Partie 3, chapitre 12

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Juillet

Depuis plusieurs mois maintenant, ma famille a organisé une sortie à Terra Botanica cet été.

Je ne sais pas comment te dire à quel point leur parler de nous me terrifie. Toi, tes parents sont déjà au courant, mais ça n'est pas le cas des miens. Entre vous tout est naturel, et pourtant, tu m'a expliqué les soucis que vous traversez en ce moment. Tu ne veux pas rester seule avec ton papa par peur de ses gestes car il peut parfois se montrer violent. Seulement, ta maman part en cure pendant un mois et tu es désespérée, tu ne sais comment t'organiser. Je me sens alors obligée de t'héberger. Ça me fait peur, ça va si vite... J'ai l'impression d'être sur des montagnes russes qui avancent à toute vitesse et qui ne font que monter. J'ai peur de dégringoler.

Alors voilà, je t'ai donné les clés, je t'ai ouvert la porte de chez moi, j'ai baissé ma garde. Maintenant tu as accès à l'appartement même quand je n'y suis pas.

La veille de mes jours de travail, qui sont les mercredis et les samedis, je dors encore chez mes parents. Une manière de garder un lien, ne pas couper le cordon trop vite ou de façon trop brutale. Seulement, depuis que tu es rentrée de vacances, tout est différent. Je me sens moins libre. Tu dors de plus en plus souvent à l'appartement et tu as de plus en plus de mal à t'endormir seule, chez tes parents. Tu me fais souvent comprendre que tu aimerais que je sois plus présente. Tu ne trouves pas l'intérêt que l'on dorme chez ses parents à encore vingt ans. C'est bien simple, chaque nuit que je passe chez eux est une opportunité pour toi de m'en vouloir. Tu te sens rejetée de ma famille et quand je me mets à ta place je te comprends. Alors j'essaye de parler de toi à mon papa. Mais je n'arrive pas à lui dire concrètement.

Un soir, je réussis à leur écrire une lettre. Dans celle-ci, j'écris avoir des sentiments pour toi depuis un moment déjà. Je m'y excuse mille fois. J'aurais tant aimé le leur dire avant, mais je n'y arrivais pas.

Tu sais ce que ma maman a répondu à ça ? D'abord qu'elle était déçue, pas déçue de moi mais de ne pas l'avoir su avant. Elle m'a aussi dit qu'elle avait deviné depuis longtemps que pour des femmes j'aurais des sentiments.

Ils le savent maintenant. Ils le savent et pourtant, ils font comme s' ils n'étaient pas au courant. Pour toi, c'est blessant. Je t'aime, tu m'aimes, mais déjà, ça n'est plus comme avant.

Comme tu fais officiellement partie de la famille à présent, je demande à mes parents si je peux venir avec toi à Terra Botanica. Ils ne sont pas tellement enchantés de cette demande mais je leur force un peu la main, je ne veux surtout pas te donner raison quand tu trouves être mise de côté.

Un dimanche, je vais rendre visite à mes grands-parents avec maman. Ils nous ont invités pour déjeuner. Mon grand-père maternel est comme qui dirait un grand nounours. Il parle fort et a un avis bien tranché sur tout. Il est tout de même accueillant et bienveillant. Mais toutes ses qualités ne sont que trop peu valorisantes en contrepartie de son manque de tact face aux gens différents.

Une case large n'est ce pas ? Elle inclut les personnes d'une autre couleur de peau, d'une autre origine, d'une autre religion, ou encore d'une autre orientation sexuelle que la sienne. C'est pourquoi je stresse tant. Alors, lorsque maman sort pour aller à la voiture, je saute sur l'occasion pour provoquer cette discussion. Mon grand-père me demande alors :

« Est ce que tu as quelqu'un ?

Je ne peux m'empêcher de sourire lorsque je l'entend prononcer ces quelques mots. Je hoche la tête et réponds tout bas :

— Peut être que oui

Je vois ses yeux rougir et des pommettes se relever.

— Comment s'appelle-t-il ? dit-il tout fier.

Et pourtantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant