elle ne le mettait pas sur un piédestal ! Comment pourrait-elle avoir un avenir dans ces conditions ? Elle allait forcément mal tourner.

— Bien, merci monsieur.

Il se racla la gorge, gêné qu'elle ne soit pas plus loquace et se tourna de nouveau vers Pierre.

— En tout cas, je te remercie pour ton enthousiasme. Cela fait plaisir de voir qu'il reste encore de jeunes hommes fidèles et dévoués comme toi. C'est pourquoi, je pense que tu pourrais te rapprocher des Démarqueurs à leur arrivée afin de les aider dans leurs démarches.

Rozenn écarquilla les yeux, horrifiée. Il n'allait quand même pas accepter ?

— Oh merci, cela me touche mais je ne me sens pas capable d'avoir autant de responsabilités…

[T.1] Les Sentinelles de l'Ombre : L'Ascension De La Sorcière Où les histoires vivent. Découvrez maintenant