Chapitre 9 : La forêt de Brocéliande

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— Corbeau, on est bientôt arrivé ? s'écria Rozenn alors que les roues de la charrette couinaient dans un bruit insupportable.

Depuis le manoir des Redfern, ils ne s'étaient pas arrêtés une seule fois, et le temps commençait à se faire long. Pour preuve : Erwan ne cessait de bailler, Arthur somnolait déjà sur l'épaule de son frère et quant aux deux autres, ils se frottaient les yeux à en avoir les yeux rouges…

À peine avait-elle fini sa phrase que le cheval s'immobilisa, manquant de la faire passer par-dessus bord.

— Vous ne pouvez pas prévenir quand vous vous arrêtez ! lui reprocha-t-elle en se relevant, toute échevelée.

Secouée d'un vertige, elle se maintint à la charrette dans l'attente d'une réponse. Mais celui-ci était bien trop occupé à nourrir le cheval avec de l'herbe pour lui accorder un quelconque intérêt. 

— Descendez de là, ordonna-t-il après un long silence. Nous sommes pressés et la nuit ne va pas tarder à tomber.

Ils obtempérèrent, les jambes engourdies. Le Corbeau caressa le cheval et se pencha près de son oreille pour lui chuchoter des mots doux. Voilà qu'il parlait aux animaux maintenant... De mieux en mieux.

Une fois ce langoureux échange terminé, il traversa le champ, sans même un regard pour eux. Devaient-ils le suivre ? Rozenn n'en avait pas la moindre idée, mais elle décida de courir après lui malgré tout. 

— Vous allez le laisser là ? 

Il s'arrêta et fouilla dans sa cape à la recherche d'un objet.

— Oui, il nous retarderait.

Essoufflés, les jumeaux qui avaient suivi Rozenn les rejoignirent pendant que les frères Redfern marchaient côte à côte dans leur direction. 

— Je ne pense pas que la marche soit beaucoup mieux..., grimaça Erwan. 

Alors qu'il sortait une bourse de cuir cachée dans ses vêtements, il rétorqua : 

— Qui t'a dit que nous allions marcher ? Approchez, maintenant.

Ils encerclèrent le Corbeau, les yeux rivés sur la main qu'il plongeait dans le sac. Quelques secondes après, il en sortait une poignée de sel. 

— Vous voulez dire qu'on va s'aéroporter ? s'enquit Arthur.

Rozenn le dévisagea. De quoi parlait-il ? Et puis, comment connaissait-il ce terme ? 

— Et ça consiste en quoi ? lui demanda-t-elle, sceptique.

Arthur ouvrit la bouche.

— Plus tard les explications, le coupa le Corbeau. Rapprochez-vous et mettez-vous bien en cercle.

Ils s'exécutèrent, bien que de mauvaise grâce. Quant à leur guide, il passa derrière eux et déposa du sel afin de les entourer. 

— C'est bon, j'ai attendu. Quelqu'un pourrait-il répondre à ma question maintenant ? reprit Rozenn.

— L'aéroportation va nous permettre de nous rendre plus rapidement à Brocéliande, répondit le Corbeau, imperturbable.

Après une dernière pincée de sel, le cercle autour d'eux se referma complètement. Il pénétra donc à l'intérieur et planta son bâton dans le sol, au centre de celui-ci.

— Et on peut savoir pourquoi on ne l'a pas fait avant ? ronchonna Erwan. Ça nous aurait évité toute cette route…

— C'était trop risqué, quelqu'un aurait pu nous voir.

— Et ce n'est plus le cas maintenant ? rétorqua-t-il.

— On est en terres libres alors les risques sont moindres. Bien, prenez-vous par la main.

[T.1] Les Sentinelles de l'Ombre : L'Ascension De La Sorcière Où les histoires vivent. Découvrez maintenant