Partie 4, chapitre 19

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Aujourd'hui je me réveille avec la conviction que fuir est encore une option. Je me lève en même temps que toi et la journée recommence. Nous prenons un petit déjeuner copieux que je ne parviens pas à avaler. Tu me forces en me disant que je joue la comédie et que je te stresse plus qu'autre chose.

Nous nous préparons et j'enfile un de tes pulls pour cacher l'hématome à la base de mon poignet. Une vilaine morsure que tu m'as de nouveau infligée.

Hier, tu n'as pas eu le temps de tester l'activité sur laquelle tu seras notée alors tu me charges de l'essayer. Il s'agit d'une réaction chimique qui reproduit une éruption volcanique. Dès que je t'ai déposé, je vais acheter de quoi l'effectuer. Je t'envoie la vidéo de l'expérience et tu es soulagée. Par la suite, je vais nous acheter de quoi manger ensemble pendant ta pause déjeuner. Je prends deux sandwichs à La Feuillette et je t'achète un macaron au Nutella.

Nous nous asseyons sur un banc sous le soleil étincelant. Un soleil d'octobre plutôt réconfortant. Nous parlons de ta matinée et nous profitons de l'instant. Lorsque vient le moment de te laisser, je le fais avec plein d'entrain et d'optimisme. Je ne sais pas encore comment va se dérouler la suite et c'est triste à dire mais j'ai hâte de t'abandonner. J'ai hâte de n'avoir plus rien à penser, plus aucun passé à cacher, plus aucun bleu à dissimuler, plus de disputes à arranger. J'ai hâte de vivre pour moi et de ne plus penser à toi. J'ai bien essayé de te réparer mais tu es trop brisée.

Alors me revoilà dans la voiture, j'allume le contact et je roule jusque chez mes parents. Je ne perds pas de temps. Je me dis que s'il ne sont pas là, j'irais chez mes grands-parents. Je suis déterminée à m'en sortir et rien ne peut plus m'arrêter. Je me gare au même endroit qu'hier, je fais le même chemin à pied. Je vois de la lumière à travers la fenêtre. J'aperçois une silhouette, celle de mon père. Je sonne à la porte noire blindée. J'attends quelques secondes puis il m'ouvre. Il est au téléphone mais je le vois qui sourit en me reconnaissant.

Il me fait signe d'entrer et d'aller dans la salle à manger. Je tremble, mes jambes ont du mal à me porter. Je reste debout et je balaie du regard les cartons à peine défaits. J'aperçois dans un coin de la pièce, sur une étagère, la plante verte - qui a bien grandi - que j'avais offerte à maman pour la fête des mères. Elle en a pris soin, ça se voit. Cela m'émeut. Et puis je réalise que je suis à l'abri, que j'ai enfin réussi. Que plus rien ne sera comme avant et que le plus dur est fait. Mes nerfs se relâchent et je pleure. J'essuie mes larmes à l'aide de ton pull et je ne peux m'empêcher de renifler. Soudain mon père a terminé son appel et me demande comment je vais.

Je ne peux m'arrêter de pleurer. Les larmes coulent toutes seules et j'ai l'impression qu'elles vont m'achever. Il me dit de bien respirer, que tout va bien se passer. Il me demande si je veux quelque chose à boire et me dit qu'il a même de l'Iced Tea - ma boisson préférée. Alors j'accepte, je bois en grandes gorgées et je prends une grande inspiration. Je lui dit - sans savoir comment j'en ai eu le courage - que je veux rompre avec toi, que tu es violente avec moi et que ça ne peut plus durer comme ça. Il reformule et me demande si je t'ai prévenu. Je lui dis que je me suis enfuie et que nous logeons en ce moment chez tes parents. Il me conseille d'appeler ton père. Il me dit qu'en attendant je suis la bienvenue et que j'ai même mon lit ici.

Je brandi alors mon téléphone et dans un élan de détermination j'appelle Patrice. Je vais dans la cuisine où je serai plus tranquille. Le pauvre ne comprend pas quand je lui dit que ce soir je ne serai plus là. Il est tout de même avenant et il prend les devant. Je lui dis que j'ai peur pour toi, je lui demande de prendre tes médicaments qui sont à côté de ton lit. Il me dit que ça va être difficile mais qu'il sera là pour toi. Il me demande simplement de t'appeler pour t'expliquer.

Je sens mon téléphone vibrer. Tu es en pause et tu m'appelles. Jusque là j'avais mis mon téléphone en mode avion pour ne pas être stoppée. Je fini par raccrocher avec Patrice et je prends ton appel. Tu es apeurée, tu ne sais pas ce que je fais. Je te dis que je ne reviendrai pas, que je suis désolée. Je ne sais pas quoi dire d'autre, je suis bouche bée. Tu pleures, tu cries, tu me demandes si je compte te plaquer. Je te réponds que je ne sais pas et que j'ai besoin de faire le point. Tu me demandes où je suis et je te dis la vérité. Tu commences à t'énerver. Tu me demandes des explications auxquelles je ne peux pas répondre.

Je suis perdue si tu savais. J'aimerais te rassurer et te dire que tout ça n'est pas terminé mais en réalité je suis exténuée. Tu me supplies de venir te chercher et d'en parler. Je finis par accepter. Ton père sera là, ça me rassure. Je raccroche et mon cœur bat la chamade. Comme si j'avais trop bu de café ou fumé trop de cigarettes, ça n'est vraiment pas agréable. J'ai l'impression que je vais exploser. Je croyais que le plus dur était passé mais il faut croire que j'ai encore matière à en douter.

Je ne sais pas ce qui m'attends. C'est facile de fuir mais c'est autre chose de faire face à ses responsabilités et d'assumer ses choix. Surtout devant celle que j'ai tant aimé mais qui dorénavant me bat.

Il est 17:03, je suis là avec beau-papa, nous n'attendons plus que toi. 

Et pourtantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant