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La décision n'est pas simple à prendre mais ma curiosité et les nombreux phénomènes inexpliqués auxquels j'ai assisté cette nuit me poussent à ouvrir mes horizons et accepter de croire un instant en l'impossible. Je n'ai pas grand-chose à y perdre après tout mais suis-je vraiment aussi spéciale qu'il semble le croire ?

– Ne vous inquiétez pas, j'ai foi en vous.

La main de Túlio saisit la mienne avec une fermeté rassurante. En cherchant confiance et réconfort dans son regard, j'ai l'impression de voir une aura à la fois sombre et brillante émaner de lui. Des centaines de petits picotements me chatouillent la peau à l'endroit où nos mains se joignent. Ma respiration redouble en même temps que mon rythme cardiaque alors qu'une présence familière se fait sentir au-dessus de mon épaule. Je tourne la tête pour observer le vide avec confusion avant de questionner Túlio.

– Qu'est-ce que je dois faire ?

Le visage de l'homme s'illumine aussitôt, intensifiant les petites rides d'expressions au coin de ses yeux et de ses lèvres. Il se débarrasse de son torchon et fait le tour du bar pour me rejoindre tout en replaçant ses mèches rebelles derrière ses deux oreilles.

– Je peux te toucher le visage ? demande-t-il en se frottant les paumes.

J'acquiesce sans un mot, légèrement troublée par son rapprochement et son passage au tutoiement. Une odeur boisée de fumée et d'encens enivre mes narines alors que Túlio prend place devant moi. Les mains toujours collées l'une à l'autre, il ferme les yeux pour se concentrer. L'anxiété m'assèche la gorge alors que je contemple silencieusement l'homme en pleine concentration. Un souffle lent et régulier traverse son nez étonnement droit et soulève sa poitrine. Je me perds un instant dans les contours de ses lèvres charnues quand le contact chaud d'une main sur mon menton me fait sursauter.

– Ferme les yeux, prononce-t-il tout doucement.

Sa voix grave murmurant des paroles incompréhensibles me fait frissonner et la chaleur irradie mon visage quand sa deuxième main vient frôler mon front. Une étrange sensation me titille entre les deux yeux. La sensation est tellement forte qu'il me faut prendre appui sur le bar pour ne pas perdre l'équilibre. Túlio doit repérer mon désarroi car la main tenant mon menton disparait pour venir se glisser entre mes omoplates, me maintenant en place. Son odeur se fait plus forte tandis qu'une chaleur étouffante parcourt mon corps. Le doigt de Túlio frôle le point entre mes deux yeux et j'ai la sensation qu'une longue tige me perfore le crâne à cet endroit précis. Ce n'est pas spécialement douloureux, juste extrêmement déroutant, assez pour que ma main se referme instinctivement sur le col de Túlio pour le tenir à l'écart.

– Je suis désolée, je ne suis pas prête, je...

Mes mots se perdent dans ma gorge en remarquant l'expression troublée de Túlio qui me dévisage d'un œil à la fois surpris et émerveillé. Il baisse le regard vers son buste où repose encore ma main puis retire la sienne de mon dos avant de prendre de la distance, visiblement gêné. Je respire bien mieux tout à coup.

– Non, c'est moi, bégaie-t-il. Je ne pensais pas que tu serais aussi réceptive, c'est assez... surprenant.

Túlio se confond en excuses puis semble tomber dans une introspection muette. Alors que je peine à analyser ce revirement de comportement, un petit rire retentit sur ma droite.

– Je crois que tu lui fais de l'effet, plaisante une voix que je reconnaitrai entre mille.

Je me tourne vers le nouveau venu, prête à lui retourner son sourire narquois, et me fige. Mes yeux s'écarquillent et les mots ont du mal à sortir. Là, nonchalamment accoudé au bar et sirotant le deuxième verre de Baileys, mon frère m'observe de sa bouille joviale qui le fait paraitre bien plus jeune que ses trente ans.

– J-Jivan ?

Il porte le même t-shirt que le jour de sa mort et sa casquette favorite cache son crâne rasé. Complètement abasourdie, je le regarde me faire un clin d'œil comme si tout ceci était normal. Sans qu'il n'ouvre la bouche, sa voix résonne dans ma tête.

– Il est plutôt pas mal en plus, commente-t-il en lorgnant Túlio. Ça fait combien de temps que tu n'as pas passé la nuit avec quelqu'un ?

Il lève les sourcils avec malice et je sens la gêne me monter aux joues.

– De quoi je me mêle ?

– Pardon ? s'étonne Túlio en sortant de sa torpeur.

– Oh non, pas vous, c'est...

HÔTEL PARADIS | Livre interactifOù les histoires vivent. Découvrez maintenant