Partie 2, chapitre 6

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Premier avril 2023. Ma vie a changé du tout au tout en une seule soirée, en quelques heures et pas beaucoup plus de minutes. C'est donc ça l'effet papillon ? Changer tout notre avenir en un seul choix ? Où serais-je dans un an ? Qu'est ce qui aura changé ? Qu'est ce qu'elle aura changé ? Je me le demande.

Comme tous les samedis, je suis en caisse. Aujourd'hui, c'est la caisse huit. Les clients défilent et les articles aussi. Le job est ennuyeux mais je ne peux m'empêcher de sourire. J'ai l'air niaise. C'est donc ça les effets de l'ocytocine ? Avoir l'air bête à chaque instant ? Je me sens pousser des ailes constamment. J'ai envie de courir, de crier, de manger. C'est comme si l'amour était un antidote à la tristesse, à la dépression, à la morosité. Maintenant j'ai la force de tout.

En rentrant je m'active en cuisine. Je pâtisse des cinnamon rolls pour le lendemain.

Nous sommes le deux avril deux mille vingt trois et mon réveil sonne, il est neuf heures. Je me lève et file à la douche. Lorsque j'en sors, la buée s'est installée sur le miroir. Je l'efface du dos de ma main. J'aperçois mon reflet pâle et mes cheveux noirs. Je vois mes piercings et mes tâches de rousseurs. J'aperçois cette fille que je déteste tant et ce corps qui me semble si répugnant. Et puis je la vois elle, celle que je suis vraiment, celle qui aime passionnément. J'enroule la serviette de bain autour de ma poitrine - bien qu'inexistante - puis je m'approche de la glace. Je me maquille rapidement d'un trait d'eye liner et de mascara, de blush et voilà. Je m'habille d'un haut noir cotéllé et décolleté assorti d'un jean foncé. Je me précipite vers la cuisine et j'emballe les pâtisseries datant de la veille dans un plat mais je prends soin d'en séparer une dans un petit Tupperware au couvercle vert. J'enfile mon trench noir et je prends mon sac à main. Lorsque je suis prête à démarrer, je me surprends à sourire à l'idée de te revoir, toi, celle pour qui je n'aurais jamais cru avoir des sentiments un jour.

Le GPS indique que je suis arrivée. Salle Jacques Brel. Je me regarde dans mon rétroviseur, mes cheveux ont bien bouclés. Je me trouve belle aujourd'hui. Serait-ce encore un effet de l'ocytocine ? Est ce que je me trouve belle parce que, sur cette terre, une autre personne me trouve belle de façon inconditionnelle ? Je sors de la voiture et je la ferme à clé. Je me dirige vers l'entrée et je salut tout le monde. Je dépose mon plateau en cuisine puis je te cherche. Toi qui n'est pas encore là. Quand tout à coup je me souviens que personne n'est au courant et qu'il faut que l'on reste discrètes. Je te vois qui passe le seuil de la porte quelques minutes plus tard accompagnée de ton amie et sa petite sœur qui pratique le même sport. La maman vous a amenée en voiture. En ce moment, tu loges chez eux. Cette maman est une amie de longue date de ta famille. Pendant l'une de nos sorties au cinéma, tu m'as expliqué que l'ambiance chez toi est très compliquée alors tu préfères t'éloigner.

En rentrant de l'avant-première, avant-hier soir, je t'ai raccompagnée dans la maison familiale qui t'accueille gracieusement.

Est-ce un hasard si je vous dis que cette maison est la même que celle où habitait mon ancienne coach Angeline quelques années auparavant ? Rien que la vision du jardin m'a glacé le sang.

Aujourd'hui, tu es habillée d'un d'un teeshirt nike rouge, d'un pantalon à pince noir et de tes converses noires. Tu t'es coiffée de deux tresses plaquées et n'es pas maquillée. Même au naturel tu es belle.

Tu entres dans la salle avec une assurance que je t'envie. Tu marches vers moi en me souriant. Tes pommettes se réhaussent et tes lèvres se tendent. Ton sourire est parfaitement dessiné. Ton teint est légèrement rosé. Tu me tends la joue et je ne comprends pas tout de suite puis je vois dérriere toi la femme qui t'acceuille et je comprends ton geste. En effet, cette famille a une religion qui n'est pas en accord avec notre relation, alors pour garder le toit sous lequel tu dors sereinement, tu te dois de rester discrète quant à nos sentiments.

Et pourtantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant