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Où suis-je ? Impossible à dire. Tout ce que je sais est que je me sens bien. Il ne fait ni trop chaud, ni trop froid. À vrai dire, je ne sens rien, ni l'air, ni mon propre corps. Un silence apaisant m'enveloppe tout entière et j'ai l'impression d'être en paix, soulagée comme jamais je ne l'ai été. Mes dernières pensées envers Túlio résonnent en moi comme une fréquence positive. Je ne saurai même pas dire depuis combien de temps je suis ici à errer sans but quand une immense tristesse me traverse soudain. Elle repart aussitôt, laissant derrière elle un sentiment de manque. Un son attire mon attention. Un chant dans une langue aux accents hispaniques. C'est la voix de Túlio. Je me concentre dessus, comme happée par sa mélodie réconfortante, avec un désir profond qu'elle me ramène jusqu'à lui. Je ne peux pas partir tout de suite. Il a encore besoin de mon aide.

J'ouvre les yeux avec un nouveau regain de vitalité. J'ai l'impression d'être une nouvelle personne alors que mon environnement se révèle plus clairement que jamais, comme si ma vue était passée en haute définition. Túlio est à genoux au pied du lit, les yeux fermés et les mains jointes en boule. Une lumière solaire émane de lui, éclairant toute la pièce. Il continue à fredonner sa mélodie telle une prière alors que des filets de fumée d'encens dansent au milieu des tentures colorées de sa chambre désormais familière. Rien que de le savoir là, près de moi, suffit à m'emplir d'un soulagement immense.

Je l'appelle et il se tait aussitôt. J'entends son rythme cardiaque s'accélérer tandis qu'il relève la tête tout doucement. Quand ses yeux croisent enfin les miens, je suis étonnée de n'y voir aucune joie. Il semble même incroyablement triste.

– Que s'est-il passé ?

Mais l'homme reste muet, apparemment incapable de me répondre. La boule au ventre, je suis son mouvement du regard alors qu'il se lève et contourne le lit. C'est alors que je remarque que quelqu'un est allongé dessus. Une femme brune au teint blafard dont le sommet du crâne est entouré d'un bandage. Je m'approche, intriguée. Mon instinct me dicte que quelque chose cloche et je ne tarde pas à comprendre pourquoi. La femme qui est étendue sous mes yeux, raide comme la mort, c'est moi. Du moins, mon corps. La peur et l'incompréhension me font reculer et je me rends compte que je ne suis pas à ma hauteur habituelle. La distance entre moi et le sol est plus grande que d'habitude.

Comme pour m'assurer que je ne rêve pas, je tourne mon attention vers mon corps actuel et observe avec émerveillement ma peau à la fois lumineuse et légèrement translucide. Mon être entier semble briller de mille couleurs et mes pieds ne touchent définitivement pas le sol. Maintenant que j'y prête attention, c'est vrai que je me sens plus légère et je n'entends plus mes battements de cœur accompagner chaque respiration. Est-ce que je respire d'ailleurs ?

– Je suis désolé, Taline, finit par m'annoncer Túlio d'une voix rauque. Je ne voulais pas... J'ai tout essayé...

Son ton solennel contraste grandement avec le sentiment de liberté immense que je suis en train de ressentir. Je descends à son niveau et contemple un instant avec lui ce qui était mon enveloppe charnelle. C'est assez étrange de se voir de face pour de vrai. Il faut avouer que mon piteux état n'aide pas vraiment. Malgré tout, je n'arrive pas à me sentir triste de cette situation. Je crois que je suis même soulagée. Même si je pouvais retourner dans ce corps, cela me paraitrait trop pénible. À quoi bon ?

Túlio m'offre un regard triste mais je réponds avec le sourire.

– Tout va bien. Je suis toujours là, non ?

– Je t'ai tuée, affirme-t-il, morne. Et le rituel n'a pas marché non plus. Enfin si mais à la seconde où j'ai réussi à transférer Adeline dans ton corps, elle s'est juste enfuie.

HÔTEL PARADIS | Livre interactifOù les histoires vivent. Découvrez maintenant