Rozenn dormait paisiblement quand elle fut arrachée au lit par Katell qui arriva en trombe dans la chambre. La frange blonde décoiffée, elle mordait sa lèvre inférieure jusqu'au sang.
— Qu'est-ce que... ? commença-t-elle en se redressant, alertée par son état.
— Dépêche-toi de t'habiller, il faut qu'on descende à l'infirmerie !
Elle se glissa hors des draps et, dans la précipitation, elle commença à enfiler une robe. Avait-elle besoin de quelqu'un pour l'accompagner ? Avait-elle mal quelque part ?
— Pourquoi ? Qu'est-ce qu'il se passe ? la questionna-t-elle en l'auscultant de haut en bas.
Katell ramena ses bras à elle comme si elle avait froid.
— La meute d'Alan s'est faite attaquée cette nuit.
Rozenn se figea dans son geste et lâcha par inadvertance les chaussures.
— Quoi ? Mais comment... Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Ils vont bien ?
— Je sais pas, je sais juste qu'ils ont été agressés par quelque chose cette nuit.
— Mais... Et les Défenseurs ? Ils n'étaient pas là ?
Après avoir enfilé leurs chaussures, les deux filles sortirent de la chambre en courant.
— C'était la pleine lune alors non. Et puis, depuis quelques semaines, tu sais bien qu'ils sont de moins en moins à rester..., expliqua-t-elle alors qu'elles dévalaient les escaliers en colimaçon.
Rozenn évita de justesse un autre élève et grimaça : d'une vingtaine de Défenseurs au départ, elle n'en voyait plus que cinq à faire des rondes autour du château. Et même parmi ceux-là, elle ne comptait pas ceux qui, à la place de remplir leur rôle, jouaient aux cartes et plaisantaient entre eux...
Arrivés à destination, les autres élèves s'étaient déjà regroupés devant l'infirmerie. Ils étaient d'ailleurs tellement collés à la porte et serrés les uns contre les autres que la pièce était inaccessible pour quiconque.
Ayant l'impression d'étouffer, les deux filles se replièrent dans un coin moins peuplé. De toute manière, même si elle se rapprochait, elle n'aurait pas l'occasion de voir grand chose de plus...
— Regarde, lui glissa Katell en désignant l'entrée du doigt.
Alan, le teint blafard, se tenait le ventre comme s'il allait vomir et Enora, dont le masque avait été abîmé durant la nuit, était soutenue par deux druides-guerriers. Les lèvres tremblantes, ils portaient leurs vêtements froissés et déchirés de la veille et ils étaient recouverts de terre de la tête aux pieds.
Elle échangea un regard inquiet avec Katell : qu'avait-il bien pu se passer cette nuit pour être dans un tel état ?
— Tout le monde dehors ! ordonna Ernest d'une voix forte. Rendez-vous dans le réfectoire, immédiatement !
Les élèves se regardaient dans le blanc des yeux, hésitants. Comme ils ne bougeaient toujours pas et que Alan et Enora ne pouvaient pas passer à cause d'eux, il s'énerva :
— Si vous ne partez pas tout de suite, je vous jure que l'on vous pousse, et ça ne se passera pas dans la douceur !
La menace les moucha et ils s'empressèrent de déguerpir au plus vite avant de le voir passer à l'action. Pendant que tous sortaient, Katell se pencha vers Rozenn :
— Je vais chercher Marie, je la vois pas avec tout ce monde... À tout à l'heure.
Rozenn hocha la tête. De son côté, elle scruta la foule mais ne trouva pas les garçons. Par contre, elle croisa bien le regard acéré d'Ernest qui, alors que Alan et Enora étaient accueillis par le Dr Kollie, posa une main sur le pommeau de son épée. Son geste la convainquit aussitôt : pour elle aussi, il était temps de partir.
Une fois dans le réfectoire, les élèves s'assirent à leur place habituelle. Toute la pièce avait été remise en ordre, même les bougies de la veille avaient disparu, comme s'il ne s'était jamais rien passé.
