J'ai soufflé mes bougies et ils ont applaudi sans savoir que mon souhait était de mourir.
Pourquoi ? Me direz vous.
Tout simplement parce que je n'en peux plus de me réveiller tous les matins avec la nausée et cette impression de ne pas avoir dormi. Je n'en peux plus de devoir être toujours à l'affût, de toujours me préparer au pire. J'en ai marre de devoir te mentir. Je ne veux plus de cette vie.
Bien sûr, il y a des matins où je suis remplie d'espoir. Il y a ceux-là où je me dis : aujourd'hui, je te quitte. Et puis, il y en a d'autres où la seule chose qui me permet de me lever est de me dire que le soir, dans ton dos, tes médicaments je les avalerai. À chaque fois que le ton monte et que tu me mord jusqu'au sang, je me répète qu'il y a sûrement un moyen, un remède. Ensuite, je suis fatiguée de te trouver tout un tas d'excuses. J'en ai marre de me mentir à moi même. Si ce n'est pas toi qui me tuera, ça sera moi.
Et puis il y a tout ce que nous avons construit. Cette relation devenue si folle, mais née si sage. Cette même relation que je qualifiais d'incroyablement saine à ses débuts. Il y a toute cette famille qui est devenue la mienne et auprès de laquelle je me sens libre d'être moi-même.
Paradoxalement, il y a tout ce que j'ai perdu. Mes amies, mes coachs, ma famille et enfin mon passé. Tout ce sur quoi j'ai dû, petit à petit, faire une croix.
Et enfin, il y a moi. Qu'est ce que je suis devenue en six mois ? L'ombre de moi-même, voilà ce que je suis devenue. J'ai de nouveau perdu l'envie de vivre et je ressemble à un zombie. Je n'ai même plus une once d'énergie. Je suis pâle, je perds mes cheveux par poignées, j'ai l'air tout le temps triste et je n'ai plus goût à rien.
À quoi ressemble ma vie à cet âge où tout est censé décoller ? Je ne vais plus en cours et je vais sûrement finir par me faire virer de mon travail à cause de mes absences à répétition. Je n'ai plus d'avenir mis à part celui que tu ne cesses de me promettre. Je crois que j'ai oublié comment être heureuse.
Donc, nous voilà maintenant seule toutes les deux, le jour de mon anniversaire. Les messages de mes proches affluent malgré mon éloignement de ces derniers temps. Il y a bien sûr mes grands-parents et puis ma sœur mais il y a également un appel de mon père auquel je ne réponds pas. Il m'a laissé un message sur ma boîte vocale me souhaitant un joyeux anniversaire et une bonne journée. Ensuite, il y a un message de Lolita, plein de rancœur mais j'y vois de l'amour et de la nostalgie de toutes nos années passées. Elle me dit qu'elle ne comprend toujours pas mon silence et la raison pour laquelle je me suis éloignée ainsi.
La colère te vient lorsque tu réalises que mes proches sont toujours entre nous deux. J'ai peur de cette colère si tu savais. J'en ai tellement peur que je décide de ne répondre à aucun d'entre eux. Il me faut être forte pour rester debout et ne pas pleurer. Mais je finis par craquer.
Mes sanglots sont incontrôlables et mon envie de ne plus être ne me lâche plus. Nous sommes retournées au lit et je mouille l'oreiller. Tu me demandes ce qui m'arrive, tu me dis que je devrais être heureuse et que ça n'est pas juste pour toi que je pleure comme ça. Je n'ose pas te dire la vérité. Si je te dis vraiment ce que je pense, tu finiras par t'énerver. Alors je t'explique que je me sens bizarre de voir les années défiler. Tu me crois. Je suis douée pour tout cacher. Je te dis que je ne veux pas fêter mon anniversaire, que je veux que ça soit une journée comme les autres. Ainsi je pense que je veux ne rien faire qui me fera me sentir encore plus seule un jour comme celui-là. Tu me prends dans tes bras et me dis que tu vas juste me préparer une petite surprise. Tu me laisses là, au fond des draps. Je ferme les yeux et je ne pense plus à rien.
Tu reviens me chercher quinze minutes plus tard et me prends par la main. Tu m'emmènes dans la salle à manger où se trouvent quelques ballons multicolores que tu as gonflé. Nous décidons de regarder un film à la télévision et commandons à manger. Pas de restaurant, pas d'amis, pas de famille. Juste toi et moi.
