Chapitre 64

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Assise par terre dans un coin des coulisses de la patinoire, casque audio sur les oreilles, je rentre dans ma bulle. Je visualise mentalement mon programme et refait mentalement tous mes gestes. Il me reste peu de temps avant mon passage et j'hésite à modifier mon enchaînement de saut. Dois-je tenter le triple Axel suivi d'un quadruple boucle piqué ? Si je veux m'aligner sur la japonaise et avoir des points, il faut que je prenne ce risque. De toute façon, j'ai déjà mon quadruple Salchow en entrée de programme.

Voilà, on y est. Mon cœur va sortir de ma poitrine tellement qu'il bat fort mais je suis bien. C'est un bon stress. Je n'ai regardé personne, ni mes proches, ni les concurrentes, ni les juges. La musique démarre et je fais ce que je sais faire le mieux : patiner.
J'ai surpris mon monde en reprenant mon programme olympique et non pas mon nouveau programme. La seule différence vient de mon costume puisque ma robe est actuellement exposée au musée olympique à Lausanne. J'ai mis une robe en velours noire, très simple, à manches longues. Une robe telle que portait les patineuses dans les années 1950. La simplicité fait ressortir mes mouvements et accentue mes attitudes et arabesques. La musique de Puccini me transcende et je ne réfléchis pas. Tout passe, c'est magique, j'ai l'impression de ne faire qu'un avec la surface blanche de la glace. Voilà pourquoi je suis triste, émue et soulagée. Je salue le public en souriant et en lâchant quelques larmes en voyant les gens debout, me faire une standing ovation. Je ressort de la glace et lève enfin les yeux vers mes proches. Sabina et Naomi pleurent, Mattia sourit tendrement et mes deux pilotes gesticulent en serrant les points en signe de rage de vaincre.
J'attends mes notes et regarde la japonaise qui patiente pour s'élancer. Le public applaudit toujours et cela doit être dur de passer après moi. Je reste debout dans le Kiss and Cry et salue encore en levant les bras et les mains. Je suis très très émue. Voilà les notes tombent avec un total de 208,37.
J'attends la fin de la prestation de la japonaise en compagnie de mon amie belge. J'ose pas trop regarder l'écran. Par contre, j'entends mon amie me dire :
- Lauren, c'est bon ça.
- Quoi donc ?
- Elle a fait qu'on triple Salchow.
- Ah .. alors on verra bien.
Elle rigole et me glisse un « c'est tout vu » en me tapant l'épaule.
J'ose pas trop montrer mes émotions car je suis filmée mais je m'efforce de sourire et de faire des petits signes de la main. On attend tous les notes et le classement final de la finale.
- Putain c'est bon Lauren ! Bravo ! me crie la belge en me prenant dans ses bras. On saute comme des folles. Je rie et pleure en même temps. Cette joie est aussi forte que ma victoire aux JO.
Je vais féliciter la jeune japonaise qui attend la cérémonie du podium. Elle s'incline devant moi en signe de respect et j'en fais de même. Puis je m'adresse à elle :
- Maï, tu es une redoutable adversaire et tu vas avoir beaucoup de victoires ces prochaines années. Merci pour cette belle compétition.
- Oh merci Lauren. Je suis émue pour toi et c'est un honneur d'avoir concouru aujourd'hui. Tu es mon modèle depuis toujours. Je veux faire comme toi et aussi bien.
Je la fixe dans les yeux et lui prend les deux mains.
- Tu vas être une belle championne et je vais te suivre dans ta carrière.
Sans réfléchir plus, on se fait une accolade.
Le speaker annonce la remise des médailles et c'est la patineuse belge qui monte sur la troisième marche du podium, suivie par la japonaise. Mon nom résonne dans la patinoire et j'entends les acclamations. J'avance au milieu de la patinoire et re salue le public avant de grimper sur la marche principale. Me voilà avec ma toute dernière médaille autour du coup. Finalement elle en valait le coup même si je n'étais pas partante aux primes abord. L'hymne national suisse résonne et c'est avec fierté que je vois le drapeau de mon pays. Je savoure chaque instant.
En ressortant de la patinoire, j'entends ma belge me crier :
- Fête bien et sois en forme pour demain. On va s'amuser pour ce gala de clôture. Bye Lauren.
Je lui fais un pouce levé et fonce retrouver mes proches qui m'attendent.
Daniel me prend dans ses bras et m'embrasse fougueusement.
- Tu as été exceptionnelle. J'étais en apnée pendant tout le programme mais bordel que c'était bien.
Je lui souris puis Carlos intervient:
- Daniel pousse-toi. C'est mon tour de féliciter ma championne. Bella tu as été « Magnifica »!
Il me donne un bisous puis laisse la place à Naomi, Sabina et Mattia.
Daniel reprend :
- Va te changer, je t'attends et on rentre à l'hôtel. Je sais qu'on a le repas de clôture ce soir mais on peut boire un verre tous ensemble avant.
- Très bonne idée, je me dépêche.