Là-bas, elle retrouva Egon et les jumeaux qui étaient déjà installés à table. Elle les rejoignit et, contrairement à d'habitude, le petit-déjeuner lui fut directement apporté par un lutin. Elle le remercia, encore troublée par ce qu'il se passait, puis se tourna vers ses amis. Abattus, les trois garçons gardaient la tête baissée et n'avaient pas touché à leur assiette.
— Est-ce que ça va ? s'enquit-elle.
Ils haussèrent les épaules, peu loquaces. Elle respecta leur silence et n'insista pas. Tout le monde était à la fois inquiet et sous le choc. Eux encore davantage du fait qu'ils connaissaient bien Alan. D'autant plus qu'il était leur camarade de chambre. Et, mine de rien, partager un espace avec quelqu'un resserait forcément les liens d'une manière ou d'une autre : elle le voyait bien avec Katell
Soudain, la grande porte se ferma après le passage de la directrice. Les conversations cessèrent dans l'instant.
L'expression grave, l'écho de ses talons retentissaient dans les airs et le bas de sa robe verte glissait dernière elle. Une fois arrivée devant l'estrade, Gaïa Langfort gravit les marches et, en face de tous, elle prit la parole :
— Mes chers élèves, l'heure est grave. En effet, hier soir, vos camarades loup-garous ont été agressés dans la forêt. Nous avons des raisons de penser que la personne à avoir fait ça est la même qui a menacé notre école en début d'année. Je tiens donc à vous informer qu'une enquête a été ouverte afin de découvrir le ou les responsables de cette attaque.
Rozenn fronça les sourcils. N'était-ce pas déjà le cas ? Si les Défenseurs étaient là, c'était bien pour cette raison, non ?
La directrice fit une pause, ouvrit la bouche, mais comme aucun son ne sortait, elle s'éclaircit la voix avant de reprendre :
— Concernant vos camarades, ils ont été pris en charge, vous n'avez pas à vous inquiéter. La dose d'aconit qui leur a été administrée n'est pas mortelle, ils souffrent de vomissements, de maux de ventre, de fièvre et quelques-uns sont inconscients pour le moment, mais nous ferons tout notre possible pour les remettre en état au plus vite.
Elle se redressa et haussa la voix afin de bien se faire entendre par tous :
— Pour les prochaines semaines, j'ai décidé que les activités se déroulant habituellement dans la forêt ne se feront plus que dans le périmètre de l'école. J'annule aussi les rencontres du dimanche avec les élèves de Ravenschool pour une durée d'un mois et demie. De plus, lors des futures pleines lunes, les loups seront priés de se transformer dans les cachots afin de préserver leur sécurité. La présence des Défenseurs va être multipliée par trois et ils ont pour ordre de vous écouter en cas de besoin, donc n'hésitez pas à aller les voir. Ils sont là pour vous apporter toute l'aide dont vous avez besoin, cela inclut aussi le soutien moral. Ce qui s'est passé est angoissant, il est donc normal de vouloir en parler. Sur ces mots, je vous laisse en espérant vous avoir rassuré du mieux que j'ai pu.
Alors que la Directrice quittait la salle suivie par les cinq druides référents, Rozenn jeta un coup d'œil aux garçons qui venaient de souffler. Les loup-garous allaient s'en sortir, cette nouvelle était encourageante.
Après, encore fallait-il faire en sorte que cela ne se reproduise plus jamais... Car, s'ils étaient sains et saufs ce jour-là, rien ne disait qu'ils le seraient encore le lendemain. En tout cas, pas tant que le coupable ne serait pas retrouvé...
Enfin, dans ce malheur, elle retirait au moins quelque chose de positif : pendant plus d’un mois, elle n'aurait pas à voir Corentin.
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[T.1] Les Sentinelles de l'Ombre : L'Ascension De La Sorcière
FantasyAlors que Rozenn menait une vie presque ordinaire, elle est obligée de se rendre à Brocéliande, dans une école de magie qui accueille loups-garou, vampires, métamorphes et initiés. Très vite, des élèves se font agresser pour que l'école ferme. Mais...