J'envie plus que jamais les bras de mes proches, leurs parfums, leurs mots rassurants. J'ai juste envie d'être avec eux, là, maintenant.
Il est environ vingt heures lorsque nous rentrons à la maison. Tu décides de me préparer le repas. Une pizza. Pendant que tu es dans la cuisine, je décide de supprimer les messages que j'ai reçu aujourd'hui afin d'éviter tout accès de colère de ta part. Là, j'en reçois deux derniers.
Mon ancienne coach ne rate jamais mon anniversaire, depuis deux mille dix huit j'ai toujours le droit à un petit message qui me demande de mes nouvelles. Elle s'intéresse souvent à comment ma vie a pris ou non un nouveau tournant. Je suis émue de recevoir ce message.
Alors que j'essaye de contenir mes larmes, je lis le deuxième. Il s'agit d'Élodie. Un long message marquant une rupture. Comme Lolita, elle ne comprend pas mon éloignement. Elle me dit cependant espérer que je sois heureuse et me dit de prendre soin de moi. Les larmes coulent et mes joues deviennent rouges.
« J'aimerai tant lui répondre », pensa-je, mais j'ai trop peur qu'elle ne me réponde en retour et que tu ne tombes sur ce message. Je n'ai pas envie de te les montrer, j'ai envie de garder un jardin secret. Et puis je suis déjà revenue en mai en lui disant que je n'allais pas repartir, cependant, je l'ai quand même fait. « On fait tous des erreurs » me dis-je. Celle-ci en fait partie. Je ne peux à l'évidence pas tenir ma parole alors il vaut mieux que je parte pour de bon. J'appuie sur effacer et le message s'en va.
Tu débarques dans la salle à manger en me demandant ce que je fais. Tu t'assois au sol, en face de moi et je n'ai plus le temps de cacher quoi que ce soit. Tu me vois pleurer et tu me prends mon téléphone. Là, tu vois le message d'Angeline et tu entres dans une colère noire. Tu jettes mon téléphone à travers la pièce, il se casse en rebondissant et tu cries. Une gifle part et mes lunettes sont propulsées à travers la pièce. Tu ne comprends pas que quelqu'un d'aussi lointain puisse se rappeler de mon anniversaire. Je n'essaie même plus de te convaincre. Je n'en ai pas la force. Tu me demandes de choisir définitivement entre toi et le reste du monde.
« Pourquoi ? » Je n'aurais pas dû poser la question qui te fait te transformer en une bête féroce. Là tu me gifles et me pousse sur le lit que nous n'avons pas refait avant de partir pour cet affreux week-end. Ce même lit qui accueillait nos ébats de jeune couple poussé par les hormones de plaisir. Ce même lit où tu m'as tant de fois fait jouir. Jamais rien n'efface les rêves et la violence.
Tu cries : « Pourquoi ? Tout simplement parce que tu trouves toujours le moyen de me cacher des choses, de me mentir ! Pourquoi tu ne m'as pas dit que tu avais reçu un message de cette pute ? Hein ? Pourquoi ? »
Je me confonds en excuses et je me relève. Je cherche à tâtons mes lunettes. Je continue de te regarder avec mon air de chien battu car je ne veux pas manquer le prochain coup. Je finis par les trouver. Elles sont presque cassées. Je les tords à l'inverse pour leur redonner un semblant de dignité. Là, tu t'excuses et te mets à genoux. Tu me prie de t'excuser d'avoir je cite « gâcher mon anniversaire ». En réalité, il est gâché depuis que je me suis réveillée à tes côtés.
Tu prends dans tes bras l'une de mes jambes et tu colle ton visage contre ma cuisse. Tu me dis que la pizza est bientôt prête. Nous mettons notre film à la télévision et je prépare la table.
Ce soir-là, tu n'as rien brisé en moi puisque je ne ressens plus rien depuis longtemps. Je n'ai plus envie de rien, même pas de te faire l'amour les jours où je t'aime encore. Ce soir, je me suis de nouveau forcée. Du début à la fin. Et puis j'ai déréalisé. J'avais l'impression de n'être qu'une poupée. Un jouet. Le tien. Voilà à quoi ma vie va ressembler, toujours me forcer pour ne pas t'importuner.
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Et pourtant
RomanceEloïse n'a que vingt ans lorsqu'elle s'enferme sans s'en rendre compte dans une relation toxique avec une perverse narcissique. Progressivement elle dépersonnalise et se laisse mourir car elle ne supporte plus les violences. Cette relation fini par...