Chère Elodie, j'espère que tu te portes bien et que tu mènes une vie que tu apprécies. Je t'écris cette lettre d'abord pour m'excuser et ensuite pour t'expliquer ce qui s'est passé ces derniers mois.
Sache que je m'en veux de t'avoir abandonnée comme ça, sans aucune raison. Je ne vais pas en chercher. Je te prie de m'excuser.
En effet, il y a quelques mois j'ai eu le courage de t'avouer mes sentiments à travers une lettre - comme j'aime les écrire - alors que je pensais ne jamais en être capable. Cette lettre était sincère et je pense toujours ce qui y est écrit.
Je t'écris cette nouvelle lettre, actuellement devant mes poissons. Ce sont les seuls ces derniers jours qui réussissent à m'apaiser. J'espère que j'aurais un jour l'occasion de te les montrer. Ils calment mes pensées.
Cela fait deux semaines aujourd'hui que je suis revenue définitivement chez mes parents dans leur nouvel appartement - logement de fonction de mon père à la faculté de droit - et deux semaines que j'ai commencé un nouveau sport : le cheerleading.
Il y a un peu plus d'un mois, j'ai commencé une hospitalisation dans une clinique psychiatrique pour tentative de suicide et dépression grave. Je suis restée hospitalisée deux semaines et demie.
Je suis passée d'une hospitalisation stricte à des permissions de balades autour de la clinique puis à des autorisations de visites de ma famille. Ensuite des permissions de sortie allant de quelques heures à une nuit, un week-end et enfin une sortie définitive. Je n'ai pas repris le travail mais je retourne progressivement à l'université.
Pendant cette hospitalisation j'ai pu prendre du recul sur ma vie. J'ai été coupée du monde extérieur puisque je n'avais pas de téléphone, ni d'ordinateur. Je n'étais donc pas joignable.
Je me suis recentrée et j'ai beaucoup appris. J'ai aussi beaucoup réalisé. J'ai pu mettre des mots sur ce qui m'est arrivé. Ces mots sont aujourd'hui essentiels pour expliquer à mes proches, et à toi, ce qui s'est passé et pourquoi je me suis retrouvée coupée du monde.
Ça a été progressif. Je me suis retrouvée dans un labyrinthe et lorsque je me suis trouvée dans des impasses consécutives, je n'ai pas trouvé d'autre solution que de partir pour toujours. Heureusement, je réalise maintenant qu'il y avait finalement d'autres issues. Mais je pense - même si cela est triste - qu'il fallait que je tombe aussi bas pour réaliser à quel point la vie est chère et je me suis ainsi rapprochée de ma famille ainsi que de mes véritables amies.
J'ai voulu reprendre contact avec toi dès le premier jour parce que je sais que tu en fais partie. Alors oui, je le fais très tard mais je crois que je n'étais pas tout à fait prête avant.
J'ai réalisé, un peu par hasard, au détour d'une conversation avec une patiente de la clinique, que j'ai été sous l'emprise de ce que l'on appelle une perverse narcissique. Elle a juste cité ce type de comportement et un matin j'ai fait des recherches dans ma chambre double. J'ai été soulagée de mettre un nom sur le comportement qui a failli m'ôter la vie. J'ai lu des témoignages, regardé des émissions et lu des livres à ce sujet. Ils m'ont donné envie de partager avec mon entourage une explication simple de ce qu'ont été les précédents mois et cela m'a donné envie d'expliquer, comme l'ont fait de nombreuses personnes avant moi, ce qu'a été pour moi, ma relation avec une perverse narcissique. Alors je ne vais pas vraiment entrer dans les détails ici mais je te donne à la fin de cette lettre les ressources qui m'ont permises de comprendre et que j'ai partagées à mon entourage. Cette lettre est significative pour moi car c'est le début de l'écriture, un tremplin.
Je suis actuellement en thérapie relativement dense avec une psychologue et un psychiatre. Je m'entends très bien avec ma psychologue et elle m'a encouragé à écrire sur ce qui m'est arrivé. Elle me convainc que je n'ai pas à céder aux barrières que je m'impose et que je suis légitime de faire ce genre de projets. Lolita et Andreina me suivent aussi dans ce projet.
J'aimerais te faire lire par la suite ce que j'aurais réussi à coucher sur le papier, j'aimerais que tu sois l'une de mes bêta lectrices.
J'aimerais venir te voir à Nantes, refaire des cinémas en ta compagnie, manger une salade et te critiquer sur le mélange aubergines et tomates séchées, nous refaire tatouer, sentir ton parfum et discuter sur le parking du CGR, faire des voyages, profiter de la vie, te prendre dans mes bras et réaliser à nouveau comme je suis petite à côté de toi. J'aimerais demander au vendeur du guichet de choisir pour nous entre les deux films lorsque nous ne sommes pas capable de prendre une décision. J'aimerais dormir sur ton canapé, refaire ton sapin de noël, poser ma tête sur ton épaule à ma droite dans une salle obscure, juger tes kitkat balls et ton coca-cola puis sourire en reconnaissant les effluves de pêche et de cerise sur le tissu de mes vêtements lorsque je les retire le soir venu. J'aimerais faire toutes ces choses comme avant et les apprécier comme j'aurais dû le faire en temps voulu car maintenant je sais à quel point ces moments sont chers et ils me manquent, tu me manques.
Ces moments m'ont aidé à m'échapper lorsque j'étais prise au piège. Je me les suis souvent remémorés. Ils ont été mon échappatoire.
J'ai changé. Peut-être en mieux pour certains ou en pire pour d'autres mais je me fiche de leurs avis. Je me trouve plus déterminée et plus sûre mais aussi plus faible et plus craintive. C'est assez paradoxal je trouve, mais je suis balance ne l'oublions pas. Cette relation m'a détruite et m'a construite à la fois. J'en sors fortifiée mais je dois encore me reconstruire. Comme la plupart des victimes de pervers narcissiques, j'ai subi des violences en tout genre, masquées et excusées par leur autrice. J'ai progressivement pris conscience de leur existence puis de leur gravité. Tout d'abord ce fut les violences physiques, psychologiques mais les plus dures et les plus tardivement identifiées ont été les violences sexuelles.
Le début de mon hospitalisation m'a semblé comme un nouveau départ. Je n'ai plus retouché à mon ancien téléphone, ni à mes réseaux sociaux. J'en ai donc un nouveau, avec une nouvelle ligne téléphonique. Je fais le choix de ne pas reprendre mes réseaux. Je crois que j'ai peur qu'ils me fassent penser au passé ou que l'on me retrouve alors que je veux redémarrer une vie que je choisis moi-même. Cette nouvelle vie est pleine de détermination et d'optimisme.
Tu n'es pas obligée de répondre à cette lettre.
Je te remercie de l'intérêt que tu y as porté.
Prends soin de toi ! J'espère à bientôt :)
Ta naine
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Et pourtant
RomanceEloïse n'a que vingt ans lorsqu'elle s'enferme sans s'en rendre compte dans une relation toxique avec une perverse narcissique. Progressivement elle dépersonnalise et se laisse mourir car elle ne supporte plus les violences. Cette relation fini par...