Chapitre 31 : Le plan

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Une fois loin de ce troll de malheur, Rozenn et Egon soufflèrent un peu. Cependant, leur état faisait peine à voir : Rozenn saignait de la joue et Egon avait la cheville tordue. Sans parler des feuilles et de la terre accrochées à leurs vêtements... Mais, pour l'essentiel, ils tenaient encore debout.

— Comment tu savais pour l'arbre ? s'enquit-elle en sautant par-dessus un ruisseau. 

Comme s'il n'avait pas envie d'élever la voix plus que nécessaire, il attendit de la rejoindre avant de répondre : 

— Luc me les avait montrés dans la forêt de Huelgoat. Notre père nous y avait laissé une semaine entière, alors il a eu le temps de m'apprendre deux ou trois choses...

Rozenn secoua la tête, puis elle frotta sa paupière qui la démangeait, incrédule : elle avait beau être loin de la créature, son esprit se repassait l'épisode en boucle. Le troll avait été à deux doigts de l'avoir. Elle le savait, et elle en frissonnait encore... 

— Je n'arrive pas à croire qu'on soit encore en vie..., lâcha-t-elle, les lèvres sèches. Si tu n'avais pas été là... 

Comment avait-elle pu se rapprocher autant de la mort en si peu de temps ? Ils marchaient et... Et le monstre était arrivé sans prévenir. Elle jeta un coup d'œil à Egon et, quand elle le vit boiter, elle s'en voulut aussitôt : si seulement, au lieu de risquer la vie de son ami en plus de la sienne, elle avait réfléchi avant de se lancer dans une chasse à l'homme... Mais non, il avait fallu qu'elle n'en fasse qu'à sa tête et qu'elle décide tout dans la précipitation...

— Je suis désolée, le coupa-t-elle alors qu'il ouvrait la bouche. Je t'ai embarqué là-dedans alors que tu n'avais rien demandé... 

Il balaya ses propos d'un geste. 

— Ce n'est rien. 

— Bien sûr que si ! C'est risqué, dangereux... Mon plan est faillible ! Il y a trop d'incertitudes. Je ne suis même pas sûre que les Défenseurs viennent nous chercher... Et... Et tu mets ta vie en danger. J'ai aggravé les choses en t'emmenant avec moi...

S'il ne s'agissait que de sa vie, elle aurait pu le supporter. Mais non, elle n'était pas la seule à tout risquer. Egon était là. 

Elle releva la tête vers lui alors qu'il la prenait par les épaules pour ancrer son regard dans le sien avec intensité. Si bien qu'elle eut un léger mouvement de recul. Cela ne lui ressemblait tellement pas... 

— J'ai choisi de te suivre parce que je pense que ce que l'on fait est juste, affirma-t-il. C'est peut-être risqué et irresponsable de notre part, mais nous faisons cela pour eux, et il n'y a rien de répréhensible là-dedans. 

— Mais peut-être que je me suis trompée et qu'ils ne sont pas là... Si c'est le cas, j'aurais fait perdre du temps aux Défenseurs ! 

— Je comprends tes doutes. Mais rappelle-toi pourquoi nous nous sommes lancés là-dedans. Nous le faisons pour les jumeaux, et pour les autres. Car personne n'a été capable de les protéger... Mais ça aurait très bien pu être nous à leur place ! À cet instant, ils doivent être terrifiés, ils doivent avoir perdu tout espoir d'être retrouvé un jour. Et je pense que, à leur place, j'aurais aimé savoir que quelqu'un est à ma recherche. C'est pour cette raison que je suis ici, avec toi. 

— Mais si on échoue ? 

— Alors ça n'aura pas été en vain. Car on aura tenté quelque chose. Et essayer, c'est quand même avancer, d'accord ? 

Alors qu'elle hochait la tête, il se recula d'elle de quelques pas. 

Il avait raison. Le doute n'était plus permis, il fallait agir : le temps pressait et la vie de leurs amis était en jeu, les regrets viendraient après. Elle s'était laissée dépasser par ses émotions, mais c'était terminé. Son investissement devait être total. Les jumeaux et les autres élèves le méritaient.

[T.1] Les Sentinelles de l'Ombre : L'Ascension De La Sorcière Où les histoires vivent. Découvrez maintenant