Leur premier réflexe fut de rentrer dans l'abbaye. Seulement, alors que certains Défenseurs voulurent sortir les aider, les racines se dressaient déjà devant l'entrée, les emprisonnant à l'intérieur. Rozenn eut juste le temps de les voir dégainer leurs épées avant qu'ils ne disparaissent complètement de son champ de vision.
Elle et ses amis firent donc demi-tour. Mais la situation était encore plus instable : les racines se mouvaient dans les airs et frappaient avec rage tout ce qu'elles trouvaient sur leur passage, faisant trembler le sol et sursauter les cailloux.
— Suivez-moi ! s'écria Gwenaël.
Sans perdre une seconde, ils s'exécutèrent. Le métamorphe connaissait les lieux, il aurait été fou de ne pas l'écouter...
Alors qu'ils couraient et esquivaient les obstacles qu'il y avait sur leur route, l'une d'entre elles s'abatit sur eux. Par réflexe, ils s'écartèrent les uns des autres et plongèrent par terre pour éviter la collision.
Cependant, la force de l'impact les projeta encore plus loin de l'endroit où ils avaient sauté : Rozenn retomba avec Egon sur le bord de la route, les jumeaux se retrouvèrent étendus en plein milieu du chemin, Katell atterrit au pied d'un arbre et Gwenaël sur le rocher à côté d'elle.
Tandis que Rozenn reprenait difficilement ses esprits, sonnée, Egon s'agitait à côté d'elle : il fonça récupérer le sac de Gwenaël qui avait été accidentellement abandonné pendant leur fuite. Une fois en sa possession, il retrouva Rozenn et lui tendit la main afin de l'aider à se relever.
— Est-ce que tout va bien ?
Même si elle s'accrochait toujours à son bras, elle acquiesça et lui retourna la question. Il allait répondre quand il fut coupé par l'apprenti-druide qui s'écriait :
— Rozenn ! Dans le sac, les armes, le sel, vite !
Elle se tourna vers lui et constata avec horreur comment une situation pouvait changer en moins de dix secondes : une racine épineuse tournait autour de Katell et la narguait. Elle se rapprochait suffisamment de la jeune fille pour lui faire croire qu'elle allait la toucher avant de se retirer au dernier moment. Puis elle recommençait le même tour.
Pétrifiée, Katell n'osait plus faire un geste. Rozenn s'avança vers son amie mais Egon la retint par le poignet :
— Tu ne l'aideras pas comme ça.
Tremblante d'appréhension, elle hocha la tête. Il avait raison, il fallait qu'elle reprenne ses esprits. Egon fouilla donc dans le sac et sortit deux dagues puis une bourse. Il prit ensuite l'une des armes et la lança au métamorphe qui l'attrapa au vol. Il allait aussi lui donner le sel mais les hurlements d'Arthur l'arrêtèrent :
— Au secours ! Aidez-moi !
Rozenn et Egon se tournèrent vers les jumeaux. La racine qui venait d'essayer de tous les faucher s'était enroulée autour de la jambe d'Arthur et se plantait dans sa chair. Et contre ça, même les coups de pied d'Erwan pour la repousser n'y pouvaient rien. Au contraire, elle serrait encore plus son emprise sur son frère...
— Les racines sont ensorcelées ! Servez-vous du sel pour les éloigner ! leur indiqua Gwenaël.
Soudain, visiblement agacée, la racine changea de tactique et se mit à traîner les deux frères au sol. Il n'y avait plus de temps à perdre alors Rozenn arracha la bourse des mains d'Egon, l'ouvrit, prête à s'en servir, puis ils se mirent à courir après eux.
Mais ils avaient beau essayer de les rattraper, les jumeaux allaient beaucoup trop vite par rapport à leur allure. Surtout quand les cours de soutenance physique s'étaient réduits et que leur seule autre activité sportive consistait à utiliser les différents escaliers du château...
— Erwan, essaye de la ralentir ! s'écria Egon.
Comme une racine tenta de lui attraper le bras, Rozenn lui jeta une pincée de sel et cette dernière se recroquevilla sur elle-même, desséchée.
La jeune fille continua sa course et jeta un œil à Katell : Gwenaël s'était rapproché d'elle, la dague en avant, et lui parlait doucement, sans doute pour la conseiller.