Je suis heureuse et soulagée. Assise avec tout mon petit monde au bar, on rigole et c'est un moment presque à regret que je quitte mes amis pour aller me changer pour assister au repas de clôture.
Daniel m'accompagne à cette soirée.
Il me fait plaisir en mettant son nouveau costume.
- Tu es très beau, il va falloir que je reste près de toi ce soir.
- Merci mais pourquoi ?
- Pour faire comprendre que c'est « chasse gardée ».
- Ou l'inverse Sweetheard. Car tu es ravissante dans cette robe rouge. Tu es certaine qu'il faut y aller ? On pourrait s'occuper autrement.
Il me murmure ces mots en me prenant dans ses bras et en m'embrassant dans le cou.
Je m'écarte en souriant et prends ma pochette.
- Let's go baby !
Il sourit puis m'ouvre la porte pour me laisser passer.
- Après toi, vu ton dos nu et tes courbes, je vais rester derrière toi une bonne partie de la soirée.
- Ah bon ? Le devant est intéressant aussi. Tu trouves pas ?
Un éclair de désir passe dans son regard et fait glisser un doigt tout le long de ma colonne vertébrale jusqu'au creux de mes reins ou s'arrête le décolleté de ma robe.
- Hmm pas ce soir, je préfère le verso. Je te préviens que l'on va pas rester longtemps à cette soirée et que j'ai l'attention de te faire gémir en rentrant.
- Des promesses Monsieur Ricciardo ?
- Non Mademoiselle Martin. Tu vas en redemander.
Il sourit très sur de lui.

Devoir serrer des mains et sourire fait partie de mes obligations, chose que j'accepte mais je ne peux m'empêcher de ne tendre en voyant les pontes de l'ISU et de la fédération de glace qui m'ont franchement enmerdés ces derniers mois. Ils se congratulent, se tapent dans le dos pour se féliciter de cette magnifique saison. Quelle belle hypocrisie !
Le repas de clôture se passe bien et je suis heureuse d'être avec mon Baby Shark. Ce dernier fait le pitre en racontant des anecdotes de F1 et grâce à lui, nous rions de bon cœur à notre table.
Les lumières diminuent et je vois un écran géant s'illuminer. Le Président de l'ISU prend la parole et s'élance dans un speech. On decouvre des extraits des championnats d'Europe, du monde et des Jeux olympiques. Pendant le discours, je me lève discrètement et demande à Daniel de me suivre. Il est hors de question que je reste plus longtemps à les voir faire leur cirque. C'est peut-être impoli mais c'est mon « pied de nez ».
Dans le hall, Daniel me retient et m'arrête dans ma fuite.
- T'es sérieuse ? Tu files en douce ? Comme ça ? Tu devais pas monter sur la scène ?
Un rire méchant s'échappe de moi et je hausse les épaules par dépit.
- J'en ai marre Daniel ! J'ai fait tout ce qu'on m'a demandé de faire depuis des années alors maintenant je .. suis .. libre !
Je tourne les talons et fonce droit dehors sans regarder en arrière.
Daniel me pose sa veste sur mes épaules et nous fonçons récupérer la voiture.
- Daniel ? On part ce soir ?
- Hmm ? Que veux-tu dire ? Ou veux-tu que je t'emmène Sweetheard ?
- Là où tout-à-commencé pour nous. Ramène-nous à Milan.
Il m'embrasse tendrement avant de m'ouvrir la portière et sourit en murmurant :
- Tout ce que tu veux ma championne !

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