Chapitre 27.2 - Erwan

234 45 47
                                    

Je ne comprends rien de ce qu'ils se disent, de ces messages codés, de ces non-dits

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

Je ne comprends rien de ce qu'ils se disent, de ces messages codés, de ces non-dits. J'ai bien ressenti la douleur, je ne mens pas.

— Erwan, commence le médecin, est-ce que j'ai toute ton attention ?

Je hoche la tête non sans mal.

— ­Ok... ce que tu as, ce sont des douleurs fantômes.

Des douleurs fantômes ? Je ne comprends pas, j'ai bien senti le mal, je comprends rien à son charabia.

— Tu peux ressentir ce genre de douleur et peut-être que tu en ressentiras encore, Erwan, mais théoriquement, tu ne peux rien ressentir en dessous du genou de la jambe droite.

Je comprends rien, vraiment. Il prend une grande inspiration avant de finir.

— Tu... tu as eu un très grave accident de moto et nous n'avons rien pu faire pour ta jambe. Nous avons dû... amputer la partie inférieure du membre droit. En dessous du genou et...

C'est un cauchemar. C'est un putain de cauchemar duquel je dois me réveiller. Dites-moi que je rêve, que je dors encore. Je peux pas... je peux pas... j'ai besoin de mes deux jambes et qu'elles soient fonctionnelles. J'en ai besoin pour mon métier, pour vivre mon rêve, je peux pas m'arrêter maintenant. Ce médecin délire. Il doit confondre avec un autre patient. Ce n'est pas de moi dont il parle, je suis certain qu'il se trompe. C'est du délire puis j'ai mal à cette putain de jambe. Ouais c'est ça, il a dû se tromper de patient.

Je sens les mains de ma mère m'encadrer le visage.

— Pleure pas mon bébé, me console-t-elle en passant ses pouces sur mes larmes alors qu'elle-même pleure.

Elle essaye de capter mon regard mais il est perdu dans le vide. Je suis dans un putain de déni. Ce n'est pas à moi qu'il est arrivé tout ça. Oh non, c'est certain, ce n'est pas moi. Je secoue la tête.

— Non.

C'est tout ce que j'arrive à dire. Mon père à l'air désemparé. Les poings sur les hanches, il ne pipe mot et n'ose pas me regarder.

— Non... non... non...

C'est mon rêve que je vois partir en fumée. C'est ma vie que je vois se scratcher. Peut-être aurais-je dû perdre la vie dans cet accident de moto pour que ça me paraisse plus facile à accepter. Une fois mort, je n'aurais pas eu le choix. Mais là, c'est tout mon avenir que je vois s'évaporer, mon métier que je viens de perdre ainsi que la femme avec qui je voulais partager ma vie.

Mais je ne veux pas y croire alors je tire sur le drap qui me recouvre. Je trouve la force nécessaire pour le faire mais ce putain truc à moitié rond me gâche la vue.

— Ça... enlève... dis-je à qui veut bien m'entendre.

Le médecin s'exécute et je me prends la réalité en pleine gueule. Elle est fracassante, je suis fracassé. Je sens que ça coule de mes yeux sans que je ne puisse retenir une seule de mes larmes. La vue qui s'offre à moi me débecte. Je me dégoute d'être comme ça. Je reste bloqué sur cette partie qui me manque. Sur ce pied que je ne verrai plus jamais, sur ce tibia que j'ai tant bleuté à cause des cales pieds de la moto. Disparu. Il n'y a plus rien. Plus qu'un putain de moignon bandé que je déteste plus que ma propre vie qui est devenue insignifiante. Je n'aurais jamais dû me réveiller et m'endormir pour un sommeil éternel.

Croire en nous - Tome 2 : La TempêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant