HÔTEL PARADIS | Livre interactif

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Voir le sublime sourire qui anime les traits de la journaliste dès que j'accepte de l'aider me conforte dans ma décision. Elle récupère le chouchou perdu dans son chignon défait et réarrange ses longs cheveux lisses en une queue de cheval lâche puis se met à parcourir la pièce longiligne, fouillant caisses et tiroirs pour en sortir divers outils et plaques de métal. Elle cherche certainement à fabriquer de quoi se défendre contre la créature. Une théorie folle germe dans mon esprit alors que je repense à ma rencontre avec la créature aux ongles d'acier et comment, au premier abord, j'ai cru qu'elle essayait de me dire quelque chose.

– Et si les créatures n'étaient pas vraiment offensives ? Si nous avions interprété leurs gestes comme des menaces et qu'elles n'avaient fait que se défendre ?

Camille s'arrête en pleine confection d'un bouclier artisanal pour me dévisager. Contre toute attente, elle acquiesce.

– J'y ai pensé aussi, m'avoue-t-elle tout bas. Elles ont presque quelque chose d'humain, comme si on les avait modelées avec des comportements propres aux hommes ou... ou comme si on leur avait inséré un cerveau humain.

Ses derniers mots me font frissonner d'effroi. De telles expériences sont-elles vraiment réalisables ?

– Les laboratoires Cheng sont connus pour jouer avec les limites de l'éthique, m'explique Camille en sortant de sa veste un petit calepin dont elle fait tourner les pages. Leur sujet d'étude principal est le cerveau humain mais ils sont aussi en partenariat depuis plusieurs années avec une société spécialisée dans l'Intelligence Artificielle et la réalité virtuelle, A.I.Tech. Pour le moment, ils ont surtout sorti des jeux de simulations soi-disant pour tester son intelligence et sa personnalité mais qui sait ce qu'ils font réellement avec toutes ces données ?

Je secoue la tête, ne voyant pas du tout à quoi elle fait allusion. Il faut dire que je ne suis plus trop les actualités depuis un moment et je ne suis pas la plus grande fan de technologie non plus.

– Peu importe, continue Camille, en balayant l'information d'un geste de la main, avide d'en arriver à ses conclusions. Et si, ensemble, ils avaient réussi à transférer des consciences humaines dans des animaux ?

L'idée me parait légèrement tirée par les cheveux. La créature à la peau lisse et aux ongles acérés n'a rien d'un animal.

– Oui, c'est vrai, m'accorde Camille sans pour autant abandonner l'idée. Mais s'ils n'utilisaient pas que des animaux ? Cette créature est peut-être montée de toutes pièces, une tentative ratée ou inachevée de donner un corps physique à une Intelligence Artificielle.

Je reste dubitative. La journaliste en sait certainement plus que moi sur les avancées technologiques et ce que les laboratoires Cheng sont capables de faire ou non mais j'ai du mal à croire qu'une entreprise aussi sérieuse puisse s'adonner à des expérimentations aussi douteuses.

– Je sais, on dirait un mauvais scénario de film. Mais ce ne sont ni des déguisements ni des projections. J'ai également pensé à des hallucinations au début, sauf que nous avons tous vu la même créature sans aucune concertation et les hallucinations sont rarement aussi constantes. L'expérimentation animale reste la solution la plus probable.

– Et... est-ce que tu penses qu'ils seraient capables de développer une technologie permettant de masquer ou de modifier ce qu'on voit dans la vie réelle ?

– Peut-être mais ce genre d'illusion n'est jamais parfaite, soupire Camille avant d'empoigner son bouclier de fortune. J'aurais forcément vu un glitch ou quelque chose d'étrange quand je me suis battue contre la petite créature. J'imagine qu'il n'y a qu'un moyen d'en avoir le cœur net.

Visiblement prête pour la bataille, la journaliste enjambe une nouvelle fois le cadavre du concierge et commence à s'aventurer dans le lobby désert. Elle semble déterminée et je ne compte pas la laisser affronter les mystères du dernier étage seule. Hors de question d'ajouter sa mort sur ma conscience ! Cela ne veut pas dire que je vais la suivre les mains vides pour autant. Je scanne la pièce une ultime fois, espérant y dénicher de quoi affronter l'étrange créature.

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