Du côté des jumeaux, Erwan était parvenu par la force de ses bras à s'accrocher à un arbre, ce qui permit à Egon de le rattraper et de s'attaquer directement à leur problème.
Cependant, même s'il plantait la dague, cette dernière était trop dure et trop grosse pour l'avoir en une seule fois. Erwan donnait encore des coups pour essayer de la détacher mais rien n'y faisait, elle ne voulait pas le lâcher.
Rozenn arriva peu de temps après, et, sans attendre, elle jeta une bonne poignée de sel dessus. L'effet fut immédiat : la peau de la racine se frippa et dégagea de la fumée. Puis, comme brûlée, elle s'écarta vivement avant de tomber inerte sur le sol.
— C'est pas fini, mettez du sel tout autour de vous ! leur cria Gwenaël alors qu'il venait de prendre le bras de Katell. Et essayez d'en laisser pour la suite !
Rozenn, Egon et même Erwan se mirent à exécution pendant que Arthur appuyait sur sa jambe avec des gémissements. Ils disposèrent du sel tout autour d'eux, de manière plus ou moins inégale, mais cela eut pour point positif de repousser les racines qui s'intéressaient d'un peu trop près à eux...
— Ça brûle, se plaignit Arthur.
Comme la tâche était pratiquement finie et que les garçons étaient efficaces, Rozenn accourut auprès de lui pour s'enquérir de son état.
Le pantalon déchiré, sa jambe droite était rougie et enflée. Elle s'était attendue à voir des bleus, des lacérations ou même du sang, mais surtout pas une brûlure : comment avait-il pu être brûlé sans même avoir approché du feu ? Cela n'avait pas de sens...
En même temps, ils venaient juste de se faire attaquer par des racines ensorcelées alors, pour la rationalité, ils pouvaient repasser...
Ayant terminé avec Erwan, Egon l'inspecta à son tour. Puis, après quelques secondes de réflexion, il déplaça juste la jambe d'Arthur à l'ombre afin que les rayons du soleil ne touchent plus ses lésions.
— C'est mieux ainsi ?
Arthur soupira et hocha fébrilement la tête.
— Oui, merci.
Surprise, Rozenn lança un regard étonné à Egon. Comment avait-il su ce qu'il fallait faire ? Elle secoua la tête afin de se raisonner : ce n'était ni le lieu, ni le moment de poser des questions...
Elle riva alors son attention vers Katell et eut tout juste le temps de voir Gwenaël plonger avec elle par terre, loin de la racine qui allait la poignarder. Tendue, Rozenn souffla. Ils avaient eu chaud...
Le métamorphe l'aida ensuite à se relever et, sur le chemin pour les rejoindre, il réussit même à couper une racine dans les airs, tout en ne lâchant pas le coude de Katell.
— Tout le monde va bien ? s'enquit-il alors qu'il venait de franchir le cercle avec cette dernière.
— Arthur est blessé, l'informa Erwan.
— Alors on va vous porter.
— On ne reste pas là ? commença à paniquer Arthur.
— Non, trop dangereux. Notre réserve en sel est trop faible par rapport au nombre de racines présentes ici. Il faut aller dans les souterrains. Ils sont protégés contre ce type de sortilèges.
— Très bien, déclara Egon en commençant à prendre Arthur par le bras, on te suit.
Rozenn allait l'aider à les porter aux épaules quand Gwenaël se proposa :
— Je vais le faire, il faut que je vous montre le chemin. Prenez leurs jambes avec Katell. Les jumeaux, n'hésitez surtout pas à vous servir du sel pendant notre course.
Les deux garçons hochèrent la tête, l'un avec détermination ; l'autre avec une certaine réticence qu'il ne parvenait pas à cacher.
Lorsqu'ils sortirent en dehors du cercle, les racines s'animèrent de nouveau, en écho avec les cris et les pleurs qui leur parvenaient non loin de là.
— Courez ! s'écria Gwenaël.
Et, comme leur vie en dépendait, ce fut ce qu'ils firent.
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[T.1] Les Sentinelles de l'Ombre : L'Ascension De La Sorcière
FantasiaAlors que Rozenn menait une vie presque ordinaire, elle est obligée de se rendre à Brocéliande, dans une école de magie qui accueille loups-garou, vampires, métamorphes et initiés. Très vite, des élèves se font agresser pour que l'école ferme. Mais...