Partie 2, chapitre 5

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Nous sommes le 31 mai 2022 et nous débutons l'entraînement du mardi soir. Il ne reste qu'un duo en compétition alors les athlètes restantes s'occupent d'apprendre de nouveaux mouvements pour le gala de fin d'année tandis que le duo restant, lui, s'entraîne sans relâche pour les demi-finales du championnat de France.

Je commence l'échauffement articulaire tandis que les coachs sont restées à l'extérieur du gymnase pour discuter avec une athlète et ses parents. Une athlète que je n'ai jamais vue. Je pense qu'elle vient faire un essai. Nous avons fini de courir nos trois tours de gymnase, nous avons fait un tour sur demi pointes et nous nous sommes placées en cercle au centre de celui-ci, face à la porte d'entrée. Quelques rayons de soleil passent par les vitres hautes, juste en dessous des tôles qui constituent le plafond. Ces rayons de soleil réchauffent un peu le gymnase et annoncent les prémices d'un bel été. La lourde porte rouge et vitrée de l'entrée s'ouvre sur la jeune athlète. Elle longe silencieusement le couloir qui donne sur le gymnase. Je la regarde. Je la trouve belle.

Elle va ensuite déposer ses affaires sur un des bancs en béton qui longent les murs du gymnase, se chausse et nous rejoint pour l'échauffement. Elle a rapidement compris qu'il fallait me suivre car en effet, je suis la plus vieille des athlètes, je suis un peu la grande sœur du groupe et je suis chargée de l'échauffement. Je propose directement de faire un tour des prénoms afin qu'elle se sente en confiance et la moins perdue possible.

Elle s'appelle Lucie.

Nous continuons l'échauffement par quelques étirements.

« Ça fait longtemps que tu fais du twirling ? » ma langue a prononcé ces quelques mots sans que je n'ai eu le temps de réfléchir.

« Oui, depuis que je suis toute petite » m'a-t-elle répondu, puis elle me renvoie ma question.

Je lui réponds que j'ai fais des majorettes juste avant, la simple évocation de ce passé me réjoui, j'aime me souvenir de tous les bons moments que j'y ai passé avec Lolita, Angeline et toutes les autres.

Je lui demande quel âge elle a et contrairement à ce que j'aurais pensé, nous sommes loin d'être nées la même année ! Elle n'a que seize ans. Elle est très jeune. Je me sens presque vieille. Pour ma part, j'en ai dix-neuf.

Les coachs ainsi que ses parents sont entrés dans le gymnase, ils ont fait le même chemin qu'elle mais ne m'ont bizarrement pas procuré le même effet. De notre côté, nous avons commencé à échauffer nos flips - mouvement de base qui nécessite que les articulations de la main soient bien échauffées. Ses parents s'asseyent juste à côté de ses affaires, en face de mon poste de travail. Durant tout l'entraînement je fais semblant de ne pas voir leurs regards posés sur moi, mais ils me perturbent.

À la fin, lorsque nous rangeons nos affaires, je lui propose d'échanger nos comptes Instagram pour faire plus ample connaissance. Je ne sais pas pourquoi mais j'ai voulu qu'elle se sente bien immédiatement, qu'elle ne se sente pas mise à l'écart.

Elle réagit souvent à mes stories et inversement, peut être que nous nous en servons comme arguments pour entamer les discussions. Je l'ai invitée à boire un verre et à aller au cinéma, je lui ai dit que je voulais mieux la connaître. La différence d'âge m'est dorénavant étrangement égale, j'espère qu'elle comprendra mes avances.

Nous sommes le trente juin deux mille vingt deux quand nous nous donnons rendez-vous devant la fontaine d'un centre commercial en plein air. Je l'attends impatiemment. Mon cœur bat vite et mes mains sont moites. Ma bouche est pâteuse. Je suis stressée. Je vois au loin un Scénic gris qui la dépose. Son père peut-être ? Je la vois marcher d'un pas assuré vers moi, comme ce jour-là il y a moins d'un mois dans le gymnase. Elle est grande, ronde, blonde. Elle a coiffé ses longs cheveux d'une queue de cheval et porte des lunettes de soleil. Toutefois, je me souviens très bien du bleu de ses yeux. Un bleu gris intense et renversant. Il est rare que je regarde les gens dans les yeux mais avec elle ça me parait presque une habitude. Elle porte une veste en cuir qui dissimule un tee shirt blanc ample. Elle a choisi un jean mom bleu clair et des converses noires à plateforme. Elle a bon goût vestimentaire. Elle finit par arriver vers moi et nous nous faisons la bise. Je décide de briser le silence.

Et pourtantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant