[T.1] Les Sentinelles de l'Ombre : L'Ascension De La Sorcière

Chapitre 7 : Nouvelles rencontres (2/2)

— Suis-moi, lui ordonna le Corbeau en entrant dans l'auberge.

Rozenn retint avec peine un soupir avant de lui emboîter le pas. Aussitôt rendue à l'intérieur, elle sursauta : entre les hommes qui parlaient et riaient fort, les doigts qui raclaient les assiettes en quête de miettes supplémentaires et les chopes de bière qui s'entrechoquaient… C'était un sacré raffut ! 

Elle enjamba une chaise tombée par terre et la porte s'ouvrit sur un nouveau client, faisant s'éparpiller la paille au sol.

— Asseyons-nous, décida le Corbeau.

Elle le rejoignit à une table isolée, là où ils seraient à l'abri des oreilles indiscrètes, et commença à se débarrasser de son manteau. Mais le Corbeau l'interrompit d'un geste :

— Remets ça, nous ne resterons pas longtemps.

— Qu'est ce qu'on vient faire ici ? 

Les jambes engourdies, elle s'enfonça dans sa chaise et les étendit.

— Nous avons beaucoup marché et j'ai besoin de me reposer.

Rozenn haussa les sourcils, peu convaincue. Alors qu'elle s'était arrêtée plusieurs fois à cause d'un point de côté, lui n'avait pas été essoufflé de tout le chemin ! 

— Tu veux boire quelque chose ? reprit-il.

Depuis quand essayait-il de se montrer aimable ? Enfin, peu importait, ce n'était pas ça qui allait lui faire changer d'attitude envers lui. Après tout, c'était lui qui l'avait enlevé à sa famille…

— Non. Je veux savoir la vraie raison de notre présence ici.

— Tu ne lâches jamais l'affaire toi, hein ?

Elle hocha négativement la tête. Une serveuse aux boucles d'or qui portait déjà deux chopes de bière dans les mains les aborda avec un sourire :

— Vous prendrez quelque chose ?

— Ce sera du chouchen pour moi et de l'eau pour elle, commanda-t-il en la désignant du menton. Et je voudrais voir Romuald aussi.

Elle partit, laissant Rozenn et le Corbeau seuls, en tête à tête.

— Qui est Romuald ?

— L'aubergiste.

Puis, en baissant la voix, il ajouta en se penchant vers elle :

— Mais en l'occurrence, c'est son métier de Sentinelles de l'Ombre, ou plus précisément, celui de Veilleur, qui m'intéresse.

— Et c'est quoi une Sentinelle de l'Ombre ?

— Ce que tu vas devenir.

Qu'est-ce que c'était que ça encore ? Elle était soi-disant une sorcière, non ?

— C'est-à-dire ?

— Tu le découvriras bien assez tôt.

Rozenn leva les yeux au ciel, exaspérée. Seulement, elle n'était pas du genre à abandonner aussi vite…

— Mais je ne suis pas censée être…

Mais déjà, le Corbeau repoussait sa chaise et se levait. La femme qui avait pris leur commande leur faisait signe derrière le comptoir. 

Rozenn le suivit donc à l'arrière de l'auberge, sous les regards embués d'alcool de certains hommes au comptoir. Arrivé à destination, un quarantenaire aux cheveux grisonnants les attendait, il essuyait une chope avec un torchon. 

— Que me vaut ta visite, Corbeau ?

Il arborait un sourire bienveillant, ce qui contrastait grandement avec la posture mesurément polie du Corbeau : avachi sur son bâton, il avait l'air de s'ennuyer.